Climat-ÉnergieFinance
Communiqué de presse14 février 2011

Nouvelle politique hypocrite de BNP Paribas sur le financement du nucléaire

Paris, le 14 février 2011 — Avec des investissements dans le nucléaire de 13,5 milliards d’euros entre 2000 et 2009, BNP Paribas est la banque n°1 du nucléaire dans le monde (1).

Elle vient de publier sa nouvelle politique sur le financement des centrales nucléaires, soumettant à un certain nombre de conditions les prêts qu’elle octroie à ce type de projets.  Alors que la banque a aussi annoncé sa participation au financement du projet controversé d’Angra 3 au Brésil, les Amis de la Terre France rappellent que le nucléaire ne peut en aucun cas être considéré comme une solution aux changements climatiques et pointent les nombreuses failles de la politique de BNP Paribas.

La nouvelle politique sur le financement des centrales nucléaires de BNP Paribas est présentée comme une partie intégrante de son « engagement pour la responsabilité sociale de l’entreprise ». Son soutien inébranlable à la filière atomique contredit pourtant les principes les plus élémentaires du développement durable et du respect des populations. En témoigne l’annonce concomitante de sa participation au financement de la centrale nucléaire d’Angra 3 au Brésil, aux côtés de la Société Générale, du Crédit Agricole, du CIC et des espagnoles BBVA et Santander. Or de nombreuses organisations de la société civile, dont Les Amis de la Terre France, alertent les banques depuis des mois sur les dangers de ce projet : technologie obsolète, analyses de sûreté et sur la prévention des accidents négligées, indépendance du CNEN (organe régulateur brésilien) fortement mise en cause par l’existence de conflits d’intérêts. Quantité de problèmes se posent aussi pour le projet de réacteur de Jaitapur en Inde, actuellement à l’étude pour un financement par BNP Paribas et d’autres banques françaises et européennes.

La politique de BNP Paribas comporte de nombreuses failles : ne font partie de ses exigences ni la garantie de l’indépendance de l’autorité de régulation nucléaire du pays hôte, ni des éléments assurant l’application effective des plans de gestion des déchets radioactifs et de démantèlement des centrales, pas plus que le contrôle d’une véritable protection des travailleurs. Juliette Renaud, chargée de campagne sur la Responsabilité des acteurs financiers complète : « Cette politique fait l’impasse sur le consentement ou même la consultation des populations locales, qui seront pourtant les premières affectées et dont la mobilisation donne parfois lieu à des répressions violentes, comme récemment en Inde autour du projet de Jaitapur ». De plus, cette politique ne couvre qu’une portion des activités nucléaires — les centrales —, et ne s’applique pas aux activités d’investissement ou de gestion d’actifs, alors que l’émission d’actions et obligations constitue plus de 50 % des financements du secteur.

Contrairement à ce que prétend BNP Paribas, le secteur de l’électronucléaire est en perte de vitesse, tant il est peu rentable. Au niveau mondial, il ne contribue plus qu’à 13 % de la production d’électricité, ce qui correspond à moins de 2,5 % de la consommation finale mondiale d’énergie (moins de 14 % en France). Mais surtout, comme le rappelle Marie-Christine Gamberini, référente sur l’énergie et le nucléaire aux Amis de la Terre France : « A l’approche de la 25e commémoration de la catastrophe de Tchernobyl, le frein principal au développement du nucléaire devrait être ses dangers intrinsèques, aggravés par sa vulnérabilité aux événements climatiques extrêmes. La privatisation du secteur énergétique et le recours croissant à une sous-traitance de plus en plus malmenée ne cessent par ailleurs d’accroître les risques de catastrophes, même en France ». Ce sont d’ailleurs quelques-unes des raisons pour lesquelles Les Amis de la Terre demandent la fermeture immédiate des réacteurs français les plus anciens et les moins fiables, l’arrêt de l’électronucléaire en France en un ou deux quinquennats maximum, et la fin des ventes de centrales nucléaires par la France à l’étranger.

Juliette Renaud conclut : « Pour faire face aux graves enjeux environnementaux et sociaux actuels, les banques comme BNP Paribas devraient plutôt se doter d’une politique globale sur le secteur de l’énergie, comprenant des sous-chapitres détaillés sur chaque domaine (nucléaire, charbon, pétrole, agrocarburants, etc.), au lieu de cloisonner les secteurs comme elles le font actuellement. Cela garantirait une meilleure cohérence et éviterait de laisser de côté certains secteurs énergétiques clés ». Les banques privées ont en effet un rôle majeur à jouer dans la réorientation des activités industrielles, pour aller vers une économie plus sobre en carbone, sans radioactivité, et plus respectueuse des populations et de leur environnement.

Contact presse : Caroline Prak, Les Amis de la Terre, 01 48 51 18 96 / 06 86 41 53 43

(1) BankTrack, Nuclear Banks, No Thanks, juillet 2010. Télécharger la version française.