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Climat-Énergie
12 mars 2018

Inde et nucléaire : « Macron go back ! »

Lors de la visite du président français en Inde, EDF a signé un accord portant sur le projet de centrale à Jaitapur qui doit devenir la plus grande centrale nucléaire au monde, avec 6 réacteurs EPR. Ce projet se heurte à la population locale et se situe dans une zone... sismique traversée par trois failles tectoniques !

Jaitapur, dans l’Etat indien du Maharashtra, est un nouveau projet nucléaire qui ne devrait pas tarder à atterrir sur le bureau des banques européennes. Avec plus de 10 000 MW prévus, il devrait s’agir de la plus grande centrale nucléaire au monde.

Jaitapur : un problème français – des réacteurs pour l’Inde

Dans une première phase, l’entreprise indienne NPCIL (Nuclear Power Corporation of India Limited) cherche des financements pour construire deux EPR à Jaitapur. Cela soulève de sérieuses inquiétudes en matière de sûreté car Jaitapur se situe dans la seule partie des côtes indiennes classée « zone à risque important » de tremblements de terre. Trois failles tectoniques traversent le secteur, et plusieurs séismes ont été enregistrés dans les vingt dernières années. Le plus puissant, en 1999, a atteint la magnitude de 6,3 sur l’échelle de Richter.

La construction en cours des EPR d’Olkiluoto en Finlande et de Flamanville en France a révélé de nombreux problèmes techniques de conception remettant en cause la sûreté de ce réacteur. (…) Ces difficultés pourraient bien s’exacerber en Inde, où le coût des deux premiers réacteurs de Jaitapur est officiellement estimé à 32 000 crores (5,4 milliards d’euros) – soit moins de la moitié du coût de ces mêmes réacteurs aujourd’hui en Europe.

Parmi les autres problèmes liés à ce projet figurent le manque de transparence et de consultation de la société civile, ainsi que des controverses sur une législation qui exempterait les entreprises étrangères de toute responsabilité en cas d’accidents et de contamination. Par ailleurs, la population locale est fortement mobilisée contre ce projet, et la répression contre les manifestations ne cesse de se durcir, allant jusqu’à la mort d’un opposant en avril 2011.

Un mort, plusieurs dizaines de blessés, des bus incendiés et des bâtiments publics vandalisés : les manifestations contre la construction d’une gigantesque centrale nucléaire par Areva à Jaitapur, au sud de Bombay, ont pris ces derniers jours une tournure violente. Un homme a été tué par des tirs de police, et plusieurs autres blessés par balles, lundi, lorsque des centaines de manifestants réclamant l’annulation du projet ont attaqué un commissariat. Mardi, c’est un hôpital qui a fait les frais de la grogne populaire, tandis que des manifestants blo-quaient une autoroute en brûlant des pneus sur la chaussée.

Cela fait des mois que les habitants de cette région s’opposent à l’implantation de ce qui devrait devenir la plus grande centrale nucléaire au monde, d’une capacité de 9 900 MW. Ils s’étaient mobilisés en décembre lors de la visite en Inde de Nicolas Sarkozy, au cours de laquelle l’accord cadre entre Areva et l’entreprise publique NPCIL avait été signé pour la construction des deux premiers réacteurs EPR du site qui, à terme, devrait en compter six. A l’époque, la contestation portait avant tout sur la question de l’acquisition des terrains, les villageois des environs refusant de céder leurs terres. Depuis l’accident de Fukushima, la polémique se focalise sur la situation géographique du site : sur une faille sismique, et proche du littoral… Alors que les écologistes réclament l’annulation pure et simple du projet, le gouvernement a officiellement exclu une telle hypothèse la semaine dernière, et accuse « des forces hostiles à la croissance économique de l’Inde » d’être à l’origine des troubles.

Depuis l’annonce du projet en 2009, les autorités indiennes ont déclaré que HSBC et quatre banques françaises (BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et Natixis) fourniraient 3 à 4 milliards d’euros en prêts. Elles ont également déclaré que la COFACE[[Chaque année, le gouvernement français consacre environ soixante de milliards de francs pour soutenir des exportateurs comme Vivendi, Total, Areva, Bouygues, Dassault, … Les soutiens appelés « garanties de crédit à l’exportation » aident des entreprises françaises à investir dans de gros projets à l’exportation. Le mécanisme est simple : lorsque l’importateur (étranger) risque de ne pas rembourser la facture, l’exportateur (français) qui a souscrit un contrat d’assurance avec la Coface, la sollicite pour qu’elle le paie en se substituant au client défaillant. Si le montant des indemnisations versées par la Coface est supérieur au montant des primes d’assurance perçues, elle pioche légalement dans le budget public. Dans les décennies 80 et 90, l’Etat français a payé au total 101 milliards de francs (un nouveau Crédit Lyonnais) pour couvrir les déficits enregistrés par la Coface !

Chaque pays riche a créé une agence pour soutenir ses exportations. Extrêmement discrètes et particulièrement opaques, elles ont un poids colossal au niveau mondial : en 1996, elles ont garanti plus de 432 milliards de dollars de contrats, soit plus de 10 % du commerce mondial.

Plus de la moitié des investissements des agences de crédit à l’exportation dans les pays en développement sont consacrés à de grands projets d’infrastructure et d’énergie (barrages, mines, centrales électriques, exploitation pétrolière et gazière, usines chimiques).

Article complet (2005) : « Petite histoire de la Coface« , l’agence de crédit à l’exportation française, fournirait la garantie nécessaire pour ces prêts.

En 2011, Juliette Renaud, chargée de campagne sur la Responsabilité des acteurs financiers aux Amis de la Terre, déclarait : « Avant même d’avoir commencé, ce projet a déjà conduit à de graves atteintes aux Droits humains. Il a violé les réglementations indiennes et internationales en niant l’accès de la société civile à l’Etude d’impact environnemental et en procédant à des acquisitions forcées de terrains, sans même consulter les populations affectées. Le gouvernement français se retrouve face à un choix crucial : continuer à promouvoir ses exportations nucléaires coûte que coûte, ou privilégier la sécurité des populations, et éviter de lourds impacts sociaux et environnementaux en renonçant à soutenir ce projet nucléaire dangereux. »