Climat-ÉnergieFinance
Communiqué de presse24 mars 2021

Rapport : les banques françaises, plus grands financeurs européens des énergies fossiles en 2020

Un nouveau rapport international révèle que les banques françaises ont financé les énergies fossiles pour $295 milliards depuis la COP21. La place financière de Paris devient ainsi en 2020 le premier banquier européen de cette industrie désastreuse pour le climat.

Le rapport annuel Banking on Climate Chaos 1, publié aujourd’hui par six ONG internationales dont Reclaim Finance et le Rainforest Action Network, et soutenu par des dizaines autres dont les Amis de la Terre France, révèle que les banques françaises ont financé les énergies fossiles pour $295 milliards depuis l’adoption de l’Accord de Paris. En 2020, elles ont même dépassé leurs voisines britanniques, démontrant un écart croissant entre les promesses de finance verte de la Place de Paris et ses pratiques réelles sur le climat. Reclaim Finance et les Amis de la Terre France appellent à un sursaut à quelques mois de la COP26 à Glasgow. 

Au total, les 60 plus grandes banques du monde 2 ont accordé $3 800 milliards aux entreprises actives dans les secteurs du pétrole, du gaz et du charbon depuis l’Accord de Paris, en pleine contradiction avec les exigences de l’Accord de Paris.

Alors que la récession suscitée par la pandémie a entrainé une baisse de près de 9% des financements aux énergies fossiles au niveau international, les banques françaises ont augmenté leurs financements en moyenne de 19% par an entre 2016 et 2020.

Avec $41 milliards de financements aux énergies fossiles en 2020, BNP Paribas est la banque à avoir augmenté le plus ses soutiens entre 2019 et 2020 au niveau international. Malgré ses politiques sectorielles plus ambitieuses que ses pairs, BNP Paribas est en 2020 le plus grand financeur européen et 4ème mondial de l’industrie des énergies fossiles.

Jour de honte pour la finance française, soi-disant en pointe sur le climat. Loin d’une action cohérente en faveur de la transition, les grandes banques françaises ont chaque année augmenté leurs soutiens à l’industrie fossile depuis la COP21.

Lucie Pinson
Directrice de Reclaim Finance

Lucie Pinson, fondatrice et directrice de Reclaim Finance, commente : « Au bal des hypocrites, BNP Paribas est roi. Pendant qu’elle se joignait aux appels publics en faveur d’une relance verte suite à l’éclatement de la crise de la covid-19, BNP Paribas signait aussi, loin des projecteurs, des chèques de plusieurs milliards de dollars sans condition aux supermajors pétrolières et gazières. Il est urgent d’appliquer au pétrole et au gaz la méthode déjà suivie par les banques françaises sur le charbon, à savoir une « tolérance zéro » à l’égard des entreprises qui piétinent les objectifs de l’Accord de Paris en développant des projets incompatibles avec le budget carbone restant ».

Paris : capitale de l’hypocrisie climatique

Les banques états-uniennes JPMorgan Chase, Citi, Wells Fargo, et Bank of America restent les plus grands financeurs des énergies fossiles entre 2016 et 2020. Mais la France atteint la 4ème place du classement en 2020, avec des financements de ses grandes banques qui ont presque doublé entre 2016 et 2020 – passant de $45 milliards à $86 milliards. Cela suffit à faire passer les 3 plus grosses banques françaises du top 30 au top 15 (Crédit Agricole 13, Société Générale 14, BNP Paribas 4) des plus gros financeurs aux énergies fossiles.

Alors que le rapport dévoile une baisse mondiale dans le financement du charbon, les banques françaises ont augmenté leurs financements aux pétrole et gaz les plus risqués, y compris ceux dits ‘non-conventionnels’ comme les gaz et pétrole de schiste. Cela donne un aperçu inquiétant du chemin qu’il reste à parcourir répondre à l’appel lancé par Bruno Le Maire fin 2020 à ce que tous les acteurs financiers de la Place de Paris se dotent d’une stratégie de sortie des pétrole et gaz non-conventionnels.

