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8 décembre 2015

Tata Mundra : 7 ans de controverses et 1 Prix Pinocchio pour BNP Paribas

BNP Paribas recevait il y a quelques jours le prix Pinocchio dans la catégorie “Impacts locaux” pour son financement à la centrale de Tata Mundra en Inde. C'est aujourd'hui l’anniversaire de Dr Kim, le président de la Banque Mondiale, qui a également financé le projet.

Les Amis de la Terre et BankTrack rappellent où en est ce projet et les demandes des communautés qui restent insatisfaites à ce jour.

Tata Mundra, c’est quoi ?

La centrale à charbon de Tata Mundra, en Inde, est une des plus grosses centrales d’Asie et fait l’objet de multiples controverses depuis des années. Première centrale dite “UMPP” du gouvernement indien, ces projets de centrales à charbon géantes aux quatre coins du pays, elle a été lancée en 2008 et est totalement opérationnelle depuis 2013.

Un projet risqué, financé par des banques privées et publiques

Sept années de controverses depuis que BNP Paribas, la Banque Mondiale, la Banque Asiatique de Développement et plusieurs banques indiennes ont choisi de financer ce projet en 2008 malgré ses nombreux risques. Face aux impacts environnementaux et sociaux de la centrale, les communautés locales directement concernées ont engagé des démarches contre la Banque Mondiale dès 2011, puis contre la Banque Asiatique de Développement en 2013. En plus des 30 millions de tonnes de dioxyde de carbone émis chaque année, la construction de la centrale a entraîné une pollution des rivières, la destruction de mangroves, et a gravement impacté le mode de vie des pêcheurs locaux qui ont perdu leurs moyens de subsistance. Tout cela pour voir les prix de l’électricité augmenter en lieu et place de la promesse d’un meilleur accès à l’électricité…

Ces communautés, qui voient leurs droits violés mais pas leur situation s’améliorer ne peuvent plus se contenter de déclarations volontaires de l’entreprise Tata et de ses bailleurs. Depuis 2011, les médiateurs de la Banque mondiale et de la Banque asiatique de développement ont publié de nombreux rapports reconnaissant les violations ayant lieu à Mundra.

L’anniversaire de Dr Kim, le président de la Banque Mondiale, et le prix Pinocchio obtenu par BNP Paribas il y a quelques jours dans la catégorie “Impacts locaux” 1 , sont l’occasion de rappeler où en est ce projet et les demandes des communautés qui restent insatisfaites à ce jour.

BNP Paribas sort enfin du silence

Après une longue période de silence, BNP Paribas dit, dans sa réponse à son Prix Pinocchio du climat 2 , avoir échangé avec l’entreprise en 2013 et 2014 mais reconnaît que la situation n’a pas été résolue malgré les déclarations de bonne volonté de l’entreprise… BNP Paribas rejette cependant la responsabilité sur la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement : en l’absence de propres critères et n’ayant pas à l’époque adopté les Principes de l’Equateur, BNP Paribas aurait pris la présence de ces bailleurs publics comme une garantie de la responsabilité du projet. En réalité, BNP Paribas affirmait alors avoir “déjà mis en place des pratiques et procédures d’évaluation des risques environnementaux et sociaux pour son activité de Financement de Projets”3 .

BNP Paribas reconnaît aujourd’hui les conclusions des rapports des deux banques multilatérales 4  et le fait que “certains sujets, en particulier l’impact sur les pêcheurs, ne peuvent être considérés réglés à ce stade”.

Après plus de deux ans de tergiversations, il est temps de passer à l’action et il serait plus que jamais insoutenable que BNP Paribas continue de s’abriter derrière les beaux discours de Tata pour éviter de tenir ses responsabilités.

BNP Paribas dit avoir adressé un courrier au Managing Director de CGPL en mai 2015 et avoir par la suite intensifié ses échanges avec la direction de Tata Power et la Banque Mondiale afin de suivre les évolutions sur place, notamment concernant le plan d’actions correctives.

Nos demandes

Toute responsabilité commençant par la transparence, nous demandons la publication de ces échanges. De plus, les plans d’actions auxquels se réfèrent BNP Paribas ne sont pas nouveaux mais n‘ont pas permis d’amélioration significative de la situation des communautés. Nous demandons donc que BNP Paribas s’engage à ne plus fournir de financement et de service financier a Tata tant que les demandes suivantes ne sont pas honorées :

  • la mise en place d’un système de refroidissement fermé ;
  • faire une évaluation indépendante et exhaustive des impacts sociaux et environnementaux (sans recourir aux consultants embauchés par l’entreprise) ;
  • indemniser, sur la base de cette étude, les populations qui ont déjà subi des pertes.

Si BNP Paribas a enfin interpellé CGPL, il est désormais grand temps qu’elle obtienne des résultats concrets pour les communautés locales, et qu’elle le fasse savoir dans les meilleurs délais.

Plus généralement, cela illustre la limite des politiques environnementales et sociales des acteurs financiers afin de contrôler les impacts d’activités intrinsèquement risquées. Une seule réponse s’impose : la fin des financements aux énergies sales, à commencer par ceux au charbon.

Notes
3

http://www.bnpparibas.com/actualites/presse/bnp-paribas-adopte-principes-dequateur-son-activite-financement-projets

4

Rapport de la Banque mondiale http://www.cao-ombudsman.org/cases/document-links/documents/CAOAuditReportC-I-R6-Y12-F160.pdf et de la Banque asiatique de développement http://compliance.adb.org/dir0035p.nsf/attachments/Mundra-CRPFinalReport-7Apr2015.pdf/$FILE/Mundra-CRPFinalReport-7Apr2015.pdf