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Groupe localLes Amis de la Terre Paris5 avril 2004

Elisabeth Badinter ( Publicis) : l’idéologie publicitaire pour justifier les nuisances

Élisabeth Badinter, présidente du Conseil de Surveillance de la société Publicis a écrit aux AMIS DE LA TERRE PARIS. L’association écologiste était intervenue en faveur des 62 personnes auxquelles la publicitaire demande près d’un million d’Euros pour avoir gribouillé des affiches du métro Parisien. Loin de répondre aux questions relatives au nuisances publicitaires et à la promotion de pratiques contraire au développement durable posées par l’association, Publicis invoque des considérations idéologiques pour justifier la publicité..

Paris, le 5 Avril 2004 – LES AMIS DE LA TERRE PARIS ont dénoncé l’action disproportionnée de Publicis (Métrobus) et de la RATP à l’encontre de personnes à qui il est réclamé une somme plusieurs fois supérieure aux revenus de toute une vie. Préférant s’en tenir à une promotion générale de la publicité, Élisabeth Badinter a passé sous silence ces poursuites visant à mettre des citoyens financièrement à genoux.

Mme Badinter n’a pas non plus souhaité évoquer la croissance continue des nouvelles formes de sollicitations publicitaires dont sont victimes les usagers des transports qui confine au harcèlement et porte atteinte au cadre de vie des usagers des transports publics.

La publicitaire invoque la liberté du commerce pour réduire l’objectif de développement durable à des considérations « d’éthique personnelle ». Cet objectif est pourtant maintenant un objectif institutionnel pour les collectivités locales, nationales et internationales et est promu par de nombreuses associations reconnues d’intérêt général comme LES AMIS DE LA TERRE PARIS.

Or, trop souvent, la publicité incite à des pratiques contraires au développement durable comme la surconsommation d’énergie ou la consommation de produits non réutilisables et non recyclables dont on connaît les conséquences désastreuses pour la santé et pour la planète.

Enfin, interpellée sur le sexisme des publicités, Mme Badinter préfère garder le silence.

LES AMIS DE LA TERRE PARIS répondent à Publicis en souhaitant l’abandon des procédures contre les 62 personnes poursuivies, le développement de critères environnementaux pour encadrer la publicité et la création d’un fond au profit de campagnes d’intérêt général.

RÉPONSE DES AMIS DE LA TERRE PARIS A MME BADINTER

Paris le 2 Avril 2004

Madame la présidente,

Vous avez bien voulu répondre à notre courrier du 11 Février 2004, et je vous remercie pour l’attention que vous y avez porté.

Je me permet cependant de revenir sur les points que vous évoquez car je crois qu’une certaine incompréhension de notre démarche est susceptible d’avoir voilé le messages que nous souhaitions vous communiquer.

En premier lieu, je rappelle que les Amis de la Terre Paris n’ont ni appelé ni participé de quelque manière que ce soit aux actions d’expression sur les affiches publicitaires que votre groupe reproche à ces personnes.

Je me permets de revenir également sur la raison première de notre démarche qui est une requête auprès de votre société pour l’abandon de l’action disproportionnée à l’encontre des 62 personnes à qui vous réclamez une somme plusieurs fois supérieure aux revenus de toute une vie alors que souvent, la situation matérielle de ces citoyens est très modeste. Le caractère exorbitant des sommes réclamées, laisse en effet penser que vous êtes prête à lancer les actions les plus agressives à l’encontre de personnes qui seraient susceptibles de questionner certains de vos intérêts, aussi dérisoires, à l’échelle de Publicis, qu’ils puissent être. Je suis désolé de votre silence sur cette question, lequel interroge sur la cohérence entre cette action judiciaire et les valeurs que vous défendez pourtant, avec beaucoup de talent, par ailleurs.

S’agissant de la qualité des transports collectifs parisiens, je salue, avec vous, les efforts permanents de la RATP pour améliorer le service offert aux franciliens. Notre questionnement, comme celui des personnes poursuivies, porte sur l’environnement dégradé du cadre de vie induit par l’omniprésence publicitaire dans les transports. A cet égard, il est tout à fait significatif que vous citiez la ligne 14 comme une amélioration du cadre de vie. La réduction significative de la publicité sur cette ligne est en effet exemplaire dans beaucoup de stations. Vous auriez d’ailleurs pu ajouter d’autres stations au cadre de vie exceptionnel comme les stations Louvre (ligne 1), Arts et Métiers (ligne 11), Bastille (ligne1) ou Assemblée Nationale (ligne 12). Ces cas restent cependant des exceptions, voire des alibis, dans une mer de stations tapissées de publicités plus agressives les unes que les autres.

Vous soutenez que la publicité serait beaucoup moins présente qu’il y a quelques années. J’attire votre attention sur l’explosion des nouveaux supports dont le plus oppressant est sans doute la couverture totale des bus qui non contant d’enfermer littéralement les usagers dans un emballage publicitaire, dégrade considérablement leur confort en réduisant la luminosité intérieure. Comme vous le savez, beaucoup d’autres exemples de ces nouveaux supports dont Métrobus fait d’ailleurs largement la promotion, pourraient être cités, notamment le dernier né : la publicité sonore.

