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Climat-Énergie
6 novembre 2025

La France dans le gaz

Aujourd’hui, en créant la plateforme « Sortons du gaz », les Amis de la Terre lancent aux communes un appel à ne pas tomber dans le piège de cette fausse promesse et à prendre le virage de la transition, à l’horizon des prochaines élections municipales de mars 2026.

Gaz « naturel » : le grand enfumage

Toujours présenté comme une énergie prétendument « de transition », le gaz naturel recouvre en réalité de multiples dangers, sur tous les plans (économique, climatique, sanitaire…).

D’un point de vue sanitaire, le gaz, et plus précisément le dioxyde d’azote émis par les cuisinières à gaz, est responsable de nombreux problèmes d’asthme, notamment chez les enfants. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2023, 150 000 enfants en France souffraient de problèmes d’asthme en raison de leur exposition au dioxyde d’azote liée à l’utilisation d’une cuisinière à gaz dans le foyer1. Cet enjeu de santé publique est peu connu, pourtant, il s’agit d’un impact similaire à celui du tabagisme passif !

Par ailleurs, le gaz est une énergie chère, et surtout, son prix est extrêmement instable2. En effet, le gaz consommé en France étant presque exclusivement importé, l’approvisionnement de la France en gaz est très sensible aux évènements géopolitiques mondiaux et à la situation des pays depuis lesquels nous importons du gaz – la guerre en Ukraine en est le terrible exemple de ces dernières années. Cette grande vulnérabilité nous place non seulement dans une situation économique incertaine, mais elle constitue également un frein majeur à la souveraineté énergétique de la France, à l’heure où la nécessité d’une plus grande résilience ne fait pourtant plus débat.

Enfin, nous le rappelons depuis des années, et nous ne cesserons de le rappeler : tout autant que le charbon et le pétrole, le gaz est une énergie fossile et participe donc activement à l’aggravation et l’accélération des dérèglements climatiques. Alors que la confusion créée par l’utilisation parallèle des termes « gaz naturel », « biogaz » ou encore « gaz vert » ne cesse de manipuler l’opinion et sème le doute, le gaz reste presque exclusivement composé de méthane, un gaz à effet de serre au pouvoir de réchauffement 84 fois plus puissant que le CO2 sur une période de 20 ans. Ce méthane fuit massivement, tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Dans de nombreux cas, la prise en compte de ces fuites fait même grimper l’impact climatique du gaz à des niveaux supérieurs à celui du charbon3, alors que ce dernier est reconnu de longue date par la communauté internationale comme étant l’ennemi n°1 du climat.

Publication
couverture du rapport Gaz fossile, la fabrique de la dépendance
Rapport

Gaz fossile, la fabrique de la dépendance : Comment l’industrie fossile et l’Etat nous enferment dans un modèle énergétique insoutenable

Un impact climatique supérieur à celui des voitures thermiques

Sur une année, la consommation de gaz des 9 700 communes françaises raccordées au réseau gazier équivaut à 43 millions de voitures thermiques en circulation. C’est plus que le parc automobile français !

Sortons du gaz : municipales 2026, une opportunité à saisir

Alors que l’Etat maintient des liens étroits avec l’industrie gazière et continue de propager un discours trompeur présentant le gaz comme une énergie de transition, l’échelle municipale est un levier crucial. En effet, si les villes s’y mettent et ont le courage d’engager une sortie du gaz et développer d’autres modèles de société, la consommation globale de gaz en France diminuera drastiquement !

À quelques mois des élections municipales de mars 2026, la plateforme Sortons du gaz propose de passer à l’action. En délivrant des chiffres sur le coût par habitant·e de la consommation de gaz (dont la somme reversée aux Etats-Unis de Trump ou à la Russie de Poutine pour acheter du gaz) et l’impact climatique de cette consommation, le tout à l’échelle communale, la plateforme propose d’interpeller les mairies par e-mail et les pousser à prendre des engagements fermes pour amorcer le virage de la transition en mettant en œuvre des solutions pour sortir du gaz fossile.

C’est possible, ces villes en sont la preuve

Il ne s’agit pas là d’un voeu pieux. En effet, plusieurs villes ont déjà engagé le pas et continuent d’agir dans le bon sens. Par exemple, Grenoble montre la voie, en pouvant se targuer d’une faible consommation de gaz, représentant un coût de seulement 135 € par habitant·e. Perpignan, Toulon, Montpellier ou encore Nice peuvent également se targuer d’une relativement faible consommation de gaz, alors que le podium des grandes villes (plus de 100 000 habitant·es) consommant le plus de gaz était en 2023 occupé par Amiens, Reims et Strasbourg.

Anna-Lena Rebaud

« À Strasbourg, le gaz coûte 473€ par habitant. C’est 3,5 fois plus qu’à Grenoble qui se distingue par sa faible dépendance au gaz fossile. Réduire la facture énergétique, les émissions de gaz à effet de serre, les risques pour la santé, la soumission aux aléas géopolitiques : il n’y a que des bénéfices à engager les politiques communales pour réduire la dépendance au gaz ».

Anna-Lena Rebaud
Chargée de campagne gaz fossile et transition juste

Les alternatives existent, et elles sont à portée de main – ou plutôt à portée de choix politiques. En rénovant ses bâtiments publics (mairie, écoles, hôpital, piscine, bibliothèque…) et en en changeant le mode de chauffage, une ville peut considérablement améliorer l’efficacité énergétique de ses bâtiments et ainsi réduire sa dépendance au gaz fossile. Les Amis de la Terre, aux côtés des autres associations et syndicats membres de l’Alliance écologique et sociale, appellent les villes à rénover en priorité leurs écoles, afin d’améliorer les conditions de travail du personnel enseignant et des élèves, et de conjuguer ainsi les objectifs de transition et de justice sociale.

Par exemple, Paris a prévu de sortir ses équipements publics des énergies fossiles d’ici 2040, en déployant une politique de rénovation et de raccordement au réseau de chaleur urbain, alimenté entre autres par la chaleur des égoûts. Ces initiatives ne sont pas le monopole de la capitale. En effet, certaines petites villes déjà bien engagées dans la sortie du gaz, comme Malaunay, une commune de 6 200 habitant·es en Seine Maritime, où l’ensemble des bâtiments publics ont été rénovés, permettant ainsi une protection de la commune devant la flambée des prix de l’énergie en 2021-20224, et surtout, des économies de 27 000€ par an, soit l’équivalent du budget annuel de l’école de musique et de la bibliothèque. En Bretagne également, la commune de Caudan a rénové ses écoles primaires et maternelles, ce qui a permis à la collectivité de faire des économies de 30 à 40 000 € sur ses factures chaque année5.

à lire aussi
École élémentaire Brèche aux Loups. © Jean-Baptiste Gurliat / Ville de Paris

Une vi(ll)e sans gaz fossile : elles le font !

Notes
1

European Public Health Alliance, Clasp, “Exposing the Hidden Health Impacts of Cooking with Gas”, janvier 2023.

2

Entre 2016 et 2021, le prix moyen des importations a doublé, puis a encore triplé entre 2021 et 2022, d’après un calcul des Amis de la Terre à partir des données du Service des Données et Études Statistiques du Ministère de l’Aménagement du Territoire et de la Transition Écologique. Bilan énergétique de la France 2024.

3

Robert W. Howarth, The greenhouse gas footprint of liquefied natural gas (LNG) exported from the United States, Energy Science & Engineering, Octobre 2024.