Agriculture

Engrais chimiques : merci et au revoir !

Grand responsable de la crise climatique qui se cache derrière un système agricole destructeur de l’environnement, le secteur de l’agrochimie prospère en créant une véritable addiction aux engrais chimiques. Lutter contre les engrais chimiques, c’est lutter contre la crise climatique.

Contexte

La réalité du modèle agricole industriel est à chercher bien au-delà des pâturages et des cultures céréalières si caractéristiques du paysage français. Car aujourd’hui, l’agriculture se joue bien plus en amont et en aval, comme deux tranches de pain qui viendraient se refermer autour des paysan·ne·s. L’industrialisation de l’agriculture qui s’est développée à partir de l’après-guerre est caractérisée par des grands marqueurs qui agissent comme points de compression sur le monde paysan mais aussi sur l’environnement. Pesticides, engrais de synthèse, semences et technologies aliénantes sont autant d’éléments-clés de la Révolution si peu verte qui a vu le jour ces 70 dernières années au profit d’un productivisme caractérisé par une explosion des rendements agricoles. Ce système agricole et alimentaire industrialisé fait aujourd’hui face à l’enjeu incontournable des dérèglements climatiques auxquels il contribue fortement. Parmi les activités les plus polluantes se distinguent les engrais chimiques dont la France est le premier consommateur en Europe.

Problèmes

Une industrie gourmande en énergies fossiles

L’industrie des engrais est intrinsèquement liée à l’industrie des énergies fossiles. En effet, l’agrochimie utilise d’énormes quantités d’hydrogène dans le processus de fabrication des engrais azotés. Aujourd’hui, 95 % de l’hydrogène est encore produit à partir d’énergies fossiles (principalement à partir de gaz mais aussi de charbon). Sur une production annuelle mondiale de 75 millions de tonnes d’hydrogène, près de 45 % est destinée à la production d’ammoniac et d’engrais azotés. Alors qu’il est impératif de mettre fin à l’exploitation des énergies fossiles pour faire face à la crise climatique, l’agrobusiness des engrais continue pourtant de développer des projets industriels reposant sur l’exploitation du gaz. C’est le cas de l’entreprise Yara au Mozambique qui devrait bénéficier d’une partie des réserves de gaz découvertes dans le bassin de Rovuma, au mépris du respect de l’environnement et des populations locales.

Des émissions de protoxyde d'azote - puissant gaz à effet de serre - qui s'accélèrent

Souvent relégués en second plan, les autres principaux gaz à effet de serre que sont le méthane et le protoxyde d’azote ont pourtant un rôle important dans la crise climatique. Le protoxyde d’azote a la particularité de rester très longtemps dans l’atmosphère (environ 120 ans) avec un pouvoir réchauffant 265 fois supérieur au dioxyde de carbone sur une période moyenne de cent ans. Entre 1960 et 2018, les émissions de protoxyde d’azote ont été multipliées par deux tandis que, sur la même période, le recours aux engrais de synthèse a lui été multiplié par neuf. Les émissions de protoxyde d’azote liées à ces engrais se retrouvent principalement au moment de leur fabrication puis de l’épandage par les agricultrices et agriculteurs. En France, 43% des émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture sont des émissions de protoxyde d’azote (ne comprend pas les émissions liées à leur fabrication). La plus grande partie de ces émissions est liée aux engrais de synthèse (aussi appelés engrais minéraux).

La pollution de l’air aux particules fines, enjeu majeur de santé publique

La réaction des particules primaires en suspension dans l’air avec des composés gazeux comme l’ammoniac (présent dans les engrais) entraîne la formation de particules secondaires, plus fines mais surtout plus nocives pour la santé et les milieux naturels. Asthme, maladies respiratoires, allergies, accidents cardiovasculaires mais aussi cancers sont des effets identifiés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). L’agriculture représente 94% des émissions d’ammoniac françaises en 2017. La première source de ces émissions revient aux engrais de synthèse (29%), puis au stockage des déjections bovines et aux bâtiments d’élevage (25%) et enfin aux engrais organiques (21%). Les engrais de synthèse (+8,5 % entre 2005 et 2017) et l’évolution du cheptel bovin sont donc les deux grands leviers agissant sur la pollution causée par l’ammoniac.

Des engrais qui polluent l'eau et favorisent les algues vertes

Le recours croissant aux engrais de synthèse a conduit à un autre problème majeur, dénoncé depuis des dizaines d’années : la dégradation de la qualité de l’eau et la modification de l’équilibre biologique des milieux aquatiques (rivières, lacs, sources mais aussi mers et océans).

L’augmentation de la production agricole du fait des engrais de synthèse s’est accompagnée d’une spécialisation des productions en France : d’un côté les cultures fertilisées aux engrais de synthèse (dont une partie a permis d’approvisionner à bas coût l’élevage industriel pour l’alimentation animale) et de l’autre le développement de l’élevage intensif dont les déjections sont soient stockées, soit transférées sur des cultures. L’excès de fertilisants apportés sur les cultures ne permet pas aux plantes de tout consommer et créée un phénomène de dissolution des nutriments (nitrates) qui sont entraînés dans les eaux (lixiviation). A cela s’ajoute l’ammoniac qui, après s’être volatilisé dans l’air retombe sous forme de dépôt sec ou via les précipitations. Cet excès de nutriments conduit à une prolifération des végétaux comme les algues ou autres plantes aquatiques et appauvrit le milieu en oxygène dont dépend la vie aquatique (eutrophisation). Les nitrates sont aujourd’hui le contaminant le plus répandu au monde dans les aquifères.

Demandes

01

Fixer un objectif de réduction des engrais de synthèse et le traduire par un plafonnement à l'hectare

Il est nécessaire d'assumer politiquement un objectif chiffré de réduction de la consommation des engrais azotés de synthèse, notamment en visant une réduction de 30% entre 2018 et 2030 à l'échelle française, et en l'inscrivant dans la prochaine Stratégie Nationale Bas Carbone. En parallèle, il faut décliner cet objectif sur les exploitations en fixant un plafonnement de l'azote (organique et de synthèse) à l'hectare.

02

Taxer les pollueurs

Les Amis de la Terre demandent une meilleure prise en compte, dans notre fiscalité, des pollutions engendrées par le recours aux engrais chimiques de synthèse : pollution de l’air, pollution de l’eau et contribution considérable aux dérèglements climatiques.

03

Une refonte de la Politique Agricole Commune

Cette refonte doit permettre une réelle transformation de notre système agricole et alimentaire vers une agroécologie paysanne. Nous soutenons des mesures fortes de soutien en faveur du redéploiement des cultures de légumineuses et de la généralisation de l'agriculture biologique pour retrouver un cycle naturel de l’azote.

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