Agriculture
26 octobre 2008

Union européenne : « Réunions secrètes au plus haut niveau pour imposer les OGM ! »

En ces périodes de négociations secrètes sur le traité TTIP/TAFTA, il est bon de rappeler que certaines pratiques douteuses ne datent pas d'aujourd'hui.

26 octobre 2008,

Les citoyens européens ne veulent pas d’OGM, ni dans leurs assiettes, ni dans leurs champs. Pour essayer de les leur imposer malgré tout, les responsables européens et nationaux manigancent dans leur dos…

Voici le dernier scandale de notre démocratie génétiquement modifiée. C. Berdot

Tous les documents et la liste des membres de la Commission Barroso sont en anglais sur le site de FOEE, liens en fin d’article.

Le “sherpa” français est Mr François Pérol, Secrétaire Général Adjoint de l’Elysée.

The Independant on Sunday, le dimanche 26 octobre par Geoffrey lean

Grâce à des documents obtenus confidentiellement, The Independent on Sunday peut révéler que Gordon Brown et d’autres dirigeants européens sont en train de préparer secrètement une campagne sans précédent pour répandre les plantes et les aliments OGM en Grande-Bretagne et sur tout le continent.

Les documents – il s’agit des minutes d’une série de réunions secrètes de représentants des 27 gouvernements – dévoilent les plans pour « accélérer » l’introduction des plantes et aliments OGM et pour « s’occuper » de la résistance que leur oppose l’opinion publique.

Ils montrent aussi que nos dirigeants souhaitent que les « représentants de l’agriculture » et ceux de « l’industrie » – y compris certainement des géants des biotechnologies comme Monsanto – se fassent plus entendre pour contrer les « intérêts matériels » des écologistes.

Alors que les inquiétudes des citoyens vis-à-vis des OGM augmentent, la nouvelle de ces projets secrets, lorsqu’elle sera connue, va provoquer une tempête de protestations, même dans des pays qui les avaient acceptés jusqu’à maintenant.

Les citoyens ont empêché que le moindre OGM ne soit cultivé en Grande-Bretagne. En France, un des 3 seuls pays à les avoir cultivés dans une certaine quantité, a suspendu leur culture et l’opposition se renforce dans les deux autres pays, l’Espagne et le Portugal.

Totalement sur la défensive, l’industrie des biotechnologies, a répondu par une campagne de « public relation », nous expliquant qu’il fallait des OGM pour nourrir le monde, une affirmation plus que contestée. Par contre, elle a eu un certain succès auprès des gouvernements dont les ministres se sont de plus en plus prononcés en faveur de cette technologie, ainsi qu’au sein de la Commission Européenne où les lobbyistes se vantent d’avoir « d’excellentes relations de travail ».

Les réunions secrètes étaient convoquées par Jose Manuel Barroso, le président pro-OGM de la Commission et présidées par son chef de cabinet, Joao Vale de Almeida. Il était demandé à chaque Premier Ministre des 27 de nommer un représentant spécial.

Ni la liste des membres du groupe, ni ses objectifs, ni les résultats de ces réunions n’ont été rendus public. Par contre l’Independant on Sunday a obtenu des documents confidentiels, comprenant une liste des présents et les conclusions – rédigées par le président – des deux réunions tenues jusqu’à présent, celle du 17 juillet et celle du 10 octobre, il y a juste 2 semaines.

De cette liste, on peut apprendre que le Président Sarkozy et la Chancelière Merkel ont envoyé des collaborateurs proches. La Grande-Bretagne était représentée par Sonia Phippard, directrice du Département de l’Environnement, Alimentation et Affaires Rurales.

Les conclusions révèlent que les discussions ont essentiellement tourné autour de comment accélérer l’introduction des plantes GM et comment persuader les citoyens de les accepter

Les produits modifiés génétiquement doivent d’abord être autorisés par l’Union Européenne avant de pouvoir être semés ou commercialisés où que ce soit sur son territoire. Mais, bien que les responsables de la Commission leur soient fortement favorables, les gouvernements sont divisés, ce qui provoque un blocage du Conseil des Ministres qui les représentent.

Dans ce cas, les technocrates de la Commission les font passer quand même. Ils sont légalement autorisés de le faire, mais cette façon de passer outre leur avis, ne plaît ni aux gouvernements, ni aux groupes écologistes.

Dans les conclusions de la première réunion, il était demandé « d’accélérer le processus d’autorisation en se basant sur des évaluations solides, afin de rassurer l’opinion publique », alors que dans la seconde, il était demandé que « les décisions soient plus rapides, sans toutefois compromettre la sécurité ».

