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Climat-ÉnergieFinance
2 juillet 2015

Plomin C : l’hypocrisie climatique du Crédit Agricole

En mai 2015, le Crédit Agricole était la première banque française à annoncer la fin de ses soutiens aux projets de mines de charbon ainsi qu’aux entreprises spécialisées dans cette activité.

Les Amis de la Terre aimeraient y voir un premier pas vers l’arrêt total des soutiens de la banque au charbon. Malheureusement, le Crédit Agricole soutient aujourd’hui activement le projet de centrale à charbon de Plomin C en Croatie. Les Amis de la Terre appellent la banque à se retirer immédiatement du projet et à signer l’Appel de Paris.

En mai 2015, le Crédit Agricole était la première banque française à annoncer la fin de ses soutiens aux projets de mines de charbon ainsi qu’aux entreprises spécialisées dans cette activité. Les Amis de la Terre ont déjà dressé les limites de cet engagement qui pourrait faire pâle figure à côté de celui du Fonds souverain norvégien si les critères de sélection des entreprises est trop restrictif, tout en reconnaissant qu’il pourrait générer une saine concurrence entre les banques françaises en matière climatique.

Cependant, un des écueils les plus évidents de cet engagement est qu’il ne concerne qu’une partie de la chaîne d’exploitation du charbon, son extraction, et ne parle pas de sa combustion dans des centrales pour la production d’électricité. Or, si la lutte contre les changements climatiques impose de laisser plus de 80% de nos réserves en charbon dans le sol, c’est que nous devons transformer de manière radicale l’ensemble de notre système énergétique, réduire notre consommation d’énergie, développer massivement les énergies renouvelables et rompre notre dépendance aux grands projets énergétiques très émetteurs de CO2, comme le sont les centrales à charbon. Rappelons que plus aucune infrastructure carbonée ne doit être construite après 2017 et que les centrales à charbon sont a minima deux fois plus émettrices que les centrales à gaz.

Alors que le Crédit Agricole annonce la fin de ses soutiens aux mines de charbon, la logique voudrait donc que la banque s’engage aussi à ne plus financer de nouveaux projets de centrales à charbon qui si construites émettraient des millions de tonnes de CO2 pendant 40 ans environ. Nous en sommes loin. Le Crédit Agricole soutient aujourd’hui le projet de centrale à charbon de Plomin C en Croatie, un projet qui risquerait d’empêcher le pays de respecter ses objectifs de réduction d’émissions de CO2 décidés dans le cadre européen et causerait 680 morts prématurées.

Et malheureusement pour le Crédit Agricole, le projet multiplie dès à présent les mauvais points. Loin d’être sollicité par la population pour subvenir à ses besoins en énergie, le projet fait l’objet d’une très forte contestation, y compris devant les tribunaux, et viole le plan d’aménagement urbain. Celui-ci a été changé il y quelques années afin de prendre en considération les oppositions au charbon et la fin des réserves nationales de ce combustible fossile, et limiter la taille finale de la centrale à 335MW. Or, avec une capacité de 500MW, Plomin C augmenterait la taille finale de la centrale de Plomin à 710MW.

Qui plus est, alors que le projet ne réduira pas la dépendance énergétique du pays vis-à-vis de l’extérieur, Plomin C pourrait aussi s’avérer un échec économique patent avec une facture très salée pour les populations. Estimé à 800 millions d’euros, le projet nécessiterait l’importation du charbon sur les marchés internationaux mais aussi l’achat de crédits carbone pour compenser les émissions de CO2.

Plomin C a enfin tout du projet conçu avant tout pour permettre aux entreprises occidentales d’exporter leur technologie polluante dans des pays aux frontières de l’Europe. Un accord d’achat d’électricité est aujourd’hui négocié en toute opacité afin de garantir l’achat par HEP d’au moins 50 % de l’électricité produite par Marubeni pendant 25 ans, à un tarif peut être deux fois supérieur à celui pratiqué sur les marchés de l’électricité européen. Un tel contrat serait certainement illégal selon la législation européenne sur les aides d’État mais n’est pas à exclure de la part de Marubeni qui, tout comme Alstom, également partie prenante du projet, est régulièrement impliqué et condamné pour corruption .

Les populations locales et organisations mobilisées contre ce projet, comme les Amis de la Terre Croatie et France, Bankwatch et BankTrack en appellent donc à la responsabilité du Crédit Agricole. Car si la banque pourrait rétorquer qu’il est nécessaire de travailler à la réduction des impacts du projet alors qu’il est au stade de sa conception, un retrait du Crédit Agricole pourrait en réalité contribuer à l’annulation même du projet. Les Amis de la Terre ont ciblé la Société Générale en 2014 en raison de son soutien de conseil pour le projet minier Alpha coal. Le retrait de la banque en décembre 2014 a mis en péril le projet minier aujourd’hui au point mort. Aujourd’hui, le Crédit Agricole risque une même mobilisation s’il ne met pas un terme à son soutien à Plomin C.

Les Amis de la Terre appellent le Crédit Agricole à se retirer de Plomin C, aux autres banques de s’engager à ne pas financer le projet et à toutes de signer avant la COP21 l’Appel de Paris.