Site gazier au Mozambique : l’ONU appelée à enquêter sur les allégations de graves violations des droits humains commises par les forces de sécurité
Les chefs locaux et les ONG mozambicaines et internationales avertissent que les enquêtes menées actuellement manquent d'indépendance et ne garantissent pas la justice et la protection des victimes. Dans une lettre rendue publique, ils demandent une enquête sous l’égide du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme.
Les chefs locaux – autorités traditionnelles – de Palma, dans le nord du Mozambique, et de 15 villages environnants, soutenus par 66 organisations de défense des droits humains et de l’environnement, ont officiellement demandé dans une lettre au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) l’ouverture d’une enquête indépendante sur les graves violations des droits humains qui auraient été commises en 2021 par les forces de sécurité mozambicaines, notamment par les membres de la Joint Task Force chargée de protéger le projet Mozambique LNG de TotalEnergies, dans la province de Cabo Delgado.
« Nous considérons qu’aucune des initiatives en cours n’est adéquate et suffisante pour garantir une enquête totalement indépendante et transparente. Nous croyons fermement qu’une enquête menée par le HCDH est nécessaire pour garantir un processus équitable, impartial, sûr et centré sur les victimes« , déclarent-ils dans cette lettre, ajoutant que « contrairement aux autres initiatives, les victimes et les communautés affectées font confiance à une telle enquête pour leur rendre justice et faire en sorte que les responsables répondent de leurs actes ».
Fin septembre 2024, un article publié par le média Politico a révélé des allégations selon lesquelles, entre juillet et septembre 2021, des forces de sécurité mozambicaines auraient accusé un grand groupe de villageois d’être liés à l’insurrection. Selon cet article, ces forces de sécurité auraient séparé les hommes des femmes et des enfants. Elles auraient détenu 180 à 250 hommes dans des conteneurs d’expédition près de l’entrée du site de Mozambique LNG de TotalEnergies, où ils auraient été traités de manière inhumaine, torturés, et auraient disparu ou auraient été tués. Seules 26 personnes auraient survécu. Les femmes auraient été humiliées, agressées sexuellement et violées avant d’être relâchées. Ces allégations ont depuis été corroborées par SourceMaterial et Le Monde.
Malgré les enquêtes annoncées par divers acteurs – la Commission nationale des droits de l’homme du Mozambique, le procureur général du Mozambique, ainsi que des financiers du projet gazier tels que l’agence britannique de crédit à l’exportation et le gouvernement néerlandais –, les signataires soulignent que le Mozambique a un bilan médiocre en matière de responsabilité et de justice concernant de précédentes violations des droits humains impliquant les forces de sécurité étatiques durant des conflits armés.
Les signataires soulignent en outre qu’« il existe une crainte réelle et légitime de représailles parmi les victimes, les proches et les communautés affectées, s’ils devaient contribuer à une enquête en laquelle ils n’ont pas confiance ».
La lettre ajoute : « Compte tenu des problèmes de sécurité et des intérêts financiers et politiques en jeu, nous vous demandons instamment de fournir l’appui du HCDH pour mettre en place une enquête internationale totalement extérieure aux autorités mozambicaines ».
Alors que TotalEnergies a récemment annoncé le redémarrage du projet Mozambique LNG cet été, et que ses financeurs publics et privés sont invités à prendre une décision à propos du renouvellement de leur soutien au projet, il est crucial qu’une enquête internationale indépendante et digne de confiance soit menée au préalable.
Les organisations demandent que l’enquête du HCDH :
- Établisse les faits, les circonstances et les causes profondes des allégations de violations des droits humains et/ou des crimes.
- Adopte une approche sensible au genre et centrée sur les victimes, en garantissant la confidentialité et la protection.
- Recueille et préserve les preuves en vue d’éventuelles poursuites judiciaires.
- Identifie les rôles et les responsabilités des forces de sécurité mozambicaines et autres, ainsi que de TotalEnergies et de son projet Mozambique LNG.
- Formule des recommandations en vue de s’attaquer aux causes profondes des violations des droits humains et de rendre justice aux victimes.
TotalEnergies affirme que Mozambique LNG n’a trouvé aucune information ni preuve confirmant les allégations d’abus graves et de torture.
Les signataires demandent instamment au HCDH d’agir de toute urgence et sollicitent une réunion avec la Haut-Commissaire afin de discuter plus en détail de cette demande.
Notes
Amnesty International a recensé plusieurs cas de violations graves des droits humains et d’abus commis par des acteurs étatiques et non étatiques, pour lesquels le gouvernement mozambicain a manqué à son obligation de mener des enquêtes approfondies, rapides, impartiales et efficaces et de traduire en justice les auteurs présumés de ces actes.
Human Rights Watch a présenté une communication lors de l’Examen périodique universel du Mozambique par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, sur les problèmes liés à l’impunité pour les violations et abus des droits humains récents et passés commis par les forces de sécurité de l’État mozambicain durant des conflits armés.
Contact presse
Lorette Philippot, responsable de campagne aux Amis de la Terre France : 06 40 18 82 84 ; lorette.philippot@amisdelaterre.org