Mais de ces documents, il est clair aussi que Mr Barroso va bien au-delà de simples exhortations et qu’il essaye de faire en sorte que les Premiers Ministres passent par-dessus leurs propres ministres de l’Agriculture et de l’Environnement pour favoriser les OGM. On peut y lire que le président a « rappelé l’importance pour les Premiers Ministres de garder une vision plus large », « invité les participants à rapporter le contenu des discussions à leur chef d’Etat » et « souligné l’importance d’attirer leur attention sur les discussions en cours, au niveau du Conseil (des Ministres) ».

Pour Helen Holder des Amis de la Terre / Friends of the Earth Europe : « L’objectif de Barroso est de faire rentrer les OGM dans l’Union européenne aussi rapidement que possible. Pour ce faire, il s’adresse directement aux Premiers Ministres et aux Présidents pour les inviter à passer par-dessus leurs ministres et remettre ceux-ci dans le droit chemin ».

En ce qui concerne l’opposition de l’opinion publique, les conclusions des réunions sont encore plus incendiaires. Le document réfléchit à « comment s’occuper le mieux de l’opinion publique » et en appelle à « un dialogue non passionnel, basé sur les faits, portant sur les normes très élevées de la politique OGM de l’Union européenne ». Les propos du président y sont rapportés, soulignant « le rôle de l’industrie, des partenaires économiques, de la science pour participer activement à un tel dialogue ». Il ajoute que « les citoyens se sentent mal informés » et pour lui, « les représentant de l’agriculture devraient se faire plus entendre ». Et dans une allusion à peine voilée aux écologistes, il rajoute que le débat « ne devrait pas être laissé à certains groupes qui y trouvent un intérêt légitime mais matériel ».

Traduction française de Sylvette Escazaux

Le CR du 17 juillet , (morceaux choisis, les plus importants) :

“Concernant le cadre législatif, il a noté l’accord de ne pas changer le cadre existant mais de chercher à améliorer notablement la gestion en ce qui concerne l’accélération du processus d’autorisation basé sur des évaluations robustes de façon à rassurer le public. Un large consensus existe aussi sur la nécessité de renforcer l’EFSA, un organisme pour lequel n’existe aucune alternative, et d’examiner aussi une certaine portée pour les éléments de subsidiarité lesquels toutefois doivent (devaient ?) respecter les règles du marché interne. De plus, le président a noté la nécessité de mieux synchroniser les autorisations avec les partenaires commerciaux tiers.”

“Sur la question de l’augmentation des prix des denrées alimentaires, le président a conclu que le groupe reconnaît la nécessité de garder un oeil sur les dévelopements futurs étant donné les risques politiques potentiels pour tous les leaders. Toutefois, plus le processus d’autorisation est accéléré et amélioré et mieux l’Union pourra faire face à ce problème. Dans tous les cas, les inquiétudes sur les prix ne doivent pas supplanter l’approche basée sur la science ni diminuer la pertinence d’une évaluation basée strictement sur la science, celle ci étant cruciale pour assurer la confiance du consommateur. l’augmentation des prix des denrées alimentaires réclame un rôle nouveau de la technologie, de la science et de la recherche. L’UE a la connaissance et la capacité de demeurer leader pour aider le monde à se nourrir.”

“En ce qui concerne le panel de l’OMC, le président a noté la suggestion avancée par des délégués d’approcher les USA et d’expliquer l’approche de l’UE. Il a plus tard rappelé la position exprimée largement selon laquelle des sanctions seraient contre-productives et contraires aux intérêts mutuels. La lenteur du processus est toutefois perçue comme la cause profonde. L’UE doit donner des signaux clairs pour montrer qu’elle veut et qu’elle est capable de décider et est perçue comme active et efficace, tout en demeurant bien sûr fermement basée sur une approche scientifique.”

” Au sujet de la perception du consommateur, le président a pointé les exemples nationaux donnés par certains délégués sur comment gérer au mieux l’opinion publique et il a été admis que les campagnes selon l’approche top-down (haut en bas) ne sont pas la meilleure façon de gérer cela. Il a invité les délégués à partager largement leur expérience en engageant un dialogue sans émotions, factuel, sur les critères de haut niveau de la politique OGM de l’UE. Il a vu le mérite des exemples fournis pour ouvrir un dialogue informel avec les acteurs et a mis en exergue le rôle de ’lindustrie, des partenaires scientifiques et économiques pour contribuer activement à un tel dialogue.”

(..)

Idées retenues pour la prochaine réunion :

– Comment, d’un point de vue pratique, l’EFSA peut elle être le mieux soutenue (..) et comment mobiliser un tel soutien ?
– “Comment approcher, d’un point de vue politique -et non technique- le problème des lacunes dans la procédure d’autorisation concernant les seuils et les autorisations asynchrones ?”
– “Garder un oeil sur l’opinion publique : comment partager le mieux les expériences nationales sur le dialogue avec les acteurs et comment porter cela, si nécessaire, au niveau européen ?”

