Finance
7 septembre 2009

Comment des prêts publics servent les paradis fiscaux

La Banque européenne d'investissement (BEI) continue à financer des projets impliquant des paradis fiscaux, de quoi mettre en doute sa communication qui ne cesse de les dénoncer.

Alors que François Fillon affirme que
« des trous noirs comme les centres offshore
ne doivent plus exister », Gordon Brown suggère
à Washington d’interdire les paradis
fiscaux. Depuis quelques mois et le début de
la crise financière, les décideurs européens
rivalisent de déclarations incendiaires à l’encontre
de ces territoires dits non-coopératifs.
Pourtant, le dernier rapport des Amis de la
Terre, « Au diable le développement : comment
les prêts de la BEI servent les paradis
fiscaux »
, démontre que de nombreux projets
financés par la Banque européenne d’investissement
impliquent des paradis fiscaux et
des multinationales qui utilisent des centres
offshore. Or les politiques d’investissement
de la BEI sont décidées par les Etats membres
de l’Union européenne (UE), qui sont
ses actionnaires. Difficile alors de croire que
ces derniers entendent vraiment lutter contre
ces pratiques.

BEI : les portes du paradis ?

Dans la région ACP (Afrique – Caraïbes –
Pacifique), la BEI se présente comme
« un partenaire pour le développement et les
objectifs de développement pour le millénaire
».
En fait de développement, la banque
soutient essentiellement des méga projets
d’infrastructures bénéficiant à des multinationales
du Nord, projets souvent rattachés
à des centres offshore. Le Gazoduc Ouestafricain
au Nigeria, la mine de Tenke
Fungurume en République démocratique
du Congo ou la mine de Mopani en Zambie
sont liés aux Bermudes ou aux Iles Vierges.
La banque investit également dans des
fonds promettant des taux de rentabilité tellement
élevés qu’ils recourent à des stratégies
d’investissement très agressives, utilisant
l’évasion fiscale.

On sait que l’évasion fiscale illégale
représente globalement dix fois le volume
de l’aide internationale. Les paradis fiscaux
et toutes les pratiques qu’ils entraînent sont
donc une entrave grave au développement.
Ils affaiblissent les institutions publiques et la
démocratie. Il est scandaleux que la banque
de l’UE finance des projets gérés par des
promoteurs utilisateurs de centres offshore.

Maintenir la pression

Avec leur nouveau rapport, les Amis de la
Terre lancent une campagne pour demander
à la banque européenne de ne plus alimenter
les paradis fiscaux et d’assurer une transparence
totale de ses prêts afin de garantir cet
engagement. Le 9 juin 2009, une première
action de rue était organisée à Bruxelles pour
interpeller le Conseil européen et la
Commission sur ce sujet. La BEI a d’ores et
déjà promis de se pencher rapidement sur
de nouvelles normes pour faire face à cette
situation, « à la lumière des conclusions formulées
lors du sommet du G20 » de
Londres. Une bonne raison de maintenir la
pression sur la banque, pour que cette politique
ne fasse pas figure de purgatoire.

> ANNE-SOPHIE SIMPERE