Là encore je me permet de rappeler notre message initial : l’omniprésence de la publicité sous ces formes sans cesse plus diversifiées et agressives confine au harcèlement des usagers qui n’aspirent qu’à voyager efficacement, confortablement et paisiblement.

En ce qui concerne le contenu des messages, vous me faites part de la tarification différenciée favorable à la communication culturelle que votre société a mis en place. Les Amis de la Terre ne peuvent que s’en réjouir et souhaitent justement la mise en place de ce type de mécanisme dans le cadre des objectifs de développement durable. Vous pourriez avoir ainsi le même type de tarifs différenciées en fonction de la durabilité des biens et services promus à travers votre régie. Nous proposons même d’alimenter un fond par les contribution des biens et services les moins durables au profit de campagnes sans but lucratif.

Enfin, je m’étonne que vous réduisiez notre démarche à la défense de « mon étique personnelle ». Si nous n’avions pas un grand respect pour votre action par ailleurs, cette réflexion nous paraîtrait témoigner d’un mépris certain, tant pour notre organisation que pour les victimes des maux contre lesquels nous nous battons depuis plus de trente ans.

S’agissant des Amis de la Terre, je me permet de vous informer que nous sommes reconnus sur le plan national et local comme défendant des objectifs d’intérêt général auprès du ministère de l’écologie et du développement durable. Sur le plan européen et international, nous sommes une Organisation Non Gouvernementale agréée comme tel auprès des Nations Unies et à ce titre partie prenante de la plupart des conventions internationales relatives à l’environnement global.

Sur le fond, je suis au regret de vous rappeler que la défense de l’environnement et le développement durables sont des objectifs de la communauté internationale, au moins depuis la convention de Stockholm en 1972, constamment rappelés depuis dans des conventions internationales successives. Ces objectifs imprègnent autant les traités européens et la réglementation qui en découle que la législation française. Ces préoccupations, enfin, sont en passe d’être constitutionnalisées tant au niveau européen que Français. L’exemple que vous croyez pouvoir citer, relatif aux biens durables, est d’ailleurs significatif puisque la loi posant comme premier principe la réduction à la source de la production des déchets remonte déjà à 1992 (Loi Royal) !

Mais le rappel de ce cadre institutionnel très au delà de mon « éthique personnelle » paraît relativement secondaire comparé aux crises humaines et environnementales que nous connaissons. Pour reprendre les exemples que nous citions dans notre courrier, l’augmentation de la quantité de déchets entraîne de considérables pollutions de l’air et des eaux voire des catastrophes sanitaires (dioxine) ; la consommation intempestive d’énergie ou de transports est considérée comme un facteur déterminant de la catastrophe climatique dont, vous le savez, nous subissons déjà les conséquences ; l’agriculture industrielle est un des facteurs fondamentaux de la pollution des eaux et de la réduction de la biodiversité ; la promotion de produits saturés en sucre ou d’alcool entraîne des conséquences sanitaires qui ne sont plus à démontrer… On sait par ailleurs que la conjonction de l’ensemble de ces facteurs est un des principaux éléments d’explication du développement de certaines maladies comme le cancer.

Enfin, je suis désolé de votre silence sur le sexisme, que traditionnellement les Amis de la Terre dénoncent, notamment sur le plan international, et qui nous semble bien souvent véhiculés par les publicités que vous gérez.

Sans revenir sur la liberté du commerce et de l’industrie à laquelle vous rendez grâce mais dont nous n’avons jamais contesté le bien fondé, je crois comme vous que l’interpellation des « barbouilleurs » du métro, mérite un débat plus approfondi que la forme épistolaire ne le permet.

Je serais donc heureux de vous rencontrer, et certainement d’autres associations concernées également, afin de défendre de vive voix la cause de ces personnes que vous voulez mettre financièrement à genoux.

Je vous prie de croire, Madame la Présidente, à l’assurance de ma considération.


LETTRE DE MME BADINTER AUX AMIS DE LA TERRE PARIS

PUBLICIS GROUPE S.A.
la présidente du conseil de surveillance
à
Monsieur Claude BASCOMPTE Président
LES AMIS DE LA TERRE PARIS

Paris, le 1er mars 2004

Monsieur le Président.

J’ai bien reçu votre lettre qui mériterait sans doute un débat plus approfondi que la forme épistolaire ne le permet, mais je me dois de vous répondre sur plusieurs points qui me semblent inexacts.

Quand vous parlez de dégradation de la qualité de vie dans le métro, je suis obligée de vous répondre, que la Régie, depuis quelques années, rénove l’ensemble de ses stations et modernise de manière évidente, pour qui les utilisent, les transports en commun, les matériels comme les stations. Je ne crois pas par ailleurs que les voyageurs de la ligne Météor trouvent que le cadre de vie du métro se dégrade.

