Mozambique LNG : les banques françaises se divisent sur le soutien à la suite du projet
Société Générale et Crédit Agricole pourraient accorder des financements à la construction des méthaniers nécessaires au développement du projet gazier Mozambique LNG de TotalEnergies, malgré les multiples enquêtes sur les allégations de graves violations des droits humains commises par les forces de sécurité sur place.
Alors que BNP Paribas et Crédit Mutuel ont indiqué qu’elles ne financeraient pas ces bateaux qui transporteront le gaz naturel liquéfié du projet, les deux autres banques, déjà soutiens financiers de Mozambique LNG, ont refusé de prendre un tel engagement. Ce refus de prendre position constitue un soutien implicite au projet Mozambique LNG, dont la relance est dite imminente mais qui pourrait être mise en péril par un retrait des banques privées.
Interrogées par les ONG Reclaim Finance, les Amis de la Terre France et Solutions for Our Climate (SFOC), BNP Paribas et Crédit Mutuel s’engagent à ne pas financer les futurs méthaniers liés au projet – des navires qui serviront à transporter et exporter le gaz naturel liquéfié de Mozambique LNG de TotalEnergies, contribuant ainsi à son bon fonctionnement et succès.
Une position qui tranche avec celle de Société Générale et Crédit Agricole, déjà financeurs du projet en 2020 1. Alors qu’aucun contrat n’est signé pour le financement des méthaniers, elles refusent aujourd’hui de prendre position et se contentent de rappeler leurs politiques actuelles sur le secteur pétrolier et gazier qui autorisent le financement de tels bateaux 2.
Lucie Pinson, directrice de l’ONG Reclaim Finance : “Crédit Agricole et Société Générale ont encore la possibilité de se désengager du projet de TotalEnergies. Mais plus elles refusent de suivre la décision de BNP Paribas et du Crédit Mutuel, plus elles donnent à penser qu’elles sont prêtes à tout pour mener à bien Mozambique LNG — quel qu’en soit le coût pour les populations locales et pour le climat. Leur refus de se positionner sur le financement de méthaniers, alors qu’aucun contrat n’a encore été signé, est aussi irresponsable que leur silence face aux graves violations des droits humains est assourdissant 3.”
“TotalEnergies n’a cessé de se montrer indigne de confiance et même infréquentable au Mozambique. L’entreprise est déjà visée par une information judiciaire pour homicide involontaire 4. Sa responsabilité est questionnée face aux allégations de crimes perpétrés par les soldats qu’elle soutenait.
Et alors que des enquêtes accablantes sont publiées, Patrick Pouyanné persiste et signe, qualifiant ces allégations de ‘fausses’ 5 avant même qu’une enquête indépendante ait pu rendre ses conclusions 6. Société Générale et Crédit Agricole doivent bel et bien prendre de nouvelles décisions aujourd’hui, et doivent le faire à l’aune des événements terribles qui ont eu lieu depuis cinq ans, et de leurs trop nombreuses victimes”.
Le projet est suspendu depuis avril 2021 pour “force majeure”, après une attaque meurtrière visant la ville voisine du site gazier. TotalEnergies a récemment annoncé son intention de redémarrer le projet de manière imminente, après l’approbation récente de l’administration Trump d’un prêt de $4,7 milliards au projet de l’agence américaine de crédit à l’exportation (US EXIM) 7. Face à cette perspective, les financeurs publics et privés, dont Société Générale et Crédit Agricole, sont invités à décider du renouvellement ou non de leur soutien au projet.
Reclaim Finance et les Amis de la Terre France appellent Société Générale et Crédit Agricole à prendre en compte les risques sévères du projet Mozambique LNG pour les droits humains et le climat, à mettre fin à leur soutien au projet et à refuser tout soutien à une activité associée au développement du projet, à commencer par celui aux méthaniers.
Société Générale exclut les services financiers pour des infrastructures associées à de nouveaux champs pétroliers et gaziers seulement si ces nouveaux projets d’extraction ont été financés après 2021, ce qui n’est pas le cas pour Mozambique LNG.
Les deux banques justifiaient jusqu’à présent le maintien de leur soutien à Mozambique LNG par le contrat signé il y a des années. Depuis, les banques ont adopté des politiques sectorielles indiquant qu’elles ne pourraient plus financer de tels projets, mais leurs politiques ne couvrent pas les méthaniers. L’absence de contrat signé pour ces bateaux suffirait à justifier leur refus de les soutenir. A noter que Société Générale mentionne également sa règle de conduite qui consiste à ne pas communiquer sur des projets ou entreprises particuliers, une règle qui dans la pratique souffre pourtant de nombreux contre-exemples.
Voir : Alex Perry, Politico, ‘‘Tous doivent être décapités’’ : Révélations sur les atrocités commises dans le bastion africain de TotalEnergies, septembre 2024. Le Monde, “TotalEnergies savait que des exactions étaient commises sur son site gazier au Mozambique,” novembre 2024. SourceMaterials, Don’t look back or we’ll shoot, novembre 2024. Le Monde, Comment des soldats payés par TotalEnergies ont séquestré des civils au Mozambique, janvier 2025.
Les Amis de la Terre France, Mozambique LNG : Total visée par une information judiciaire pour homicide involontaire, mars 2025
Réponse de Patrick Pouyanné lors de la Commission d’enquête parlementaire sur les freins à la réindustrialisation de la France en juin 2025, à 1:17:45. https://www.youtube.com/watch?v=tU5z9Rxq2Xw
Les chefs locaux – autorités traditionnelles – de Palma, dans le nord du Mozambique, et de 15 villages environnants, soutenus par 66 organisations de défense des droits humains et de l’environnement, ont officiellement demandé dans une lettre au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) l’ouverture d’une enquête indépendante sur les graves violations des droits humains qui auraient été commises en 2021 par les forces de sécurité mozambicaines, notamment par les membres de la Joint Task Force chargée de protéger le projet Mozambique LNG de TotalEnergies, dans la province de Cabo Delgado.
Cette approbation a été jugée illégale par les Amis de la Terre Etats-Unis et Mozambique, qui ont décidé de poursuivre la banque devant la justice américaine. Voir : https://foe.org/news/foe-members-sue-exim/