Climat-Énergie
7 septembre 2009

La santé soumise au nucléaire

OMS : carnet de Vigie. Depuis le 26 avril 2007, des vigies se relaient devant le siège de l'Organisation mondiale de la santé pour demander son indépendance à l'égard de l'Agence internationale de l'énergie atomique. Témoignage.

Après des centaines d’autres militants,
nous assurons avec Nicolai, la 100e
semaine de Vigie devant l’Organisation
mondiale de la santé (OMS). La vigie vise
à dénoncer l’accord de 1959 qui lie
l’OMS à l’AIEA, l’Agence internationale
de l’énergie atomique. Nicolai enseigne le
français à New York et tonne du Rabelais
à l’adresse des bureaucrates : « Science
sans conscience n’est que ruine de l’âme ! ».

Son indignation vient des témoignages
de son frère, Wladimir Tchertkov, auteur
de films comme Le Sacrifice, qui m’a
propulsée à Genève : un jeune père de
famille, liquidateur de Tchernobyl se désagrège
sous les yeux de sa femme et
répète avec une douceur insoutenable
« cosemar »… Son cauchemar est devenu
le nôtre.

Représentants des peuples

Un homme traverse la rue avec un
grand sourire. Il vient d’Égypte, plus précisément
de Nubie, le pays secret des
sources du Nil. Il nous parle de son village
détruit par le barrage d’Assouan, de
son peuple déplacé qui a déjà perdu la
moitié de ses chants, de ses danses, de
sa mémoire plusieurs fois millénaire. Un
poète persécuté s’insurge mais justement,
il vient d’être entendu : le gouvernement
égyptien a promis aux Nubiens
de les réinstaller au bord du Nil !
Mais la terre de Biélorussie aspergée
des radionucléïdes venus de Tchernobyl,
quand pourra-t-elle de nouveau nourrir le
peuple sans l’empoisonner ? Des peuples
entiers sont victimes des déplacements
environnementaux, frappés dans leur culture,
leur santé, leur survie même. Sur notre
trottoir en forme de flèche, nous sommes
les représentants de ces peuples qui
revendiquent le contrôle de leur vie dans
le respect de leur terre.

De qui l’OMS est-elle le nom ?

Et vous, responsables de la santé
mondiale, qui représentez-vous ? Vos
bureaux sont bien gardés, n’y entrent
que les données chiffrées agréées par les
gouvernements… et par l’AIEA ! Les
poètes, surtout s’ils sont visionnaires,
sont priés de rester au carrefour. Vous
répandez des brochures pour convaincre
qu’il ne faut pas laisser les enfants tomber
dans le puits ou la piscine. Le conseil est
incontestablement utile, mais son efficacité
sera limitée s’il n’est pas relié à l’enjeu
global : retrouver collectivement la maîtrise
de nos vies, dans le respect de la
nature. Vous êtes payés pour servir une
politique qui ne dit pas son nom, qui se
contente de donner plus de pouvoir à
ceux qui en ont déjà, mais à qui en fait ?
On se pose la question : « de qui
Monsanto est-il le nom ? » mais elle vaut
pour l’OMS ou l’AIEA. Leurs employés
n’ont aucun pouvoir : la directrice ellemême,
Madame Chan, ne peut pas nous
répondre. Nous devons pourtant accuser
les fantômes que sont nos interlocuteurs,
jusqu’à ce qu’on mette au grand jour que
la machine à produire du pouvoir marche
toute seule et que pour l’arrêter il suffit de
désactiver quelques réseaux bancaires…
« Sharing is caring », partager c’est
sauvegarder, dit Nicolai à la mésange qui
picore notre pain. Que voilà une jolie
maxime ! Ce n’est pas la règle suivie par
nos gouvernants mais il faut changer nos
règles ! A la prophétie de Rabelais, ajoutons
« Argent sans conscience n’est que
ruine du monde ». Utopie ? « Where there
is a will, there is a way », vouloir, c’est
pouvoir : encore un message de la
sagesse des peuples énoncé par Nicolai.
Faites passer !

> FRANÇOISE CHANIAL