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Climat-ÉnergieFinance
24 septembre 2014

Une politique pour mettre un terme au MTR ? Le Crédit Agricole nous enfume !

L'extraction minière du charbon des Appalaches aux Etats-Unis à coup d'explosifs, appelée Mountaintop Removal (MTR) est une pratique extrêmement controversée en raison de ses impacts catastrophiques pour les populations et la planète.

Aux campagnes des ONG qui appellent les banques à mettre un terme à leurs soutiens à cette pratique barbare, certaines, comme la BNP, adoptent des politiques efficaces quand d’autres, comme le Crédit Agricole, en adoptent aussi….sans rien changer à leurs pratiques. Vous avez dit enfumage?

Le « mountaintop removal » (ou MTR) peut se traduire en français par « étêtage de sommets montagneux » : il s’agit d’une technique d’extraction du charbon qui consiste à faire sauter jusqu’à 300 mètres du haut des montagnes à l’explosif pour avoir accès au charbon qu’elles recèlent. Cette technique est particulièrement pratiquée aux États-Unis, dans les Appalaches, où elle a des conséquences environnementales, sanitaires et sociales dramatiques. En 2013, une délégation des Nations unies a reconnu les risques d’atteinte aux droits à la santé et à l’eau des populations, ainsi que les menaces en direction de ceux qui osent protester contre ces projets miniers.

Les financeurs du MTR dans le viseur des «ONG»

Pendant des années, les Amis de la Terre, aux côtés du Rainforest Action Network et d’autres organisations du réseau mondial Banktrack ont exhorté les banques françaises, américaines et européennes à cesser leurs financements directs et indirects à cette pratique dévastatrice d’extraction du charbon du sous-sol de montagnes.

Les membres de BankTrack ont travaillé en étroite collaboration avec les défenseurs des Appalaches – la région la plus durement touchée par le MTR – y compris Paul Corbit Brown de Keeper of the Mountain, et Bob Kincaid de Coal River Mountain Watch. Ensemble, ils ont interpellé les dirigeants des banques, notamment lors de leurs assemblées générales, et les ont appelé à mettre un terme à leurs soutiens au MTR [1].

La pression du public sur les banques pour qu’elles mettent un terme à leurs soutiens au MTR a commencé à montrer des résultats il y a quelques années. Les banques américaines ont été les premières à réagir en 2008 avec l’adoption d’un ensemble de procédures renforcées de diligence raisonnable et de seuils de financement pour les entreprises qui se livrent au MTR. Cependant, ces mécanismes limitaient les pires impacts du MTR mais n’empêchaient en rien les banques de continuer à financer directement et indirectement l’extraction de charbon via la pratique du MTR.

2013: ça chauffe pour les entreprises actives dans le MTR !

Les grandes banques étant des guichets automatiques des entreprises engagées dans cette pratique horrible, l’adoption de politiques sectorielles portant à la fois sur les financements de projets MTR, mais plus important encore, sur les financements généraux des sociétés minières actives dans le MTR ne pouvait qu’être saluée. En effet, les activités de MTR des producteurs de charbon MTR, y compris des plus grands et les plus nocifs tels que Alpha Natural Resources et Arch Coal, sont peu financées par des prêts directs aux projets mais par des prêts généraux aux entreprises et des émissions d’actions et d’obligations.

Et ce sont précisément ces opérations qui sont ciblés en plus du financement de projets dans les politiques adoptées par Wells Fargo aux Etats-Unis, et BNP Paribas et le Crédit Agricole en France en matière de MTR en 2013 !

  • En avril 2013, le Crédit Agricole a aussi adopté une politique sur les mines et les métaux similaire à celle de BNP Paribas, déclarant que « La Banque ne participera pas à des financements ou investissements directement liés au développement [de] projets de type MTR [et] ne développera pas de relation avec des clients principalement actifs dans les MTR ».

Crédit Agricole : annoncer pour ne rien changer !

Mais le diable se cache dans les détails et si BNP Paribas a mis à l’index les principales entreprises actives dans la production de MTR, y compris Alpha Natural Resources et Arch Coal, le Crédit Agricole exclut uniquement les sociétés minières de charbon qui produisent plus de 20% de leur charbon par le MTR, c’est-à-dire aucune ! Même en étant les premiers producteurs de MTR au monde, Alpha et Arch produisent moins de 20% de leur charbon par le MTR.

Ainsi, malgré l’adoption publique d’une politique visant le MTR, le Crédit Agricole a continuer à financer par des prêts et à émettre des obligations pour Alpha Natural Resources et Arch Coal – la pire des pires entreprises MTR – tandis que BNP Paribas n’a eu aucun lien avec ces deux entreprises depuis l’année dernière. Ironiquement, pour le Crédit Agricole, le financement du MTR n’a pas été seulement mauvais pour l’environnement et les droits humains – il a aussi été un mauvais investissement. La banque a subi d’importantes pertes financières via la faillite de Trinity Coal, une filiale du groupe indien Essar.

Crédit Agricole et MTR: la mobilisation continue

Contrairement à Crédit Agricole, d’autres banques américaines et européennes ont pris des mesures concrètes pour mettre un terme à leurs soutiens au MTR. En 2014, JPMorgan Chase a annoncé qu’elle allait continuer de diminuer son exposition au MTR et RBS a publié une mise à jour de sa politique minière aux mêmes conséquences que la politique de BNP Paribas, interdisant tout service financier aux principaux producteurs de MTR, y compris Alpha Natural Resources et Arch Coal. Contrairement à la nouvelle politique de Crédit Agricole, ces changements de politique à JPMorgan Chase et RBS ont des dents !

[1] Les Amis de la Terre ont interpellé les banques françaises sur leurs soutiens au MTR lors de les Assemblées générales suivantes :

– Assemblées générales du Crédit Agricole et de la Société Générale en 2012
Assemblée générale de la BNP en 2012
Assemblée générale de la BNP Paribas en 2013
Assemblée générale du Crédit Agricole en 2014