Climat-Énergie
3 avril 2014

Vingt mille lieues sous la terre : creuser pour mieux s’enterrer ?

L'avenir du sous-sol français était au coeur des débats en ce début d'année. Gaz et huiles de schiste, gaz de couche, mines... Tour d'horizon des derniers effets d'annonces gouvernementaux.

Miracle ! L’exploitation propre des gaz et huiles de schiste sera bientôt possible grâce au fluoropropane, un liquide non inflammable ne nécessitant ni eau ni produit chimique pour extraire les hydrocarbures en grande profondeur. Une solution miracle proposée par Total ? Non ! Le dernier argument sorti de la poche d’Arnaud Montebourg pour tenter de contourner la loi et permettre l’exploitation des gaz et huiles de schiste en France. « Mon travail c’est de convaincre » pour avancer vers une exploitation « propre » et « écologique » martèle-t-il dans les médias, n’hésitant pas à qualifier de « terrorisme intellectuelle » le rejet de ces hydrocarbures fossiles. Pourtant Arnaud Montebourg étant encore il y a peu un fervent opposant au recours à ces nouvelles énergies fossiles, les condamnant fermement lors des primaires du Parti Socialiste en 2012 et signant aux côtés de François Hollande, Jean-Marc Ayrault ou Philippe Martin, une proposition de loi interdisant définitivement toute exploitation des gaz et huiles de schiste, quelle que soit la technique d’extraction. Des promesses rapidement passées à la broyeuse de la victoire présidentielle.

Vers la création d’une compagnie nationale des mines

« Exploitation écologique des gaz de schiste » : quel bel oxymore ! Pour contenir le réchauffement global moyen en deçà de 2 °C d’ici à la fin du siècle, seul moins du quart des réserves prouvées en combustibles fossiles (pétrole, gaz et charbon) peut être utilisé d’ici à 2050. Un rappel nécessaire à moins de deux ans de la 21ème Conférence internationale sur le climat que la France s’apprête à accueillir en grande pompe.

Poursuivant sur son élan, Arnaud Montebourg annonçait le 21 février la renaissance d’une compagnie nationale des mines chargée d’explorer les sous-sol français et étrangers, mais « tout en respectant les aspirations environnementales de nos concitoyens ». Cuivre, nickel, uranium, lithium ou encore terres rares sont dans le collimateur de cette nouvelle entreprise publique.

Déjà actionnaire d’Areva et d’Eramet, la France se dote ainsi d’un nouveau bras armé dans sa politique d’accaparement des ressources au Sud et d’atteinte à l’environnement. Le bas-fond de la pensée politique était même atteint lorsque Arnaud

Montebourg déclara fièrement : « Nous explorerons aussi le sous-sol d’autres pays. Les pays d’Afrique francophone, notamment, aimeraient travailler avec nous plutôt que d’avoir affaire à des multinationales étrangères ». Il semble apparemment nécessaire de rappeler au ministre du redressement productif que le mouvement anticolonialiste africain a offert à ce continent son indépendance il y a une bonne cinquantaine d’années déjà et que, ne lui en déplaise, une entreprise française agissant en Afrique, qu’elle soit publique ou privée, reste et restera une entreprise étrangère !

Une mobilisation constante, un message réaffirmé

Outre Atlantique également, la mobilisation continue de croître, avec un renfort de choix en la personne de Rex Tillerson, PDG d’Exxon, compagnie pétrolière américaine ayant investi plus de 22 milliard d’euros dans l’extraction des gaz de schiste ces dernières années. Non content de l’implantation future à proximité de son ranch texan d’un château d’eau et d’infrastructures routières nécessaires à l’installation de nouveaux puits d’extraction, M. Tillerson et ses riches voisins mènent la fronde pour interdire le projet. Principal argument de ce « collectif citoyen » des plus atypiques : le risque de perte de valeur de son ranch, aujourd’hui estimé à plus de cinq millions de dollars. Un grand mouvement de solidarité a ainsi vu le jour notamment sur internet pour manifester ironiquement un soutien à cette cause. Aux Etats-Unis, plus de 15 millions de personnes vivent aujourd’hui à moins de 1,5 kilomètre d’un puits d’extraction.

En janvier, plus de 250 organisations et collectifs citoyens européens signaient une lettre ouverte adressée aux dirigeants européens pour signifier leur refus de voir se développer l’industrie des gaz de schiste au profit des industriels et des financiers et au détriment des droits des peuples, et de la protection de l’environnement et du climat1. Début mars, des militants d’Europe et du Maghreb se rencontraient dans le Gard pour renforcer le réseau et donc la lutte.

Messieurs Tillerson et Montebourg, entendez-le bien : pour les VRAIS collectifs citoyens, les gaz et huiles de schiste c’est ni ici, ni ailleurs ; ni aujourd’hui, ni demain !

> ROMAIN PORCHERON

Co-référent sur les gaz de schiste


(1) Voir: https://www.amisdelaterre.org/Hydrocarbures-non-conventionnels.html

Photo : Militants réunis à la rencontre euro-maghrébine contre les énergies extrêmes et l’extractivisme, Saint-Christol-Lez-Alès, mars 2014.


Cet article est issu de La Baleine 175 – Carbone contre nourriture