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Climat-ÉnergieMultinationales
Communiqué de presse15 novembre 2011

ENI, Shell, Total : le scandale pétrolier se poursuit au Nigeria

Montreuil, le 15 novembre 2011 - Un nouveau rapport de mission [1] au Nigeria publié conjointement par un collectif international d’ONG et d’associations environnementales dont les Amis de la Terre France et Nigeria met en évidence le décalage entre le discours officiel de Total, Eni et Shell et les réalités constatées sur le terrain.

Il révèle comment l’Union européenne garantit sa sécurité énergétique au détriment de communautés locales dont elle détruit l’environnement et les conditions de vie. Pour les associations, il est nécessaire de revoir la stratégie énergétique européenne trop dépendante des importations d’énergies fossiles et d’amorcer une véritable transition énergétique.

Le rapport intitulé « La réalité derrière la sécurité énergétique de l’Union européenne » examine les dégâts sociaux et environnementaux causés par les compagnies pétrolières européennes Total, Eni et Shell au Nigeria.

Il met en évidence les dommages considérables causés par les fuites d’oléoducs et par le torchage du gaz. La communauté Goi a ainsi été forcée d’abandonner ses terres agricoles à cause des importantes fuites de pétrole du géant pétrolier anglo-néerlandais Shell en 2004, 2008 et 2009. Des documents internes révèlent que la multinationale italienne Eni qui avait connaissance depuis 2005 des effets néfastes et irréversibles du torchage du gaz sur la santé et l’environnement [2], a poursuivi cette pratique jusqu’à aujourd’hui comme a pu le constater la délégation sur place. Pourtant, le PDG d’ENI avait assuré aux actionnaires en mai 2011 que le torchage s’arrêterait définitivement en Juin 2011.

Les communautés affectées exigent que les compagnies pétrolières leur fournissent une compensation adéquate, dépolluent les terres et assainissent leur environnement. Comme l’a déclaré un habitant : « Nous voulons récupérer nos terres. Rien de bon n’a résulté de la prospection pétrolière. Le pétrole ne peut pas nous donner de nourriture. Nous souhaitons qu’il reste dans le sol. »

Une juridiction plus contraignante s’impose également : « Les entreprises européennes font des ravages dans le delta », affirme Godwin Oyo, directeur d’Environmental Rights Action (Les Amis de la Terre Nigeria). « Elles doivent être tenues responsables juridiquement par les gouvernements et la justice de leurs pays d’origine comme l’Italie, la France, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. »

La multinationale française Total est quant à elle présente au Nigeria depuis 1962, et y extrait 10 % de sa production globale de pétrole. Ses relations avec les communautés locales ont souvent été conflictuelles. Total se félicite désormais sur son site internet d’avoir bâti des « relations cordiales » avec les communautés locales et notamment la communauté Egi.

Ainsi les témoignages recueillis sur place font état d’expulsions forcées de population en 2006, les privant de leurs moyens de subsistance, sans donner lieu à la moindre compensation. Par ailleurs, les relations de la multinationale avec la communauté Egi n’impliquent que de petites parties de celles-ci, notamment des personnes influentes, parfois proches du parti au pouvoir et poursuivant leur propres intérêts. Cette stratégie de la division mise en place par Total en favorisant certains groupes au détriment d’autres exacerbe les conflits au sein des communautés. En outre même les partenaires communautaires de l’entreprise sont insatisfaits. Ainsi en novembre 2010, une manifestation pacifique contre la non-application d’un protocole d’entente signé avec Total se solda par la mort de deux personnes et par plusieurs blessés.

La situation est dramatique qu’il s’agisse d’environnement ou de dialogue avec les populations impactées par les activités de Shell, Eni et Total.

« Il est vital que les mesures d’urgence et les recommandations du PNUE pour la restauration environnementale et la protection de la santé des populations du Delta soient mises en œuvre », déclare Nick Hildyard de Corner House. « Des études environnementales sont nécessaires dans tous les territoires où a lieu l’exploitation pétrolière. Les multinationales du pétrole, leurs Etats d’origine et le gouvernement nigérian portent une lourde responsabilité dans la dévastation sociale et environnementale dans le Delta du Niger  »

La délégation recommande une refonte majeure de la stratégie de « sécurité énergétique » de l’Union européenne. « L’UE, premier importateur d’énergie dans le monde, importe plus de 52 % de son énergie totale et sa dépendance envers le pétrole s’élève à 83,5 %. 20 % du pétrole commercialisée sur le territoire européen provient du Nigeria [3]. » déclare Ronack Monabay des Amis de la Terre France. « Pourtant malgré l’impérieuse nécessité de garder les énergies fossiles dans le sol afin d’éviter de catastrophiques dérèglements climatiques, l’Union européenne souhaite poursuivre l’importation de combustibles fossiles dans les décennies à venir. La politique de « sécurité énergétique » de l’UE n’a pas seulement pour effet l’appauvrissement et la mort des populations nigérianes mais à long terme elle menace tout le monde. Il est urgent que l’UE entame une réduction de sa consommation de ressources naturelles et engage une transition plus juste et écologiquement soutenable, libérée des énergies fossiles. »

Contact presse
Caroline Prak – Les Amis de la Terre France 06 86 41 53 43 / 01 48 51 18 96

Notes
[1] Ce rapport est basé sur une mission de terrain au Nigeria d’une délégation compose de membres des Amis de la Terre, CEE Bankwatch Network, CRBM, ERA (Amis de la Terre Nigeria), The Corner House et Platform. Rapport disponible ci dessous.

2] Environmental Impact Assessment of Idu field further development project by NAOC, September 2005.[ https://www.crbm.org/

3] Une récente étude du Programme des Nations unies pour l’Environnement détaille la pollution généralisée due à l’exploitation pétrolière dans le Delta et relève des niveaux de substances cancérigènes jusqu‘à 900 fois supérieures aux niveaux de tolérance de l‘Organisation mondiale de la santé. [http://postconflict.unep.ch/publications/OEA/UNEP_OEA.pdf

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