L'assemblée a le choix - Amazon ou le climat
Surproduction
Communiqué de presse15 janvier 2020

Économie circulaire : une occasion manquée pour faire face à la crise climatique

En fin de semaine, l’Assemblée nationale et le Sénat se sont mis d’accord sur le contenu final de la Loi économie circulaire, censée incarner « l’accélération écologique du quinquennat ». Décryptage des mesures phares et des principaux manquements.

A l’exception du plastique, la loi propose des améliorations à la marge de nos modes de production et de consommation, tout en évitant la réforme profonde à même de réduire l’empreinte carbone de la France, qui représente plus de la moitié de nos émissions.

Après plus de 2 ans de consultations et 4 mois de débats parlementaires, la version finale de la loi économie circulaire tient plus du catalogue de mesurettes qu’une vraie réforme de notre système de production et de consommation, à même de réduire de plus de moitié nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030[1], comme le demande le GIEC. Elle dématérialise les tickets de caisse, interdit les couverts en plastiques et les touillettes, impose une note de réparabilité sur les produits neufs, mais reste remarquablement silencieuse sur les niveaux de production qui continuent d’augmenter dans tous les secteurs, notamment ceux dont l’impact climatique est le plus lourd.

Le textile, 4ème émetteur de gaz à effet de serre au niveau mondial[2], qui affiche en France des niveaux de consommation vertigineux[3], est complètement écarté du texte. Pas de baisse imposée de la production de neuf – nécessaire dans les 10 ans qu’il nous reste pour limiter le réchauffement à +1,5°C [4] – pas de réincorporation de fibres recyclées dans les vêtements, alors que moins d’1% des vêtements en contiennent aujourd’hui… Une seule mesure : fait l’objet d’une seule mesure : l’affichage obligatoire de l’impact environnemental sur l’étiquette des vêtements… à condition que l’Union européenne adopte une mesure similaire ! Des obligations réglementaires pour le secteur doivent être prises en 2020, mais le gouvernement n’a donné aucune garantie quant à leur ambition, sans que cela semble inquiéter les parlementaires. La loi crée une filière à responsabilité élargie du producteur pour le secteur de la construction, responsable de 11 % des émissions mondiales [5], à même de conduire à terme vers davantage de réemploi et de recyclage des matériaux de construction et de réduire les émissions, néanmoins les objectifs réels seront adoptés ultérieurement par le gouvernement et restent pour l’heure inconnus. Les Amis de la Terre saluent la mise au pas du e-commerce qui ne respectait pas les obligations de reprises des déchets usagés[6]. Néanmoins, la permission lui est donnée de continuer son développement agressif alors que le dumping[7] aggrave la surproduction, tout en détruisant des emplois. L’arrêt des nouveaux entrepôts de e-commerce et zones commerciales en périphérie, demandé par les gilets jaunes, n’a pu passer les portes de l’hémicycle[8]. Aucun texte du Gouvernement sur le sujet ne se profilant à l’horizon, si rien n’est fait, Amazon doublera sa surface de stockage en France d’ici la fin de l’année tandis que Wish[9] ou Alibaba pénètreront encore davantage le marché.

La pollution plastique est sans conteste la priorité de ce texte avec l’interdiction du jetable dans la restauration rapide sur place ou la suppression des emballages plastique autour des fruits et légumes. Le décalage reste néanmoins important entre l’ambition affichée (“fin des plastiques à usage unique ”), reporté à 2040, et les mesures destinées à la concrétiser[10]. Devant être précisées par décret, on sait déjà qu’elles seront trop faibles puisque les taux d’emballages réemployés ne dépasseraient pas les 10% en 2027 [11] ! Les Amis de la Terre se félicitent néanmoins que la loi ouvre la voie à la réduction des volumes d’emballages plastiques produits. Les Amis de la Terre appellent le Gouvernement à sortir de “l’exception plastique” et à étendre et renforcer cette logique partout où elle se justifie pour lutter contre le changement climatique, notamment dans le textile ou la construction.

La loi apporte également des avancées dans la lutte contre l’obsolescence programmée comme l’imposition d’une durée de disponibilité de 5 ans des pièces détachées[12], l’interdiction des pratiques visant à empêcher la réparation par des indépendants, y compris le fait de ne pas leur vendre de pièces détachées. Un coup dur pour Apple dont les nouveaux MacBook sont tous équipés de puces prévues à cet effet[13]. Néanmoins, un recul est à déplorer concernant l’obligation de fournir des mises à jours logicielles pendant 10 ans adoptée au Sénat, transformée en information par les fabricants de leur politique commerciale en la matière au moment de l’achat. D’autres mesures phares comme l’interdiction de destruction des invendus ou les fonds réparation et réemploi ont souffert de compromis accordés aux industriels : les invendus pourront toujours être recyclés et l’ambition finale des fonds destinés à amortir une partie du coût de la réparation et du réemploi reste encore inconnue.

Alma Dufour, chargée de campagne aux Amis de la Terre, dénonce : “Alors qu’à l’international Emmanuel Macron s’exprime sur la gravité de la crise climatique, la politique du gouvernement est bien plus timorée… voire cynique. Pour Édouard Philippe ou la rapporteure Véronique Riotton, inciter les gens à adopter des petits changements dans leurs comportements tout en poursuivant une politique de croissance et de mondialisation dérégulée permettra d’éviter l’emballement climatique. Mais les scientifiques sont formels, c’est tout le modèle économique qu’il faut remettre à plat. La loi économie circulaire est symptomatique du manque de courage politique de la majorité face à la crise climatique et de sa mise en scène d’une action volontariste alors que pour l’heure le compte n’y est pas”.

[1] Le GIEC annonce que pour limiter le réchauffement à 1,5°C et ainsi éviter les risques d’emballement climatique,les émissions de gaz à effet de serre doivent diminuer de moitié d’ici 2030. [2] Quantis and the Climate Works Foundation, Measuring Fashion, 2018 ; avec les produits électroniques, il représente près du quart de notre empreinte carbone d’après l’ADEME [3] Plus de 39 vêtements par an, par habitant. Eco-TLC, Rapport d’activité 2018 [4] La réduction de moitié des émissions du secteur textile d’ici 2030, en conformité avec les recommandations du GIEC, ne nécessite une baisse de la production de neuf, tant les niveaux sont importants et les technologies de recyclage ont pris du retard. Aujourd’hui seul 1% des vêtements contiennent des fibres recyclées réincorporées. Pour atteindre des taux très optimistes de 30% il faudra une dizaine d’année à la filière. [5] International Energy Agency,Global Status Report for Buildings and Construction 2019 [6] Amazon n’a collecté aucun déchets électriques et électronique en 2018 – 2019, alors que la loi l’y oblige, car l’information du consommateur de la possibilité de renvoyer gratuitement son produit usagé est rendue difficile d’accès. Vente Privée qui se félicite de vendre 60 000 produits par jour en moyenne, n’a ainsi collecté que 1000 déchets d’équipements électriques et électroniques [7] Bercy vient par exemple de révéler que 98% des vendeurs sur Amazon ou Rakuten ne paient pas la TVA ! [8] L’amendement porté par les députés LREM Tuffnell, Rossi, Sarles, Tiegna a été jugé irrecevable ; car traitant des surfaces commerciales et non des produits [9] L’ADN, Wish : piètre qualité, made in China, anti-écolo… et ça cartonne, 13 novembre 2019 [10] Objectifs chiffrés de réduction des volumes mis en marché ainsi qu’un taux d’emballage réemployé article 1er AF [11] article 1er AF [12] article 4 [13] article 4 quater C