Climat-Énergie
9 mai 2011

Gaz de schiste : des clés pour comprendre

L'extraction des gaz de schistes arrive en France après s’être considérablement développée aux Etats-Unis au cours de la dernière décennie.

En mars 2010, le ministère de l’Ecologie, alors en charge de l’énergie, annonçait l’octroi de trois permis d’exploration dans le Sud de la France – les permis de Montélimar, de Villeneuve de Berg et de Nant. Les Amis de la Terre France se mobilisent contre un projet industriel à grande échelle qui ne résoudra en rien la difficile équation entre la crise climatique et la sécurité énergétique, et pose un risque sanitaire et environnemental grave.

Note d’information

L’extraction des gaz de schistes arrive en France après s’être considérablement développée aux Etats-Unis au cours de la dernière décennie. En mars 2010, le ministère de l’Ecologie, alors en charge de l’énergie, annonçait l’octroi de trois permis d’exploration dans le Sud de la France – les permis de Montélimar, de Villeneuve de Berg et de Nant. Les Amis de la Terre France se mobilisent contre un projet industriel à grande échelle qui ne résoudra en rien la difficile équation entre la crise climatique et la sécurité énergétique, et pose un risque sanitaire et environnemental grave.

Présentation

Les gaz de schistes sont des gisements de gaz présents dans des schistes du sous-sol, non pas sous la forme de nappes mais « prisonniers» au cœur de roches sédimentaires. La technologie nécessaire à l’exploitation de ces gisements n’est disponible que depuis peu. La fracturation hydraulique consiste à fragmenter la roche par injection de sable et d’eau à forte pression. Du sable conserve la fracture ouverte tandis que des produits chimiques facilitent l’aspiration du gaz. Cette méthode n’est pas sans rappeler le Steam assisted gravity drainage ou SAGD utilisé pour l’extraction in-situ des sables bitumineux de l’Alberta canadien contre lesquels les Amis de la Terre se mobilisent déjà.

Les gaz de schistes ont connu un développement considérable lors de la dernière décennie aux Etats-Unis et au Canada. En France, Schuepbach, GDF, Total et Devon ont obtenu en mars 2010 trois permis d’exploration (les permis dits de « Montélimar », de « Nant » et de « Villeneuve de Berg » ) pour une superficie totale de 9 672 km², sur les départements de l’Ardèche, de la Drôme, de la Lozère, de l’Hérault, du Gard et du Vaucluse. D’autres permis sont en cours d’instruction en Provence et en Picardie.
Les gaz de schistes sont souvent présentés par les industriels comme faisant partie des « gaz naturels », qui sont qualifiés de « fossiles propres ». Pourtant, même l’Environment Protection Agency (EPA) aux Etats-Unis ou la Direction générale de l’énergie et des matières premières (DGEMP) en France, dans son « rapport annuel sur l’industrie pétrolière et gazière en 2009 », font état d’impacts environnementaux non négligeables.

Les problèmes environnementaux

Mobilisation de la ressource en eau – L’extraction du gaz de schiste demande des quantités très importantes d’eau. On considère qu’un puits standard nécessite environ 10 millions de litres, même si les quantités peuvent varier en fonction de la géologie et de la nature du puits. Dans le Sud-Est de la France, cet usage viendrait en conflit avec d’autres usages, notamment l’agriculture. La Chambre d’agriculture du Gard par exemple considère que ce département est soumis à un risque de stress hydrique considérable du fait des changements climatiques2.

Stockage des eaux usées – Afin de faciliter la fracturation et le captage du gaz, des solvants et autres produits chimiques sont mélangés à l’eau. L’eau de sortie polluée est captée et traitée sur place ou transportée jusqu’à la prochaine station de retraitement adaptée, avant d’être éventuellement réinjectée. L’exemple des sables bitumineux canadiens où les bassins de décantation (tailing ponds) s’étendent sur plus de 170 km2 sans solution probante à ce jour, permet de prendre la mesure du problème que pourrait poser le stockage et le recyclage des eaux issues de la fracturation hydraulique.

Pollution des nappes phréatiques

Le tube d’extraction est normalement inséré dans un canal en béton (le « tubage») mais ce gainage peut présenter un défaut et conduire à la pollution des nappes phréatiques. Aux Etats-Unis, l’Environmental Protection Agency (EPA) a conduit des investigations sur le cas de pollution de l’eau au méthane à Pavillon, au Wyoming, et a conclu en 2009 que « l’exploitation des gaz de schistes n’était pas cohérente avec une politique d’approvisionnement en eau potable non filtrée […]».

Les nuisances

Du fait de la faible intensité énergétique des gaz de schistes (il faut en effet davantage d’énergie pour extraire du gaz de schiste que du gaz « traditionnel»), l’industrie est amenée à démultiplier les sites de forage – jusqu’à un tous les 500 mètres. D’autre part, les activités de recherche auront lieu sur un périmètre très large. Ces multiples infrastructures ainsi que l’acheminement de matériel par camion sur un territoire rural auront des impacts lourds pour les riverains.

Changements climatiques

Si le gaz naturel est moins émetteur de gaz à effet de serre (GES) que les autres énergies fossiles, la recherche est lacunaire en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre provenant des gaz de schistes. Certains experts estiment que, si les fuites de méthane sont prises en compte, l’extraction et la consommation de gaz non-conventionnels pourraient avoir une intensité en termes d’émissions de GES équivalente au charbon.

Les problèmes d’application de la loi

Le respect de la législation – Aux Etats-Unis, l’extraction des gaz de schistes est exemptée de nombreuses réglementations environnementales dont le Clean Water Act, ce qui lui permet de ne pas divulguer la liste des produits chimiques utilisés lors de la fracturation hydraulique. Compte-tenu des risques et de la pression des industriels, la question de savoir si la législation française sur l’eau et les installations classées (ICPE) est adaptée à ce type de procédé est donc cruciale.

Les gaz de schiste, comme les huiles de schiste ou les sables bitumineux font partie des sources d’énergie fossiles dites « non-conventionnelles » requérant des techniques plus complexes pour exploiter une ressource à l’efficacité énergétique plus faible, au prix d’un impact sur l’environnement toujours plus lourd. Les Amis de la Terre France estiment que les gaz non-conventionnels, comme les sables bitumineux, ne sauraient être présentés comme des solutions à la crise énergétique et climatique. Au-delà des fausses solutions industrielles, les Amis de la Terre appellent à une véritable révolution de nos modes de consommation énergétiques, fondée sur les notions de sobriété, d’efficacité et d’équité et soutenue par des énergies réellement renouvelables.

Demandes et recommandations

Les Amis de la Terre demandent fermement :

– aux pouvoirs publics : d’assurer le respect du principe de précaution et de publier une étude exhaustive sur les risques sanitaires et environnementaux liés à l’exploitation des gaz de schistes ;

– aux entreprises : d’arrêter définitivement leurs activités portant sur les gaz de schiste et de rediriger leurs investissements vers le développement d’énergies renouvelables et vers l’efficacité énergétique ;

– aux banques : de ne pas participer au financement de la campagne d’exploration de gaz de schistes et, plus largement, de se détourner du financement des énergies fossiles.