Climat-ÉnergieFinance
20 mai 2013

EDF : « le charbon est notre avenir, développons-le »

EDF, première entreprise française d’électricité, se targue d’une production d’énergie à 87% sans émissions de CO2.

Voir le rapport d’activité d’EDF de 2011 (p.31), pour accéder au détail de ses choix énergétiques.

Les deux premiers postes de production d’électricité proviennent du nucléaire (79,6 %) et des énergies fossiles (8,2 %). L’éolien et le solaire, quant à eux, ne contribuent qu’à 1,5 % de la production totale. Des choix discutables quand on sait qu’il faut limiter à un tiers l’exploitation des ressources fossiles connues d’ici 2050 pour cantonner l’augmentation de la température du globe à 2 °C par rapport à l’ère pré-industrielle et que le nucléaire constitue un risque inacceptable comme le montre, une fois de plus, la catastrophe en cours à Fukushima.

Le charbon, ça suffit ! (mais en Pologne et en Serbie, d’accord)

En France, sur les 15 centrales à production thermique d’EDF, six fonctionnent encore au charbon. Cependant, la majorité est soumise aux restrictions imposées par la directive européenne 2001/80/CE 1 qui impose des limites d’émission pour le dioxyde de soufre (SO2), le monoxyde et le dioxyde d’azote (NOX) et les poussières. En conséquence, EDF fermera dix de ses tranches d’ici 2015. Pour autant, l’entreprise n’abandonne pas complètement le charbon. D’une part, elle envisage la construction d’une centrale supercritique pour remplacer une partie du parc français . De l’autre, elle dispose directement ou via l’entremise de ses filiales d’un certain nombre de centrales en Europe de l’Est, et cherche à poursuivre de nouveaux investissements. Logique, pour un groupe qui a fait de « la lutte contre le changement climatique sa priorité 2 » ?

Sous les fumées, EDF : état des lieux à Rybnik (Pologne)

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Rybnik est une ville polonaise de Silésie qui accueille une centrale à charbon de 1 775 MW. EDF envisage de remplacer les unités soumises à fermeture en janvier 2016 par une nouvelle unité de charbon de 910 MW supposément plus propre puisque basée sur la cocombustion de charbon et de biomasse. Cela n’a pas été l’avis de la Commission européenne qui a rejeté en juillet 2012 l’inscription de cette soi-disant modernisation de Rybnik dans le Plan national d’investissements accordant des crédits carbone gratuits en échange d’une amélioration du système énergétique. La Pologne est le second consommateur de charbon en Europe et 92 % de son électricité provient de cette ressource fossile 3. Les impacts dans la région, qui est également une région minière, sont dramatiques. Les habitants de Rybnik ont d’ailleurs poursuivi l’Etat polonais pour la mauvaise qualité de l’air. Les centrales à charbon polonaises arrivent, pour la majorité, en fin de vie. Cela représente une véritable opportunité pour la diversification énergétique. Au contraire, un projet comme celui de Rybnik ne ferait que perpétrer une énergie hautement polluante, de moins en moins rentable 4 , et freinerait le développement d’énergies alternatives durant le temps de durée de vie de la centrale. Economiquement même, le projet ne se justifie plus, l’économie du charbon polonaise s’étiolant. Pour illustration, la diminution de la demande énergétique et du prix de l’électricité viennent de contraindre l’entreprise d’Etat Opole à renoncer à un investissement similaire à celui de Rybnik pour des raisons économiques.

et à Kolubara (Serbie)

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Kolubara, en Serbie, produit plus de 50 % de l’électricité serbe. Centrales et mine de lignite s’y côtoient. Le lignite, qui est la forme la plus nocive de charbon, constitue 69 % de la production de l’électricité serbe. La centrale de Kolubara est exploitée par l’entreprise d’Etat EPS. Cependant, depuis 2011, la rénovation du site de Kolubara B fait l’objet d’un prêt de la part de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et l’entreprise italienne Edison a signé un contrat de joint-venture avec EPS pour son exploitation. Edison, dont EDF détient 99, 484 % des parts… L’entreprise française s’engage là dans un projet fortement vilipendé pour les conséquences environnementales majeures du lignite, les accusations de corruption, l’impact des pollutions sur la région et ses habitants, les déplacements illégaux de populations.

Mais qui décide ?

Le Conseil d’administration d’EDF est composé de 18 administrateurs. L’Etat, qui détient 84,48 % des parts (ce qui le place en position d’actionnaire majoritaire) en nomme six. Ils sont choisis au sein des ministères (ministère de l’Economie et des Finances, ministère du Redressement productif, ministère des Affaires étrangères) et des établissements publics à caractère industriel et commercial (CNES, ADEME). En conséquence, les choix politiques et stratégiques de l’entreprise relèvent clairement de la responsabilité publique. Par cohérence, les engagements français en matière d’environnement et de climat devraient s’appliquer aussi aux entreprises où l’Etat est plus que partiellement décisionnaire.

Notes
1

Directive 2001/80/CE du 23 octobre 2001 relative à la limitation des émissions de certains polluants dans l’atmosphère en provenance des grandes installations de combustion, disponible sur : http://europa.eu/legislation_summaries/environment/air_pollution/l28028_fr.htm

2

EDF, Rapport d’activité 2011, p.30, à consulter sur : http://www.edf.com/html/RA2011/pdf/EDF2011_full_vf.pdf

3

Selon les données du gouvernement polonais, à consulter sur: http://www.mg.gov.pl/files/upload/8134/Polityka%20energetyczna%20ost_en.pdf

4

La production polonaise de charbon a décru ces dernières années. Comparativement aux autres pays, les coûts de production sont élevés. Les données sont rendues disponibles par l’AIE, « Coal Medium-Term Market Report 2011 », à consulter sur: http://www.iea.org/publications/freepublications/publication/Medium_Term_Coal_Market_Report2011.pdf