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Climat-ÉnergieMultinationales
Communiqué de presse3 septembre 2025

Total Ouganda : des témoignages édifiants des travailleurs du secteur pétrolier

Accidents du travail, licenciements abusifs, discriminations, violences de genre... la dure réalité des travailleurs et travailleuses du secteur pétrolier en Ouganda est très éloignée des belles promesses faites par Total et le gouvernement ougandais. Les témoignages sont édifiants.

L’association AFIEGO, soutenue par les Amis de la Terre France, publie les témoignages inédits de personnes ayant travaillé pour des sous-traitants de Total principalement, dans le cadre de son projet pétrolier Tilenga.

Publication
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Témoignages

Dos brisés et autres histoires – Récits de travailleur·euses du secteur pétrolier victimes de pratiques abusives en Ouganda

Alors que nombre de rapports et reportages alertent depuis plusieurs années sur les violations des droits des communautés et les impacts environnementaux causés par les projets Tilenga et EACOP en Ouganda, la situation des travailleurs et travailleuses du secteur n’a fait l’objet que de très peu ou pas d’attention, malgré de nombreux accidents y compris mortels 1.

L’emploi a d’ailleurs toujours été un argument mis en avant par Total pour défendre ses projets face aux multiples critiques, en utilisant des chiffres trompeurs sur le nombre d’emplois qui seraient créés 2.

Face à ces belles promesses, travailler dans le secteur pétrolier est devenu un vrai rêve pour beaucoup d’Ougandais, qui espèrent pouvoir ainsi sortir de la pauvreté et garantir de meilleures conditions de vie à leurs familles. Les témoignages collectés par AFIEGO en 2025 donnent l’envers du décor, montrant comment le rêve a rapidement viré au cauchemar pour de nombreux travailleurs.

Ainsi, Rogers Byaruhanga, qui travaillait pour un sous-traitant de Total, a eu le dos brisé suite à un accident sur le chantier du projet d’extraction pétrolière Tilenga. Suite à cela, non seulement il a perdu son travail, mais il a rapidement été abandonné sans aucune aide financière malgré de graves séquelles physiques. Un an et demi après l’accident, il témoigne :

« Je n’ai pas reçu les soins médicaux adéquats. Aujourd’hui encore, je marche avec des béquilles, et la douleur persiste. Ma famille a dû engager des dépenses considérables pour me soigner ».

Rogers Byaruhanga

Il parle également de conditions de travail difficiles et de mauvais traitements avant son accident. Il demande à être indemnisé pour cet accident du travail et pour les frais médicaux engendrés.

Olive Nyakato, qui travaillait comme plombière pour un autre prestataire du projet Tilenga, relate les difficultés d’être une femme dans un environnement de travail dominé par les hommes. Elle dénonce des faits de harcèlement sexuel, des discriminations et avoir été licenciée trois mois avant la fin de son contrat, sans explication.

Après avoir été tiré au sort dans sa communauté pour travailler pour l’entreprise de gestion des déchets pétroliers prestataire de Total, Moses Kiiza* (le nom a été modifié) raconte comment les odeurs étaient insupportables, elles lui « coupaient l’appétit » et le « rendaient fragiles ». Ses symptômes évoquent une exposition dangereuse à des déchets toxiques et à des produits chimiques sans protection adaptée : « Mon travail consistait à éliminer les déchets pétroliers. Ces déchets étaient de couleur verte et se présentaient sous forme liquide. Ils avaient une odeur très forte. Très forte, vraiment. Les déchets étaient transportés sur site par camion. Notre tâche consistait à ouvrir le camion et à les verser dans un trou creusé dans le sol. Nous ajoutions ensuite des produits chimiques ».

D’autres témoignages font état de licenciements abusifs, de nombreuses discriminations, de salaires insuffisants et de conditions de travail très difficiles sans repos suffisants. Ces violations du droit du travail à répétition dans les projets pétroliers Tilenga et Kingfisher ont également été documentées par la FIDH et ses partenaires 3.

Juliette Renaud

« Il est inacceptable que le droit du travail soit systématiquement bafoué par les sous-traitants et que les travailleurs des projets pétroliers souffrent ainsi et soient exposés à tous ces dangers. Total ne fait rien car elle profite de ce système à bas coût. »

Juliette Renaud
coordinatrice des Amis de la Terre France

Elle poursuit : « Comme dans les autres pays où la multinationale opère, les belles promesses d’emploi qu’elle fait miroiter ne sont que des mensonges pour faire accepter ses projets. Il est indispensable que ces violations cessent et que, tout comme les communautés affectées, ces travailleurs et travailleuses obtiennent justice et réparation ».

Diana Nabiruma

« Total et ses partenaires du projet pétrolier Tilenga se vantent souvent du nombre d’Ougandais, y compris des membres des communautés affectées, qu’ils emploient. Ils brandissent ces chiffres devant les investisseurs et le grand public afin d’accroître l’acceptabilité sociale du catastrophique projet pétrolier Tilenga.  »

Diana Nabiruma
représentante de l’association AFIEGO

Elle ajoute : « À l’insu de beaucoup, les travailleurs sont instrumentalisés pour susciter du soutien au projet alors qu’ils subissent des violations que personne ne devrait endurer. Nous espérons que ces travailleurs obtiendront justice, et que par ailleurs soit favorisée la création d’emplois verts décents pour tous ».

Le rapport d’AFIEGO compilant les témoignages est disponible ici en version française et là en version anglaise.

Notes
1

En février 2025, un ouvrier est mort après qu’une structure en acier est tombée sur lui sur le chantier de l’usine de traitement du pétrole de Tilenga (source). En juin 2024, un travailleur d’un autre sous-traitant est mort après avoir été renversé par une niveleuse dans la zone du projet Tilenga (source). En octobre 2023, un accident mortel a également eu lieu sur le projet Kingfisher, opéré par la multinationale chinoise CNOOC mais dont Total est actionnaire majoritaire (source).

2

Total a largement communiqué sur la création de 80 000 emplois dans le cadre des projets Tilenga et EACOP, alors que selon les propres calculs de l’entreprise, il n’y aurait que 900 emplois directs et 2400 indirects une fois la phase de construction passée.