Climat-ÉnergieFinance
10 juin 2014

Les garanties au charbon de la Coface : la face noire des ambitions climatiques de la France

Présente au G7 de juin 2014, la France a rappelé son engagement à mettre un terme à ses soutiens publics aux énergies fossiles. La France doit donc déclarer immédiatement l'arrêt de ses soutiens au charbon via les banques multilatérales de développement et la Coface, à l'instar d'autres pays développés

Présente au G7 de juin 2014, la France a rappelé son engagement à mettre un terme à ses soutiens publics aux énergies fossiles. Le charbon étant l’énergie la plus carbonée, la France doit déclarer immédiatement l’arrêt de ses soutiens au charbon via les banques multilatérales de développement et la Coface, à l’instar d’autres pays développés. Les soutiens des agences de crédit aux exportations au charbon seront abordés à la réunion débutant le 16 juin à l’OCDE. La France doit renouer avec son rôle de leader en la matière et appeler les pays membres de l’OCDE à soutenir la fin de leurs soutiens à l’export au charbon.

La fin des soutiens publics au charbon, une politique avortée en France ?

En mars 2013, la France annonçait la fin des soutiens de l’AFD, son agence de développement, au développement de nouvelles centrales à charbon à l’étranger. Elle lançait alors un message fort au reste du monde : le charbon, aux impacts dévastateurs sur les plans humain, environnemental et climatique, est une énergie du passé, incapable de subvenir aux besoins de développement et incohérente avec les objectifs de lutte contre les changements climatiques. Malheureusement, la France a manqué de décliner cette position au niveau des autres canaux de soutiens publics au développement du charbon à l’étranger, à savoir les banques régionales de développement où elle siège et la Coface, son agence de crédit aux exportations. De ce fait, la France n’est plus à même de guider les autres pays en la matière, et pire, risque de compter bientôt dans le camp des pays conservateurs, aux côtés par exemple de la Pologne, du Japon, de l’Australie.

Car le contexte des soutiens publics au charbon est en train de changer rapidement. En 2013, pas moins de trois banques multilatérales de développement et 9 gouvernements ont annoncé la fin de leurs soutiens au charbon, avec des exceptions. Bien que très significatifs, les soutiens des banques multilatérales de développement au charbon à l’étranger 1, de 2 milliards de dollars par an, sont largement dépassés par ceux des agences de crédit aux exportations, de 5,2 milliards de dollars par an. Or aujourd’hui, seuls les Etats-Unis ont mis fin à tous leurs soutiens publics au charbon à l’étranger.

Les engagements des Etats-Unis à mettre un terme à l’ensemble de leurs soutiens publics au charbon, annoncés dans le plan d’actions pour le climat de Barack Obama en juin 2013, ont déjà pu être confirmés à plusieurs reprises : leur agence de crédit aux exportations, Ex-Im, rejeta dès juillet 2013 un projet de centrale à charbon de 1200 au Vietnam, suivie par leur agence de développement commercial – l’USTDA – qui renonça le même mois à un projet de centrale de 800 MW en Ukraine. En décembre dernier, les Etats-Unis votaient contre un projet de charbon au Pakistan, avec les pays nordiques, au sein de la banque asiatique de développement pour la première fois de leur histoire. Au contraire, la France, qui considère pourtant avoir une position anti-charbon pour ce qui concerne les financements des banques multilatérales de développement, a soutenu ce projet de centrale de 1200 MW à Jamshoro.

Le soutien climaticide de la Coface, l’agence de crédit aux exportations de la France

Environ 90 % des soutiens au charbon fournis par les institutions financières publiques des pays développés provient des agences de crédit aux exportations – ECA, ou 63 % de ces soutiens ajoutés à ceux des banques multilatérales de développement. Contrairement à ces dernières, les ECA n’ont pas pour mandat le soutien au développement des pays du Global South mais celui de leurs entreprises ! Ainsi, alors que nous pourrions penser que les soutiens publics servent des projets d’intérêt général, l’accès des populations à l’électricité n’est pas automatiquement le résultat des soutiens publics au charbon, au contraire.

La France a soutenu à hauteur de 1,2 milliard d’euros deux énormes projets de centrales à charbon depuis 2007, les centrales de Medupi et de Kusile en Afrique du Sud. Ces centrales de 9,8 GW, plus de 8 fois plus grosses que les centrales ordinaires, émettraient 68.8 millions de tonnes de CO2 chaque année, l’équivalent d’environ 20 % des émissions annuelles nationales de la France induites par la combustion des énergies fossiles 2 ! Ainsi, alors que la France parle transition énergétique sur son territoire, elle soutient à l’étranger des projets qui enferment les pays du Sud dans leur dépendance aux énergies fossiles.

Loin de favoriser l’accès au réseau électrique des populations – puisque les projets ont avant même leur mise en service déjà entraîné une hausse du prix de l’électricité – les garanties export de la Coface n’ont en réalité bénéficié qu’à une seule entreprise française : Alstom qui exporte la technologie charbon qu’elle considère « propre ». 3

Les recommandations des Amis de la Terre

1.  La France doit faire une déclaration sur la fin immédiate de tous ses soutiens au charbon à l’étranger, via son vote au sein des agences multilatérales de développement et la Coface.

Si la France peut s’inspirer des déclarations précédentes des banques multilatérales et des gouvernements pour mettre fin à leurs soutiens publics au charbon, elle doit cependant aller plus loin pour être véritablement cohérente avec ses ambitions en matière climatique. En effet, la France doit exclure de ses soutiens non seulement les centrales à charbon mais également les mines et infrastructures liées à la production de charbon.
Bien que non contraignante (note de bas de page), une telle déclaration est indispensable pour pouvoir par la suite peser dans les négociations climatiques et entraîner les autres pays, développés d’abord, émergents ensuite, à adopter des politiques similaires.

2. La France doit également demander que la fin des soutiens au charbon soit actée :

  • Au sein des banques régionales de développement, banque asiatique, banque africaine et banque inter américaine via l’adoption de politiques énergétiques.
  • Au niveau du groupe de crédit aux exportations de l’OCDE via l’adoption de standards dans les lignes directrices sur le changement climatique.

3. La France doit travailler sur une stratégie pour mettre un terme à l’ensemble de ses soutiens publics aux énergies fossiles d’ici 2015.