“Le président a clos la rencontre en accentuant une fois encore la nécessité de donner aux leaders une vision globale. Il a souligné la coopération excellente avec la Présidence Française sur ce dossier. Il a aussi rappelé l’intention de donner au Président de la Commission Européenne, sur la base du travail de ce groupe, une image globale d’où se trouve l’UE sur les OGM et comment il pourrait continuer la discussion avec ses pairs politiques.”

Réunion du 10 octobre :

(traduction intégrale)

“Sur les importations d’aliments GM (humains et animaux) : la vision majoritaire (avec quelques nuances) est que le décalage dans les autorisations entre l’UE et les autres pays représente une menace pour l’agriculture de l’UE, et que cet impact doit être inclus comme facteur dans la discussion en cours (en particulier dans le Conseil). De plus,

1. Dans les règles en vigueur qui doivent être maintenues et respectées il y a un besoin d’accélérer les procédures. Concernant cela, il y a beaucoup de choses que la Commission et les Etats membres peuvent faire pour assister l’application de la législation existante.

2. Il y a une large confirmation de la confiance en l’EFSA et en une approche basée sur la science qui doit rester la base du processus de prise de décision de l’UE.

3. La Commission doit continuer à travailler sur des solutions techniques possibles pour la présence de niveaux faibles d’OGM non autorisés dans les importations de denrées pour l’alimentations humaine ou animale. Il existe différentes vues sur la façon dont cela peut être accompli.

4. Différentes études ont été lancées par différents Etats Membres. Ces initiatives sont bienvenues. Les résultats doivent être partagés entre les Etats Membres. Les autres Etats Membres sont encouragés à mener leurs propres études sur le problème des importations de denrées alimentaires GM pour les humains ou les animaux.

5. Concernant la nécessité d’une évaluation socio-économique dans l’autorisation des OGM, le président a noté qu’il y a des opinions différentes. Il a exprimé des doutes sur le mérite et la faisabilité de développer une méthodologie standard au niveau européen, et a considéré que les évaluations scientifiques devraient demeurer l’élément clé pour prendre des décisions fondées. Le président a clairement stipulé que toute discussion de l’inclusion de l’évaluation socio-économique dans le processus d’autorisation ne doit pas compliquer le processus de prise de décision ou résulter en des retards supplémentaires.

Sur la culture : La prodédure d’autorisation en place doit être appliquée correctement – les décisions pourraient être prises plus rapidement sans compromettre la sécurité. Sur la base du cas par cas, une attention spéciale doit être portée à la protection de la biodiversité : ceci ne devrait pas requérir l’établissement d’un cadre communautaire. Le président s’est reféré à la croissance de 21% dans la culture des OGM en 2007 qui a illustré l’intérêt croissant pour l’utilisation des OGM dans l’UE.

Sur l’opinion publique : le président a noté que le public se sent mal informé sur les OGM. Il a senti qu’il y a besoin d’élargir le débat et d’inclure d’autres acteurs : les représentants de l’agriculture doivent devenir plus audibles.

Les débats doivent être approfondis – les études actuellement en cours doivent être utilisées pour des débats plus informés. Il ne devrait pas être laissé à certains acteurs qui ont un intérêt légitime mais matériel. Concernant une stratégie à long terme sur la communication publique au niveau de l’UE, la Commission va réfléchir à cela.

Conclusions politiques :

Le président a informé les participants que cette rencontre concluait un premier cycle. Il rapportera maintenant au Président en suivant les lignes suivantes :

– L’Europe a la législation la plus stricte sur les OGM dans le monde. Mais l’UE n’utilise pas à plein son avantage.

– Il a noté que les visions exprimées pendant la rencontre n’étaient pas pleinement en accord avec la tendance de vote dans le comité de régulation et dans le Conseil.

– Il est nécessaire de réfléchir à ces deux problèmes au niveau des Premiers Ministres

Il a invité les participants à rapporter les discussions du groupe aux chefs de leur gouvernement et a accentué l’importance d’attirer leur attention sur les discussions en cours au sein du Conseil (en particulier le débat à venir sur les OGM lors du Conseil de l’Environnement informel du 20 octobre et les conclusions du Conseil de l’Environnement des 4 et 5 décembre) de façon à avoir un débat plus riche. Il a rappelé l’importance, pour les Premiers Ministres, d’avoir une vision plus large.

Le président a clos la séance en informant les participants qu’il les contactera, ainsi que ses collègues des cabinets des Chefs de Gouvernement, probablement en novembre pour les informer de la manière dont la Commission compte procéder.”