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11 janvier 2017

CETA, la porte ouverte aux OGM

Les promoteurs du CETA prétendent que celui-ci ne remettra pas en cause les normes européennes : voici pourtant comment ce traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne pourrait changer la donne concernant les OGM en Europe.

Le Parlement européen s’apprête à ratifier début février le traité de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne, le CETA, qui pourrait entrer en vigueur de façon « provisoire » dès le mois de mars.

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Le mécanisme de coopération réglementaire prévu dans le CETA est une des menaces que ce traité fait peser sur la protection de l’environnement et la santé publique. Bien qu’officiellement établie « sur une base volontaire  » (article 21.2), cette coopération réglementaire fournirait en effet de nouveaux leviers de pression aux lobbies industriels pour influencer les politiques publiques. C’est en particulier le cas concernant les OGM, dont le Canada est le 5ème producteur mondial.

Avant de signer le traité le 30 octobre, la Commission et les Etats membres ont donc affirmé dans une déclaration annexe unilatérale que « le CETA n’implique aucune modification de la législation européenne concernant l’évaluation des risques et l’autorisation, l’étiquetage et la traçabilité des produits génétiquement modifiés pour l’alimentation humaine et animale ». Mais cette déclaration, qui n’engage pas le Canada, n’est pas opposable au CETA.

Le CETA fixe en revanche dans son chapitre 25 (intitulé « coopération et dialogues bilatéraux ») un cadre réglementaire de « Dialogue sur les questions de l’accès au marché de la biotechnologie » (article 25.2). C’est en fait l’aboutissement d’un différend entre le Canada et l’Union européenne engagé en 2003 à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), pour dénoncer l’entrave au commerce que la réglementation protectrice européenne représentait.

Pour mettre fin à ce différend commercial, l’Europe avait accepté en 2009 la création d’un « dialogue sur les questions liées aux biotechnologies ».

En mars 2014, Tonio Borg, alors Commissaire européen à la santé, avait adressé au ministre canadien de l’Agriculture et de l’Alimentation un courrier dans lequel il expliquait :

« La coopération et l’échange d’informations sur les enjeux liés aux produits biotechnologiques sont d’un intérêt mutuel, comme cela a été souligné dans le texte sur la Coopération Bilatérale sur les Biotechnologies, qui a été approuvé avec vos services pendant les négociations du CETA entre l’Union européenne et le Canada en avril 2012.

Cette coopération et cet échange d’informations s’inscrivent dans le cadre du Dialogue sur les questions concernant l’accès aux marchés pour les produits biotechnologiques établi suite à la solution convenue d’un commun accord le 15 juillet 2009 entre l’UE et le Canada.

La Commission s’assurera que les demandes d’autorisation de tous les produits génétiquement modifiés, en particulier le colza OGM, sont instruites aussi rapidement que possible dans le cadre des procédures prévues par la réglementation européenne, par exemple en soumettant la décision aux Etats membres dès que l’EFSA aura rendu son avis. » (Notre traduction. Voir l’original en anglais ci-dessous).

Le CETA, dont les négociations sont terminées depuis fin 2014 et dont le texte final a été rendu public en février 2016, répond à ces préoccupations. Dans son article 25.2, il prévoit par exemple :
– la possibilité de dénoncer la « répercussion commerciale d’approbations asynchrones » (au cas où un OGM ne serait pas autorisé au même moment sur les marchés canadien et européen)
– de défendre des « objectifs communs » comme des processus d’autorisation « efficaces et fondés sur des données scientifiques », ou la réduction « au minimum [des] répercussions commerciales négatives des pratiques réglementaires relatives aux produits de biotechnologie ». Cette formulation en apparence anodine revient à s’interdire toute réglementation basée sur le principe de précaution.

Les lobbys canadiens ont ainsi pu rappeler dès le mois d’avril 2016 à la Commission européenne ses engagements pris dans le cadre des négociations du CETA, en réclamant une décision rapide d’autorisation de commercialisation de trois variétés de soja OGM. Le président d’une organisation interprofessionnelle des producteurs de soja, Soy Canada, a écrit au président de la Commission européenne pour l’inviter à accélérer les procédures d’autorisation de trois variétés transgéniques et ainsi «  honorer les engagements des négociations CETA ». Fin juillet, on apprenait que la Commission venait d’autoriser l’importation du soja OGM Roundup Ready 2 Xtend de Monsanto-Bayer.

Une fois le CETA mis en œuvre, même de façon « provisoire », il sera de plus en plus difficile à l’Union européenne et ses Etats membres de résister à l’offensive des multinationales des biotechnologies, dont les intérêts pourront être défendus bien plus efficacement que par le passé par les autorités canadiennes.