En ce qui concerne la publicité, il faut que vous sachiez qu’elle est beaucoup moins présente qu’il y a quelques années : plusieurs centaines de panneaux ont été démontés, notamment dans le cadre des opérations « renouveau du métro » et dans les nouvelles rames il n’y a plus ni panneaux de fond, ni oriflammes. Quant au contenu, METROBUS n’a pas le droit, en tant que régisseur, d’être juge de la qualité des publicités ou des produits qu’elle présente, car en dehors des règles légales (interdiction du tabac, réglementation des alcools, bonnes mœurs etc…), elle est obligée d’accepter l’ensemble des publicités sous peine de se voir accuser de refus de vente. En outre, je pense que vous avez remarqué que bon nombre des publicités présentes concernent des expositions artistiques ou des spectacles vivants : sachez que la plupart de ces publicités bénéficient de la part de METROBUS d’un prix défiant toute concurrence car nous avons à cœur de défendre la culture sous toutes ses formes.

Enfin, en ce qui concerne les espaces de ce que vous appelez « la communication citoyenne libre ». vous devriez vous adresser à la RATP et non pas au groupe PUBLICIS car c’est une décision qui revient à la Régie.

De manière plus générale, votre courrier manifeste un rejet de la publicité pour tout ce qui ne convient pas à votre éthique personnelle. On peut certes regretter que notre société produise des biens jetables plutôt que durables. Je pense contrairement à vous, que le consommateur n’est pas dénué de discernement, qu’il a le sens de ses intérêts et sait très bien choisir ce dont il a besoin. _ Enfin, il me semble qu’il faille rendre grâce à la liberté du commerce et de l’industrie car je ne connais pas de pays démocratiques où elle n’existe pas, même si l’inverse n’est pas toujours vrai.

En espérant que ces éléments d’information vous seront utiles, je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de ma considération.

Elisabeth BADINTER


LETTRE DES AMIS DE LA TERRE PARIS A MME BADINTER

Madame Élisabeth Badinter
Présidente du Conseil de Surveillance de Publicis

Madame la Présidente,

A la suite de l’action en justice intentée à l’égard de 62 personnes à qui la société Métrobus, filiale de Publicis, demande près d’un million d’euros de dommages et intérêts, je me permets, au nom de l’association Les Amis de la Terre Paris, de vous faire part de notre très grande préoccupation.

Les Amis de la Terre Paris n’ont ni appelés ni participé de quelque manière que ce soit aux actions d’expression sur les affiches publicitaires que votre groupe reproche à ces personnes.

Je souhaite néanmoins attirer votre attention sur la disproportion manifeste entre les sommes plusieurs fois supérieures aux revenus de toute une vie qui leur son réclamées et la situation matérielle de ces citoyens souvent très modeste. Par le caractère exorbitant de sommes réclamées, cette action éclaire l’activité de Publicis sous un jour très défavorable. Elle laisse en effet penser que votre groupe est prêt à lancer les actions les plus agressives à l’encontre de personnes qui seraient susceptibles de questionner certains de ses intérêts, aussi dérisoires, à l’échelle de Publicis, qu’ils puissent être.

Ce harcèlement judiciaire est d’autant plus choquant que les « barbouillages » qui justifieraient, selon Publicis, cette action, posent des questions légitimes sur la dégradation croissante du service public des transport en terme de cadre de vie, de développement durable et de liberté d’expression.

La dégradation de la qualité du cadre de vie des usagers des transports publics parisiens est manifeste depuis quelques années avec l’explosion des sollicitations commerciales dont ils sont l’objet. L’omniprésence de la publicité sous des formes sans cesse plus diversifiées et agressives confine au harcèlement des usagers qui n’aspirent qu’à voyager efficacement et paisiblement.

De plus, nombre de messages imposés aux clients de la RATP véhiculent non seulement parfois un discours sexiste, peut être y êtes vous sensible, mais font également souvent l’apologie de comportements et habitudes aux antipodes du développement durable en terme, notamment, de consommation (biens jetables plutôt que durables), de transports (avions, automobiles), d’agriculture (production industrielle plutôt que biologique), de santé (aliments saturés en sucres…) ou de démocratie (promotion de pays dont les régimes sont autoritaires)…

Enfin, l’action des « barbouilleurs » pose une question qui révèle de l’exercice de la démocratie. De fait, les supports de communication marchande qui tapissent les murs et, de plus en plus, le matériel roulant de la RATP, ne laissent aucun espace de communication citoyenne libre en réponse aux messages commerciaux pourtant souvent très contestables.

Face à ces questions fondamentales tant pour la citoyenneté des Franciliens que pour les objectifs du développement durable qu’ils poursuivent, les Amis de la Terre Paris, vous demandent de revenir sur l’action en justice choquante que Publicis a engagé à l’encontre de 62 personnes et, avec la RATP, d’ouvrir une concertation approfondie sur la place et la nature de la publicité sur réseau des transports publics franciliens.

En espérant que vous prendrez ces préoccupations en considération, je vous prie de croire, Madame la Présidente, à toute ma considération.
Claude Bascompte
Président des Amis de la Terre Paris