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Climat-ÉnergieFinance
22 février 2017

Nouveau rapport : le Trans Adriatic pipeline mène la Société Générale et l’UE dans le mur

Alors que se tiendra demain une réunion du Conseil consultatif sur le Southern Gas Corridor, un énorme projet de pipeline gazier trans-européen soutenu par la Société Générale et l’UE, les Amis de la Terre France relaient un rapport qui appelle les banques privées à ne pas soutenir le projet.

Alors que se tiendra demain une réunion du Conseil consultatif sur le Southern Gas Corridor, un énorme projet de pipeline gazier trans-européen soutenu par la Société Générale et l’UE, les Amis de la Terre France relaient un rapport de BankTrack et Counter Balance qui appelle les banques privées à ne pas soutenir le projet en raison de son non-respect des Principes de l’Equateur. Car non seulement ce projet risque de finir ’bloqué’ sans pour autant répondre au motif officiel de sécuriser l’approvisionnement énergétique européen, mais il menace dès à présent les droits des populations sur son tracé.

Les Amis de la Terre relaient un rapport publié aujourd’hui par BankTrack et Counter Balance sur le Trans Adriatic Pipeline (TAP) (1), un des trois tronçons du Southern Gas Corridor (SGC), soutenu depuis 2013 par la Société Générale via un mandat de conseil (2). Leur analyse démontre que le projet n’est pas compatible avec les Principes de l’Equateur que les banques privées signataires se sont engagées à respecter lors de leurs soutiens aux projets de plus de 10 millions de dollars – TAP coûte 5 milliards d’euros. Elles appellent toutes les banques privées à se tenir le plus éloigné de ce projet si elles veulent éviter un scandale tel que celui qui les éclaboussent au niveau international sur le Dakota Access Pipeline aux Etats-Unis.

« Si TAP n’est pas compatible avec les Principes de l’Equateur, imaginez ce qu’il en est pour le SGC, un projet qui débute en Azerbaïdjan et passe en Turquie, deux pays qui s’illustrent tristement par les répressions commises à l’encontre des populations qui osent critiquer les régimes en place. Soutenir TAP, c’est se rendre complice de ces violations et les banques françaises doivent s’engager à ne pas financer ce projet. Quant à la Société Générale, déjà engluée dans plusieurs projets douteux qui mêlent violations des droits humains et corruption (3), elle doit immédiatement mettre un terme à son soutien au TAP » commente Lucie Pinson, chargée de campagne Finance Privée aux Amis de la Terre France.

Le rapport qui s’appuie sur des missions de terrain et une série de preuves provenant des pays traversés – l’Albanie, la Grèce et l’Italie – rappelle que pas moins de 13 plaintes ont déjà été soumises par les communautés locales. Il pointe aussi du doigt des irrégularités sérieuses concernant la consultation et l’indemnisation des populations, la procédure d’achat des terres par le sponsor du projet ainsi que le manque flagrant de préparation du projet qui a entraîné une série de litiges en attente de jugements devant les tribunaux italiens.

« Financer TAP serait prendre un risque hallucinant car le projet a trois raisons de ne pas être rentable et de finir ’bloqué’ : les réserves de gaz de l’Azerbaïdjan sont insuffisantes et il n’est pas utile puisque la consommation en gaz de l’Union européenne chute et que les infrastructures actuelles répondent largement aux besoins (4). Il n’est enfin pas compatible avec les objectifs climatiques adoptés à Paris car contrairement à ce que le lobby gazier voudrait nous faire croire, le gaz est une énergie fossile très émettrice en méthane et il faut se préparer à en sortir prochainement et non détourner les ressources de la transition pour le développer» poursuit Lucie Pinson.

Le rapport est publié alors que se tiendra demain une réunion du Conseil consultatif de haut niveau sur le SGC en Azerbaïdjan à laquelle seront présent des représentants des pays traversés mais aussi des Etats-Unis, des banques publiques de développement, et de l’Union européenne, qui devrait se prononcer prochainement sur un soutien financier au TAP via la BEI (5). Pour les Amis de la Terre France, le soutien de la BEI à ce projet serait faire preuve d’un usage désastreux des fonds publics, et les gouvernements français, actuel et futur, doivent s’y opposer.

Contact :

Lucie Pinson, chargée de campagne Finance privée/Coface aux Amis de la Terre France, lucie.pinson@amisdelaterre.org 0679543715

(1) “The Trans-Adriatic Pipeline project: identified non-compliance with the Equator Principles”, BankTrack, CounterBalance

(2) TAP est le dernier tronçon du Southern Gas Corridor qui devrait exporter du champ de Shah Deniz II dans la mer Caspienne vers les marchés occidentaux. TAP s’étendrait sur 879 kilomètres et traverserait le nord de la Grèce (545 km), l’Albanie (215 km), la mer Adriatique (105 km) pour s’arrêter en Italie avec un petit tronçon de 8 kilomètres à la plage de San Foca. Un autre pipeline de 55 kilomètres serait construit afin de connecter TAP au réseau gazier Italie.

Société Générale a un mandat de conseil pour TAP et c’est à ce titre que la BNP va aider la compagnie à mobiliser des capitaux d’emprunt ou des capitaux propres pour financer sa construction et aider à la préparation des documents pour la décision finale d’investissement

(3) Société Générale est une des 17 banques internationales qui financent le projet d’oléoduc Dakota Access Pipeline aux Etats-Unis. La banque participe aussi au financement de la centrale à charbon Punta Catalina en République dominicaine, un projet ultra polluant qui ne respecte pas même les politiques adoptées par Société Générale depuis 2011 et qui est porté par l’entreprise Odebrecht qui a avoué avoir versé 800 millions de pots de vins pendant plus 10 ans afin d’obtenir des contrats publics, dont 83 millions en République dominicaine

(4) Le projet est soutenu au nom de l’indépendance énergétique de l’Union européenne, afin de diversifier nos ressources énergétiques et s’affranchir de notre dépendance au gaz russe. Or non seulement remplacer une dépendance au gaz russe par une dépendance au gaz de l’Azerbaïdjan, un régime tout aussi autoritaire Gazprom, ne répond pas à ces enjeux, mais Gazprom a confirmé la possibilité pour le gaz russe d’être injecté dans le SGC via le Turkish Stream. Oxford a alerté du risque que le SGC devienne un actif pourri en raison du manque de ressources en gaz à la source. En savoir plus : https://www.oxfordenergy.org/publications/azerbaijans-gas-supply-squeeze-consequences-southern-corridor/

Plusieurs rapports, notamment par le think tank E3G, ont montré que la consommation européenne de gaz est en chute, que les infrastructures existantes sont sous-utilisées. En savoir plus https://www.e3g.org/news/media-room/europes-declining-gas-demand

(5) La BEI devrait décider dans les prochaines semaines d’un financement de 2 milliards d’euros pour TAP et de 1 milliard d’euro pour TANAP.