Total greenwashing
Climat-ÉnergieMultinationales
5 juin 2025

Greenwashing : Total devant le juge

Aujourd’hui, Total est au tribunal pour pratiques commerciales trompeuses. En effet, malgré les tentatives de la multinationales pour verdir son image, Total continue d’investir massivement dans les énergies fossiles et s’obstine à condamner notre avenir climatique. On vous raconte.

Une audience attendue

En 2022, aux côtés de Greenpeace France et de Notre Affaire à Tous, et avec le soutien de ClientEarth, les Amis de la Terre France avaient assigné Total en justice pour pratiques commerciales trompeuses. L’objectif était clair : mettre un terme à la désinformation environnementale pratiquée par le géant pétro-gazier et contraindre l’entreprise à respecter le droit de la consommation. Trois ans après le lancement de l’action en justice, et après les multiples tentatives de Total pour tuer le procès dans l’œuf, nous retrouvons aujourd’hui l’entreprise au Tribunal judiciaire de Paris. Durant cette audience au fond, Total devra répondre devant le juge de sa stratégie climatique et de ses publicités trompeuses. Il s’agit là d’un procès inédit, qui, s’il donne raison à nos associations et que le greenwashing de Total est reconnu par la justice, pourrait créer un précédent de poids face aux tentatives de dissimulations par les géants du pétrole et du gaz de leur lourde responsabilité dans la crise climatique.

à lire aussi
Pouyanné Greenwashing Total

Pourquoi nous assignons Total en justice pour greenwashing 

Des panneaux solaires à l’odeur de pétrole

Après avoir passé plusieurs décennies à alimenter le climato-scepticisme1, Total a changé sa stratégie, sans pour autant cesser de pratiquer de la désinformation. Désormais, à grands renforts d’une communication bien huilée, l’entreprise prétend être un acteur majeur de la lutte contre le dérèglement climatique. C’est en 2021 que la stratégie marketing agressive de Total a atteint des sommets d’indécence. En actant son changement de nom, de « Total » à « TotalEnergies », l’entreprise a tout tenté pour faire croire qu’elle était désormais une entreprise « multi-énergies », et qu’elle jetait désormais son dévolu sur les énergies renouvelables, dans une soi-disant ambition d’atteindre la neutralité carbone. Prétendant être la major « la plus engagée dans la transition énergétique », Total a fait fleurir les panneaux solaires et éoliennes dans ses publicités. Mais en réalité, le groupe continue de consacrer une majorité écrasante de ses investissements dans les énergies fossiles.

Le pétrole et le gaz, éternels chouchous de Total

À rebours de ses publicités teintées de vert, Total poursuit en réalité son business-as-usual, et mise sur l’expansion des énergies fossiles. Les chiffres sont édifiants : l’exploitation des énergies fossiles représente, encore aujourd’hui, plus de 98% de la production d’énergie globale du groupe et 70% de ses investissements2.

Derrière ces chiffres, se cachent des projets liés à de graves violations des droits humains. En Ouganda et en Tanzanie avec son méga-projet pétrolier EACOP et Tilenga, au Mozambique avec son projet gazier entouré d’une série d’atrocités, mais aussi en Arctique, au Suriname, et partout ailleurs, les activités pétro-gazières de Total ravagent sur leur passage autant les objectifs climatiques au niveau international que le respect des droits humains et de l’environnement sur le terrain.

à lire aussi
Aucune donnée d’image

Mozambique LNG : Total visée par une information judiciaire pour homicide involontaire

Par ailleurs, pour sa soi-disant transition énergétique, Total parie sur le développement massif du gaz, en tentant de le maquiller en prétendue « énergie verte » et « énergie de transition ». En réalité, le gaz n’est rien d’autre qu’une énergie fossile, au même titre que le charbon et le pétrole, et est donc extrêmement nocif pour le climat3 . En choisissant de multiplier les projets gaziers, Total fait donc le choix de condamner, sans scrupules, l’objectif climatique de l’Accord de Paris au mépris du consensus scientifique – maintes fois rappelé par les expert·es du GIEC – contre le développement de tout nouveau projet d’énergie fossile. Total s’entête à privilégier ses profits alors même que l’année dernière a été marquée par le triste record du premier dépassement du seuil de 1,5 °C de réchauffement4 .

De même, Total vante le rôle des agrocarburants dans la transition énergétique. Pourtant, les agrocarburants peuvent entraîner de la déforestation et émettre davantage de gaz à effet de serre que les carburants fossiles, en fonction du mode de production de la biomasse utilisée5.

Le droit de la consommation bafoué

Total, en faisant fi des impacts réels de ses activités et en se faisant passer à tort pour un acteur de la transition, trompe les consommateur·ices. Or, le droit de la consommation exige des entreprises qu’elles pratiquent une communication honnête, sincère et vérifiable.

Marcellin Jehl

Nous demandons au juge de protéger les citoyen·nes de la désinformation environnementale et climatique pratiquée par Total. Cette décision de justice pourrait créer un précédent fort pour protéger les consommateurs en luttant contre le greenwashing de l’industrie des énergies fossiles.

Marcellin Jehl
Chargé de contentieux et plaidoyer aux Amis de la Terre France

Le jugement sera rendu le 23 octobre.

Notes
2

Analyse de Greenpeace France suite à la présentation des résultats annuels de TotalEnergies en février 2024.

3

Le gaz fossile est composé de méthane (CH4), un gaz à effet de serre 84 fois plus puissant que le CO2 sur 20 ans. Or, ce méthane fuit tout au long de la chaîne d’approvisionnement du gaz.