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©Elysée
Agriculture
30 septembre 2020

La Convention citoyenne pour le climat passera-t-elle après les intérêts du business des engrais chimiques?

La Convention citoyenne pour le climat propose dans ses travaux de cibler l’utilisation excessive d’engrais azotés de synthèse. En réponse à cette proposition, le Gouvernement a produit un document affirmant que « les effets de la taxation de l’azote sur la demande d’engrais ne font pas consensus ».

Les engrais : un cocktail nocif pour l’environnement et la santé

Les engrais chimiques se sont répandus un peu partout dans le monde depuis la fin de la Seconde guerre mondiale dans des proportions telles, qu’aujourd’hui la question de leur nocivité ne peut être ignorée 1. L’utilisation massive des solutions azotées fait de l’agriculture industrielle le premier secteur d’émission de protoxyde d’azote, un gaz à effet de serre pas si hilarant que ça puisqu’il est près de 300 fois plus nocif que le CO2 pour notre atmosphère.

A proximité des sites de production d’engrais chimiques et des terres agricoles où on les applique, il arrive régulièrement que des pics de pollution viennent affecter notre respiration ou rendent notre eau impropre à la consommation. On estime que chaque année 48 000 personnes meurent en France de pathologies liées à l’exposition prolongée à la pollution de l’air2.

Taxer pour mieux contrôler

C’est dans ce contexte d’inertie totale des pouvoirs publics, que la Convention citoyenne pour le climat (CCC) a proposé de réguler l’utilisation excessive de ces engrais azotés de synthèse. Pour cela, la CCC a préconisé la création d’une redevance sur l’utilisation de ces engrais qui a pour objectif réduire la dépendance de l’agriculture française aux engrais chimiques.

Une fois les propositions de la Convention citoyenne pour le climat remises à E. Macron, celui-ci s’est engagé à les reprendre “sans-filtre” en juin dernier. Quelques semaines plus tard, retournement de situation. Les ministres annoncent un à un renoncer à telle ou telle mesure. Concernant la redevance sur les engrais,le Gouvernement a tenu à produire un document3 expliquant, entre autre, que la création d’une taxe sur la production d’engrais ne ferait “pas consensus”. Mais pour qui cette mesure ne fait-elle pas consensus?

Le gouvernement refuse le consensus

Les membres de la Convention citoyenne pour le climat ont pourtant voté à  98 %4 pour une taxe sur la production des engrais !

La Direction générale du Trésor public a rendu publique cette recommandation dans un rapport5 de février 2020. Sans parler du Conseil économique social et environnemental qui préconisait déjà en 20136 la mise en place d’une redevance sur l’utilisation des engrais de synthèse. Et que dire de la mission parlementaire en…2003 qui avait également déjà proposé cette taxe sur les engrais. Cerise sur le gâteau : cette mesure fait même consensus au sein de l’OCDE qui a porté une telle préconisation en…1986 !

Qu’attendent E. Macron et J. Castex  pour prendre en compte l’intérêt commun plutôt que ceux de quelques uns ?

Notes
1

Entre 1960 et 2019 la consommation d’engrais de synthèse a augmenté de 800 % au niveau mondial 

IPCC, Climate Change and Land, Summary for Policymakers, august 2019, p.4

3

Convention citoyenne pour le climat, Compte rendu de la réunion de concertation « Agriculture et Alimentation »,19 septembre 2020

5

Ministère de l’économie, des finances et de la relance, Le rôle des instruments économiques dans la lutte contre la pollution de l’air, 13 février 2020

6

Journal de l’environnement, Le Cese préconise une redevance sur les engrais minéraux azotés, 23 avril 2013