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Climat-ÉnergieFinance
1 novembre 2017

Dialogue public entre Société Générale et les Amis de la Terre France

Il y a une semaine, Société Générale réagissait publiquement à l'étude de cas publiée par les Amis de la Terre France sur le soutien de la banque au projet de terminal d'exportation de gaz de schiste Rio Grande LNG, avec la publication d’un texte sur son site internet. Nous lui répondons.

Il y a une semaine, Société Générale répondait à l’étude de cas publiée sur le projet de terminal méthanier Rio Grande LNG et son double gazoduc Rio Bravo par les Amis de la Terre France et d’Action Aid France. Société Générale, conjointement avec Macquarie, a été mandatée par NextDecade comme conseiller financier pour le développement de ce projet.

Dans cette étude de cas, les ONG présentaient les risques multiples de ce projet situé au sud du Texas pour le climat, l’environnement et la biodiversité ainsi que pour les droits des populations locales dont la santé, la sécurité et leurs emplois sont menacés par ce projet. Les risques identifiés pouvant difficilement être prévenus, l’étude de cas concluait sur un appel à la Société Générale à se retirer du projet et à s’engager à ne pas financer ni ce projet ni aucun autre similaire.

Société Générale souhaitant réagir publiquement à cette étude de cas par la publication d’un texte sur son site internet, à notre tour d’apporter quelques éléments de réponse.

Le rôle de Société Générale

Société Générale se défend de ne pas financer ce projet. A aucun moment l’étude de cas ne l’affirme. Comme Société Générale le mentionne, la banque, conjointement avec Macquarie, a été mandaté par NextDecade comme conseiller financier pour le développement du projet Rio Grande LNG et Rio Bravo.

Donc certes, pour l’instant Société Générale ne fournit donc aucun financement. Mais son rôle est bien d’accompagner l’entreprise NextDecade dans le montage du projet, y compris dans la recherche des 20 milliards de dollars de financements nécessaires.

A moins qu’elle ne s’engage à ne pas financer ce projet, il est fort probable que Société Générale poursuive demain son actuel mandat de conseil par une participation au financement du projet. NextDecade justifie elle-même son choix de Société Générale par le fait que la banque a “joué le rôle de chef de file dans le financement et le développement de tous les projets de GNL commandés en Amérique du Nord ».

Du gaz naturel oui, mais du gaz de schiste !

Dans sa réponse publique, Société Générale précise à deux reprises qu’il s’agit de gaz naturel, une réponse directe au fait que l’étude de cas déclare le gaz qui sera transporté et exporté comme étant du gaz de schiste extrait par fracturation hydraulique.

Une fois extrait, le gaz a cette particularité de pouvoir être transporté avec n’importe quel autre gaz : que l’un ait été extrait par des méthodes conventionnelles et l’autre par des méthodes non conventionnelles n’importe pas. Cependant, lorsqu’il s’agit de prendre en compte l’ensemble des impacts d’un projet, cela a une importance. En France, c’est bien pour des raisons environnementales et sanitaires que la fracturation hydraulique a été interdite.

Le double gazoduc Rio Bravo sera tout d’abord connecté au carrefour gazier d’Aqua Dulce, spécialisé dans la vente de gaz de schiste. Et le gaz qu’il transportera sera, comme l’entreprise cliente de Société Générale l’affirme elle-même publiquement, issu de deux bassins de production de gaz de schiste – le bassin Permien et celui d’Eagle Ford Shale.

Les impacts climatiques de Rio Grande LNG sont incontestables

Société Générale insiste fortement sur le fait qu’il s’agisse de gaz naturel afin de contrer les chiffres qui démontrent l’impact très lourd qu’aurait Rio Bravo et Rio Grande LNG sur le climat. Pourtant, le mythe d’un gaz naturel propre qui permet la transition entre des fossiles très carbonés et les énergies renouvelables ne résiste pas à l’épreuve des faits.

Sans revenir sur les montants détaillés des émissions de gaz à effet de serre en équivalent CO2 du projet – lesquels sont disponibles dans l’étude de cas – la conclusion est que ce projet contribuera à émettre autant de CO2 que 21 centrales à charbon, ou 44 centrales si on intègre les fuites de méthane sur toute la durée de cycle de vie du gaz.

BNP Paribas, également impliquée via un mandat de conseil financier dans un projet de terminal méthanier situé près de Rio Grande LNG a elle reconnu les risques climatiques du gaz de schiste et des infrastructures de transport et d’exportation centrées sur le gaz de schiste. Le 11 octobre, elle a annoncé qu’elle ne financerait ni de pipelines ni de terminaux de LNG qui transportent, liquéfient et exportent majoritairement du gaz de schiste, et cesserait ses relations avec les acteurs centrés sur ce secteur.

La majeure partie du gaz extrait outre-Atlantique étant du gaz de schiste, en application de ces engagements, BNP Paribas ne devrait donc pas financer ni Texas LNG ni aucun autre terminal de GNL aux Etats-Unis.

Quand respecter les lois et réglementations locale ne suffit pas

Société Générale répond aussi longuement sur sa responsabilité d’entreprise en citant un grand nombre de principes et standards volontaires qu’elle s’est engagée à respecter dans ses activités : Principes de l’Equateur, Global Compact et Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, et bien entendu “les lois et réglementations en vigueur dans les géographies où la banque intervient”.

Pour ne pas énumérer de nouveau ici les insuffisances de ces initiatives et de l’approche suivie par Société Générale – ce qui est fait dans le rapport publié par les Amis de la Terre France et Action Aid France – Peuples solidaires – un seul exemple suffira : le Dakota Access Pipeline.

Ce projet financé par Société Générale et 16 autres grandes banques internationales aux Etats-Unis est lié à de graves violations de droits humains qu’aucun de ces standards n’a permis d’éviter: non seulement le droit à un consentement libre, préalable et informé des membres de la tribu autochtone de Standing Rock n’a pas été respecté en amont du projet, mais leur droit à l’eau est également menacé par ce projet. Ont également été violés les droits des opposants qui se sont mobilisés de manière pacifique à ce projet mais ont subi une forte répression de la part des milices payées par les entreprises impliquées, en particulier Energy Transfer, et par les forces du corps des ingénieurs de l’armée américaine.

Le gaz, sujet tabou à la Société Générale

Quant au dialogue poursuivi par la banque avec les ONG et autres parties prenantes, force est de constater que si la logique est d’ordinaire “ constructive et de progrès” comme l’indique Société Générale, elle l’est beaucoup moins lorsqu’il s’agit de discuter du gaz et de son impact sur le climat. Les Amis de la Terre France notent en effet une détérioration significative du dialogue depuis quelques mois, avec des réponses de plus en plus lacunaires si ce n’est inexistantes à nos demandes et même l’impossibilité à plusieurs reprises de recevoir un expert des Amis de la Terre Europe afin de discuter de ce sujet.