Paris s’affiche en capitale de la finance verte, mais elle est en vérité la capitale de l’hypocrisie climatique. Bruno Le Maire martèle que « la finance sera verte ou ne sera pas ». La réalité est que l’ambition climatique des banques est aussi nulle que celle du gouvernement. Il est temps que la France cesse de donner des leçons à ses voisins et mette ses propres banques au pas du climat.

Lorette Philippot
Chargée de campagne finance privée aux Amis de la Terre France

Les majors pétrolières dans l’angle mort des banques françaises

Les entreprises à l’avant-garde de l’expansion des énergies fossiles ne font pas exception à la tendance générale et ont bénéficié en 2020 plus de trois fois plus de financements qu’en 2016 de la part des banques françaises. Cette hausse est le résultat de plusieurs prêts aux majors pétrolières et gazières comme BP, Total, Shell mais aussi Exxon. Très diversifiées, ces entreprises passent à la trappe des politiques adoptées par les acteurs financiers, que ce soit sur l’Arctique, les sables bitumineux ou sur les gaz et pétrole de schiste.

C’est particulièrement flagrant dans le cas de BNP Paribas qui est la banque à avoir le plus augmenté ses financements aux pétrole et gaz de schiste entre 2019 et 2020 malgré l’adoption en 2017 d’une politique bien supérieure à celle de ses pairs. BP et Chevron ont reçu de la première banque de France $13 milliards de soutiens en 2020 bien qu’ils fassent partie des plus gros acteurs du secteur.

BNP Paribas n’est pas la seule banque dans ce cas, puisque Crédit Agricole a accordé aussi $3,7 milliards à Total et Société générale $1,9 milliards à Exxon en 2020 3.

Aussi évident que le nez au milieu de la figure, les banques françaises font tout pour ne pas à avoir à exclure les majors pétrolières et gazières de leurs soutiens. Leurs engagements climat ne vaudront pourtant rien si elles continuent d’ignorer ces poids lourds des énergies fossiles.

Yann Louvel
Analyste à Reclaim Finance

Yann Louvel, analyste politique à Reclaim Finance conclut : « BNP Paribas, Natixis, Crédit Agricole et Société Générale doivent joindre le geste à la parole en conditionnant leurs soutiens à un arrêt de l’expansion du pétrole et du gaz et en votant contre les stratégies climat soumises au vote des actionnaires par les directions de Total et Shell. »

Contacts presse

Les Amis de la Terre France :

Lorette Philippot, chargée de campagne finance privée, lorette.philippot@amisdelaterre.org, +33 (0)6 40 18 82 84

Reclaim Finance :

Lucie Pinson, fondatrice et directrice, lucie@reclaimfinance.org, +33 (0)6 79 54 37 15
Angus Satow, chargé de relations médias, angus@reclaimfinance.org, +447847754046

Notes
1

Le rapport complet est téléchargeable ici, avec toutes les données. Plus de détails par banque, secteur et pays sont disponibles sur demande.

Note méthodologique : ce rapport agrège les prêts et les émissions d’actions et d’obligations d’après la méthodologie des League Tables de Bloomberg (qui divise le montant de chaque transaction entre les banques qui mènent une transaction) aux entreprises qui ont une activité dans les énergies fossiles d’après Bloomberg Finance L.P. et la Global Coal Exit List. Le montant attribué à une banque pour chaque transaction est proportionné à la part d »activité de chaque prêteur ou émetteur dans les énergies fossiles. Certaines informations du rapport sont partagées avec les banques à l’avance, et elles ont la possibilité de commenter les évaluations sur leurs financements et politiques. Vous trouverez plus d’informations sur la méthodologie sur cette page.

2

Le nombre de banques analysées globalement passe de 35 à 60.

3

Natixis et Société Générale se sont engagées lors de leur dernière Assemblée Générale au printemps dernier à publier une mise à jour de leur politique sur le pétrole et le gaz, ce qui n’a toujours pas été fait à ce jour.