Climat-ÉnergieFinance
29 novembre 2009

Rapport 2001-2008 : qui bénéficie des garanties de la Coface ?

Les Amis de la Terre publient une analyse sur les garanties de la Coface octroyées pour le compte de l'Etat entre 2001 et 2008. Opacité, concentration caricaturale des aides à une poignée de multinationales, faiblesse des normes, absence de sanction des entreprises violant les lois : le constat est accablant.

Les Amis de la Terre demandent une remise à plat de la politique française d’aide aux exportations, afin qu’elle encourage une économie durable et non l’inverse.

Le rapport des Amis de la Terre analyse pour la première fois les garanties de la Coface sous plusieurs angles. Au total, les garanties publiques civiles représentent 25,8 milliards d’euros (les garanties militaires demeurent opaques). Ces dernières incluses, ce sont 61,3 milliards d’euros en 8 ans selon la Coface. Quelles sont les entreprises bénéficiaires ? En 8 ans, la Coface a soutenu 0,08 % des entreprises exportatrices. Les 10 entreprises les plus bénéficiaires concentrent 84 % des garanties publiques (1). Airbus à elle seule représente 37 % des garanties Coface.

Sébastien Godinot, coordinateur des campagnes, analyse : « Alors que l’Etat communique beaucoup sur le nécessaire soutien aux PME, y compris en fustigeant les banques privées de rechigner à la tâche, le constat des garanties Coface fait mal : la politique publique d’aide aux exportations de la France bénéficie à 84 % à 10 multinationales, déjà installées parmi les leaders mondiaux dans leurs secteurs. Le corporate welfare des entreprises les plus puissantes joue donc à plein, et les PME passent à la trappe. Il faut ajouter au tableau la scandaleuse opacité des garanties militaires (plusieurs milliards d’euros par an), opacité qui fait le terreau de la corruption contre laquelle l’Etat français prétend lutter. »

Le rapport examine également les catégories environnementales des projets. Mais il met en évidence que les secteurs « aéronautique, espace et navires » et militaires échappent intégralement à l’obligation de classification et donc d’analyse environnementale de la Coface. Or le secteur aéronautique est majeur, et le secteur militaire représentait 50 % des garanties totales en 2002 et 59 % en 2003. Au final, ce sont donc 70 à 90 % des garanties totales qui ne sont ni analysées ni classifiées au regard de leur impact environnemental.

Enfin, le rapport détaille la prise en compte (ou non) du passif environnemental et social des entreprises dans la politique publique d’aide aux exportations, afin de ne soutenir que les exportateurs responsables. En matière environnementale, la Coface se base sur des lignes directrices obsolètes et incomplètes, et à laquelle l’Etat se réserve le droit de déroger ; elle ne dispose en outre d’aucune politique climatique et aucune comptabilité carbone des garanties publiques à 2 mois du Sommet de Copenhague. En matière de corruption, la politique d’aide aux exportations française ne comporte aucun mécanisme de sanction des entreprises condamnées pénalement. Enfin, en matière de responsabilité des entreprises, la Coface se borne à demander à l’exportateur français de prendre connaissance des Principes directeur de l’OCDE, elle n’en demande même pas le respect.

Sébastien Godinot conclut : « Suite à la crise financière et économique, le G20 s’est engagé à fournir 250 milliards de dollars d’aide aux exportations pour relancer le commerce mondial. Pour les Amis de la Terre, ce soutien massif doit être utilisé comme une opportunité pour demander, en contrepartie, des exigences environnementales et sociales strictes, afin que l’économie ainsi aidée par les pouvoirs publics (et les contribuables) soit durable, et non qu’elle aggrave encore les abus et la prédation du système économique dominant. Mais l’opacité de la Coface demeure colossale, ses normes sont faibles et incomplètes, ses moyens de sanction inexistants si les entreprises soutenues violent la loi, et elle se moque totalement du climat. Les Amis de la Terre ont formulé plusieurs recommandations précises pour remettre à plat la politique publique d’aide aux exportations françaises, qui en a un besoin vital pour être cohérente avec la lutte contre les changements climatiques, les engagements contre la corruption et les paradis fiscaux, et pour la responsabilité des entreprises. La balle est dans le camp du gouvernement. »

Notes :

[1] Airbus, Chantiers de l’Atlantique, Alstom, Alcatel, Areva, Siemens, Bouygues, SPIE, Vinci, General Electric.

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