Faucheurs-Dijon
Groupe localLes Amis de la Terre Côte d'Or21 janvier 2023

Les Faucheurs.euses Volontaires d’OGM face à KWS

Récit d’un procès, du 15 avril 2017 au 14 décembre 2022.

Les faits :
Le 15 avril 2017, plus de 100 faucheuses et faucheurs volontaires d’OGM (FV) venus de la France entière détruisent une bonne partie de la plate-forme d’essais de colza mise en place par la firme semencière KWS à Villy-le Moutier (Côte-d’Or). Comme seul 6 d’entre eux sont devant les tribunaux, 32 autres FV ayant participé à l’action se sont portés « Comparant Volontaires ». C’est-à-dire qu’ils demandent à être jugés solidairement au même titre que les 6 Côte-d’Oriens désignés par la juge d’instruction.

Pourquoi juger seulement 6 Faucheurs volontaires :
Quand les auteurs d’un forfait sont appréhendés, ils doivent tous être jugés, surtout s’ils reconnaissent les faits du délit. Seulement, la justice n’est pas riche. La juge d’instruction chargée de l’affaire avait d’autres affaires « plus importantes à traiter ». Par simplification, elle n’a auditionné que les 6 FV du département. Mais, c’est au Procureur de prendre la décision de ne juger que 6 FV sur une liste de 98 FV qui ont revendiqué l’acte de fauchage de la parcelles OGM (liste remise aux autorités et au juge d’instruction). Le plaignant KWS a obtenu pour 2022 plus de 5 millions de subventions « recherche » mais le tribunal ne peut pas se permettre de juger tout le monde, faute de moyens humains…

Pourquoi cette action ?
Les Faucheuses et Faucheurs agissent par leurs actions de terrain comme par des démarches juridiques collectives, pour lutter contre l’opacité de leurs recherches et demandent une vraie transparence sur les techniques d’obtention végétales et le respect des règles s’appliquant à tous les OGM : évaluation, demande d’autorisation, traçabilité, étiquetage…
Chacun a le droit de savoir :
• Les paysans ce qu’ils sèment dans leurs champs,
• Les consommateurs ce qu’ils ont dans leur assiette et au niveau environnementale,
L’entreprise KWS est une entreprise de semences internationales qui sévit sur tous les continents.
KWS comme les autres semenciers, refusent de déclarer les techniques utilisées pour obtenir telle ou telle variété, et donc cachent aux paysans la vraie nature des semences mises sur le marché.

Le déroulement du procès :
Les six prévenus ont chacun répondu qu’ils ne connaissaient pas personnellement l’agriculteur. En contrepartie, on ne leur a pas demandé s’ils connaissaient KWS. La partie civile a répété sans cesse qu’elle s’appelle « KWS France ». Précision importante puisque cette filiale de KWS a juré devant la cour qu’ils ne faisaient pas d’OGM et qu’ils n’en ont jamais fait. A la question posée s’il considère que la mutagenèse produit des OGM, il n’y a pas eu de réponse franche. La Cour de Justice de l’Union Européenne a confirmé, par son décret de juillet 2018 que les variétés issues de toutes nouvelles technologie (New Breeding Technologie) doivent être contrôlé, évalué, autorisé, étiqueté … comme tout OGM. Pour autant, le semencier KWS a déposé une quinzaine de variétés « Clearfield » considérées par la directive comme OGM. Pour eux, il n’y avait aucune variété OGM dans cet essai. Mais alors, quelles variétés étaient testées ? Nous n’aurons aucune réponse de leurs part. En revanche, nous savons qu’au moins une, voir plusieurs variétés clearfield ont été testées en France sous la marque KWS et la marque Momont. Pas sur leurs parcelles d’essais ? Et les essais Momont ? D’après eux, seule une partie négligeable était à Momont ! Sur les pièces de leur défense, nous en avons répertoriées un tiers !
Nous, en tant que Faucheurs Volontaires, nous avons répondu honnêtement de notre combat et des multiples raisons de notre présence sur cette destruction. En face, nous avons une opacité complète sur leurs recherches, les variétés développées et une série de mensonges comme seule défense.

Quid des VrTH ?
Afin d’obtenir de nouvelles variétés cultivées, KWS, comme la plupart des firmes semencières, utilisent entre autres, diverses technologies OGM :
– transgénèse, pour des semences commercialisées en dehors de l’Union Européenne (exemple betterave transgénique tolérante au glyphosate)
– mutagénèse sur culture de cellules isolées in vitro, notamment pour obtenir des variétés rendues tolérantes à un herbicide (VrTH), par exemple variétés KWS ou Momont de colza sous licence « Clearfield » de BASF,
– nouvelles techniques OGM avec des outils comme Crispr/Cas9 ou autres.

