Charbon et mains sales
Climat-ÉnergieFinance
Communiqué de presse18 juillet 2019

Sortie du charbon : Société Générale rate son tir, à quand une régulation de la finance privée ?

Les dernières semaines ont été rythmées par les annonces de plusieurs banques françaises sur le secteur du charbon. Décryptage

Aux politiques de Crédit Agricole, de La Banque Postale Asset Management et de Natixis, succède aujourd’hui celle moins disante de Société Générale. Ces engagements volontaires à géométrie variable, autant que l’absence d’engagement de certaines comme BNP Paribas, marquent une occasion manquée pour ces banques et un test échoué pour le gouvernement. Les Amis de la Terre rappellent l’Etat à sa responsabilité de régulateur, indispensable pour encadrer les impacts de la finance privée sur le climat et assurer une sortie des énergies fossiles alignée avec l’Accord de Paris.
Après s’être déclaré prêt en novembre 2018 à contraindre les acteurs financiers privés à cesser de soutenir le charbon 1, Bruno Le Maire a finalement pris le parti de l’autorégulation. Le 2 juillet, le ministère de l’Economie et des Finances et la place financière de Paris ont appelé les banques françaises à se doter de stratégies charbon assorties d’un calendrier global de sortie du secteur 2. Deux semaines à peine après cette nouvelle déclaration du gouvernement, les limites de la politique de Société Générale publiée aujourd’hui 3 démontrent déjà l’échec de l’approche retenue par Bercy et la nécessité d’une régulation publique de la finance privée.

Lorette Philippot, chargée de campagne Finance privée aux Amis de la Terre France, explique : « Contrairement à ce qu’aimerait nous faire croire le gouvernement, rien n’oblige les acteurs financiers privés à se doter de stratégies de sortie du charbon cohérentes, garantissant le respect de l’Accord de Paris. Société Générale en fait la démonstration. Si elle se fixe un cap de sortie du charbon d’ici 2030 dans les pays de l’UE et l’OCDE et d’ici 2040 dans reste le monde, les mesures concrètes inscrites à sa politique ne garantissent à ce jour pas la tenue de cet objectif. Le seul fait qu’elles ne permettent pas l’exclusion claire de RWE en dit long sur ses insuffisances : garder dans son portefeuille le premier producteur de lignite du monde et le premier pollueur d’Europe n’est certainement pas compatible avec l’Accord de Paris sur le climat ».

Alors que Crédit Agricole 4, La Banque Postale AM 5 et Natixis 6 ont acté la fin immédiate de leurs soutiens aux entreprises dont l’activité repose à plus de 25% sur le charbon, Société Générale se contente d’un seuil de 50% aujourd’hui et de 30% pour 2025 7. Elle pourra également continuer à soutenir des entreprises qui ne possèdent pas de plan de sortie du secteur, ou qui décident d’en sortir en vendant leurs actifs au lieu d’en assumer la fermeture. Finalement, Société Générale n’exclut pas les entreprises qui bien que « diversifiées »  8 continuent à se développer dans le secteur du charbon. Elle reste ainsi derrière ses concurrentes, aux côtés de BNP Paribas, qui n’a à ce jour pas donné signe de vouloir relever ses ambitions sur le secteur du charbon.

Le besoin de régulation publique des soutiens financiers privés au charbon est criant, mais ne sera pas suffisant. Derrière leurs beaux discours et déclarations d’intention, les banques françaises n’ont pas infléchi leurs financements aux énergies fossiles : on parle de 124 milliards d’euros au cours des trois années qui ont succédé la COP21  9. S’il souhaite être un tant soit peu à la hauteur de son mandat de “leader de la finance climat”, le gouvernement français sait ce qu’il lui reste à faire : encadrer les activités des acteurs financiers privés dans les secteurs du charbon, mais aussi du pétrole et du gaz.

Notes
2

Lire le communiqué de Presse « Une nouvelle étape pour verdir le système financier » et la déclaration de la « Place financière de Paris« 

4

Lire l’article des Amis de la Terre « Sortie du charbon : Crédit Agricole montre la voie, les autres banques à la traîne » – Crédit Agricole a pour sa part adopté un calendrier de sortie du charbon d’ici 2030 dans les pays de l’UE et de l’OCDE, d’ici 2040 en Chine, et d’ici 2050 dans le reste du monde. La différence d’une décennie avec Société Générale démontre une fois encore le risque de laisser la direction prise entre les seules mains des acteurs financiers privés et la nécessité d’une régulation par la puissance publique.

7

Le seuil d’exclusion de 50% adopté par Société Générale pour ses clients énergéticiens est adossé à la part du charbon dans leurs capacités de production d’électricité installées, et non dans leur production d’électricité réelle. C’est le choix de ce critère qui permet notamment à la banque de ne pas exclure l’énergéticien allemand RWE, dont 54% de la production d’électricité repose sur le charbon, pour seulement 41,9% de ses capacités installées.

8

Société Générale appelle « diversifiées » les entreprises dont moins de 30% du chiffre d’affaires repose sur le charbon, ou les énergéticiens dont moins de 30% du mix énergétique repose sur le charbon.