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Forêt
28 septembre 2012

Agrocarburants et micro-algues : encore une impasse !

Belle illustration de ce que sont les agrocarburants : une tentative technologique de maintenir notre très haut niveau de gaspillage énergétique.

Il faut une quantité importante d’énergie pour gérer toute l’eau nécessaire à la culture de masse des micro-algues. Une étude récente suggère que la quantité d’énergie nécessaire pour la gestion de l’eau est 7 fois plus importante que l’énergie que le diesel végétal obtenu, fournit lorsqu’il est utilisé comme carburant.

Article de Murphy, C.F. and Allen, D.T. (2011) Energy-Water Nexus for Mass Cultivation of Algae. Environmental Science & Technology. 45: 5861-5868. Traduction Amis de la Terre

La culture des micro-algues nécessite d’importants besoins en énergie

La production de diesel végétal à partir de micro-algues est une solution potentielle dans la recherche de futures sources renouvelables d’énergie, en particulier pour le secteur des transports. Différentes souches d’algues ont été identifiées pour une possible culture à échelle commerciale, afin d’en extraire l’huile qui peut être convertie en agrodiesel. Les algues, elles-mêmes, peuvent être brûlées comme combustible ou peuvent être utilisées pour produire d’autres carburants, comme le méthane ou l’éthanol.

Les quantités d’eau 1 et d’éléments nutritifs nécessaires pour cultiver les algues suscitent des craintes et la question reste posée, de savoir si l’énergie consommée dans le cycle de vie du processus de culture n’excède pas les quantités d’énergie tirées de la biomasse des algues. Les algues ont besoin de grandes quantités d’eau pour vivre et croître. L’eau doit être disponible et sans être détournée d’autres usages et ne devrait pas provoquer de baisse des nappes phréatiques. L’élimination par exemple des boues résiduelles pose aussi problème.

Dans cette étude, on a estimé dans 48 états des Etats-Unis, l’énergie qu’il faut pour l’approvisionnement et la gestion de l’eau nécessaire à la culture d’algues dans des bassins ouverts (raceway ponds), en vue d’une production de masse de micro-algues. Si les algues doivent contribuer de façon importante à l’approvisionnement du secteur des transports, leur culture doit se faire à grande échelle et dans de nombreux endroits des Etats-Unis. La production d’algues pour chaque état a été estimée sur la base des terres potentiellement disponibles, ainsi que des conditions géographique et climatiques.

Les apports en énergie sont nécessaires pour la manipulation de l’eau. Il faut puiser l’eau douce ou saline (généralement, en la pompant à la surface ou dans des nappes souterraines), la conserver (dans des bassins en béton ou équipés de film d’étanchéité en plastique haute densité), la faire circuler entre les bassins (en utilisant par exemple des roues à palettes) et la pomper dans les différentes zones pour faire fonctionner le système. Il faut aussi de l’énergie pour filtrer les algues de l’eau et traiter les boues.

Les résultats de l’étude suggèrent que le potentiel énergétique tiré des algues dépend de la façon de produire l’énergie, de l’efficacité des processus de séparation, des constituants de la biomasse et des produits finaux. Surtout, il est estimé que la quantité d’énergie nécessaire pour la seule gestion de l’eau est 7 fois plus importante que ce que l’agrodiesel extrait pourra fournir. Si toutes les algues étaient brûlées comme combustibles ou utilisées pour produire d’autres carburants (méthane ou éthanol), le niveau moyen de dépense énergétique estimé théoriquement et lié à la gestion de l’eau, représenterait encore une quantité d’énergie deux fois plus importante que le rendement énergétique potentiel moyen.

La plus grande demande en énergie est due au pompage de l’eau entre les bassins. La quantité d’énergie dépend aussi du taux de croissance de certaines espèces spécifiques d’algues, des conditions environnementales et des différents types de systèmes de production utilisés pour cultiver les algues.

Le second poste le plus important des dépenses énergétiques est le pompage d’eau salée pour la culture de certaines souches d’algues. La demande en énergie n’est réduite que de 50% lorsqu’on utilise des algues d’eau douce et ne réduit la dépense énergétique totale que de 14%. L’utilisation d’eau de surface ne réduirait la dépense énergétique totale que de 23%, bien que l’on puisse douter que les eaux de surface puissent produire les très grandes quantités d’agrocarburants nécessaires.

Le troisième poste de dépense énergétique lié à l’eau est celui des films plastiques d’étanchéité (liners). La durée de vie du plastique a été aussi prise en compte et estimée à 10 ans pour les liners des bassins d’évaporation.

Les films plastiques protègent l’environnement local des fuites et contaminations par des algues non-locales et par des eaux densément chargées d’éléments nutritifs. Compte tenu des besoins en énergie pour la gestion de l’eau et des conséquences sur le cycle de vie de la production de masse d’algues, les auteurs de l’étude conseillent de s’attaquer sérieusement à l’évaluation de toutes les dépenses et rendements énergétiques dans des conditions réalistes de production de masse et non pas dans des conditions idéales et de petite dimension.

Notes
1

Cet article ne se penche que sur les dépenses d’énergie, mais n’aborde pas le problème des quantités d’eau nécessaire pour produire les algues. Sur le site du journaliste scientifique, Denis Delbecq, on peut trouver un article intitulé « Des algo-carburants jusqu’à la soif ». Mr Delbecq avance quelques chiffres qui donnent une idée des besoins en eau nécessaires à la production d’algues : « 350 litres. C’est selon des hydrologues américains, la quantité d’eau qu’il faudra dépenser pour produire un litre de carburant avec des algues cultivées en bassin. Dans la revue Water Resources Research, ils estiment que les algues pourraient se substituer à 17% des importations de pétrole aux Etats-Unis. Mais pour lutter contre l’évaporation des bassins de culture d’algues, il faudrait trouver l’équivalent du quart de l’eau utilisée dans le pays pour l’irrigation, ce qui n’est pas rien. Résultat des courses, une petite voiture qui consomme peu d’essence, consommerait en revanche 1750 litres d’eau au 100 km parcourus soit 17,5 litres d’eau au kilomètre. » Et il reste la questions des éléments nutritifs à apporter aux algues…