Notons que 96% des plantes OGM, quelle que soit la technologie d’obtention utilisée, sont des plantes résistantes aux pesticides que l’on épand dans les champs en grande quantité. Parmi elles, les Variétés rendues Tolérantes aux Herbicides (VrTH) comme le colza Clearfield qui a été rendu tolérant à l’imazamox.
Non seulement ces plantes sont des OGM mais en plus elles sont associées à des herbicides qui polluent les eaux, l’air et les sols. Comme tous les pesticides, ils altèrent la santé de tout le monde vivant et sont responsables de la perte de très nombreuses espèces sur Terre notamment des pollinisateurs ainsi qu’une chute de biodiversité.
C’est aussi une impasse agronomique, car en effet, l’imazamox fait partie d’une famille d’herbicides reconnue pour développer des phénomènes de résistance chez les plantes adventices. A moyen terme, l’efficacité diminue, et il faut recourir à des produits encore plus polluants et toxiques.
L’imazamox est classé comme très polluant pour la faune aquatique, et des analyses montrent qu’on peut le retrouver dans l’eau du robinet. Contrairement à ce que prétendent ses promoteurs, l’imazamox ne permet pas de diminuer la fréquence des traitements. Un rapport de l’ANSES de septembre 2022 montre même qu’elle augmente.

Résistance citoyenne et contexte réglementaire actuel
Suite à de nombreuses actions et mobilisations de la société civile, un collectif d’associations syndicales, paysannes et environnementales opposé aux OGM ont porté un recours devant le Conseil d’État pour demander un moratoire sur les VrTH obtenus par mutagénèse in vitro et l’application de la réglementation européenne.
Consultée, la Cour de Justice de l’Union Européenne confirme par son arrêt du 25 juillet 2018 que les variétés issues de mutagénèse – sauf si elles ont été obtenues avec des techniques anciennes et que leur sécurité est avérée depuis longtemps, ce qui n’est pas le cas des colzas Clearfield VrTH – sont bien des OGM qui doivent être réglementés comme tels.
Le Conseil d’État, la plus haute juridiction nationale, par l’arrêt du 7 février 2020 enjoint le gouvernement à la mise en application des règles s’imposant aux OGM.
Et aujourd’hui, rien n’est encore fait. Le gouvernement est hors-la-loi.

Sous la pression des firmes et des lobbies de la filière, le gouvernement tergiverse, recule, demande des études… Il poursuit un seul objectif : pousser à la modification de la loi sur les OGM et refuse d’appliquer la directive européenne 2001-18.
Firmes agrochimiques et lobbies veulent faire déréglementer les VrTH issues de mutagénèse appliquées in vitro sur cellules isolées et dans la foulée une grande partie des plantes obtenues par des nouvelles technologies OGM.
Multinationales et laboratoires manipulateurs de la semence, dont KWS, sont prêts ! Arguant protéger l’innovation, ils n’ont pas attendu pour asséner leurs nouvelles fausses promesses à la planète entière :
L’éradication de la faim et la lutte contre le réchauffement climatique grâce à des variétés tolérantes à la sécheresse.
L’État, hors-la-loi, protège les intérêts privés des actionnaires des multinationales au détriment de l’intérêt public et du bien commun : la nature et le travail des paysans.

Contre la privatisation du bien commun et la spoliation des paysans et les limites portées à la recherche
Les variétés OGM sont soumises à des brevets sur des caractéristiques ou des techniques. En cas de contamination des parcelles voisines par ces variétés brevetées, le propriétaire du brevet devient titulaire d’un droit à perception de royalties sur les cultures ainsi polluées ! Les paysans sont spoliés.
Au niveau de la recherche, une utilisation libre de certains matériaux génétiques n’est plus possible, si ceux-ci sont protégés par un brevet ! A moins d’une autorisation de l’entreprise détentrice du brevet, avec ou sans paiement de redevance, au choix de celle-ci. Ces brevets, donnant un droit intellectuel, limitent la recherche.

Pour la préservation du vivant et de la biodiversité
L’impact de l’agro-industrie et de la mise en culture de semences de variétés OGM et mutées doit s’apprécier dans le contexte global d’effondrement du vivant aussi qualifié par les scientifiques de sixième extinction.

Lanceurs d’alerte, les Faucheuses et Faucheurs Volontaires sont toujours là et restent déterminés Pour faire valoir ses droits, que reste-t-il au peuple à part la désobéissance civile ?

Les Faucheuses et Faucheurs Volontaires d’OGM