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Pollution de l'air et transports
13 décembre 2016

Quand le vélo donne du sens à la vie

Résister, mobiliser, transformer… c’est l’essence même de notre mouvement. Mais rien de tel qu’une histoire pour mieux le comprendre. Vous allez faire la connaissance d’Antoine, fier papa qui nous raconte son quotidien matinal, en deux roues avec ses enfants… Cette histoire est loin d'être banale.

Elle a un supplément d’âme, celui de nous montrer qu’il est bon de s’épanouir en faisant de l’ombre au système dominant…

Quand j’étais petit je me souviens de ma mère qui me baladait en vélo sur un fauteuil en ferraille. Un souvenir fort. Ma mère faisant des efforts pour me transporter, moi petit roi. Et me voilà père, convaincu
que c’est tout petit qu’on peut leur faire distinguer les vrais bonheurs des autres. La liberté, la joie d’être acteur et puis ce contact avec le vent. Je suis un cycliste du quotidien. Depuis 6 ans, je fais tous mes allers-retour au travail (1h10).

Mes petits ont 4 et 6 ans. L’école c’est pas la porte à côté. On habite à 2 km. C’est pas le film « à l’école » qui montre des enfants traverser des déserts ou des montagnes. Mais c’est quand même 15 min contre 5 en voiture. D’abord je me suis dit, 10 min de plus le matin, le soir, c’est 10 min de moins de sommeil ou bien à somnoler doucement au dessus du chocolat. Problème résolu par le constat que ce temps nous permet de parler. Pas rien non ? Second obstacle auquel j’avais aussi pensé : la route, particulièrement la mienne. Sur cette route, il y a des voitures. Dingue ! Et elles vont vite. Comme ma petite de 4 ans – aussi douée soit-elle – débute en vélo, déteste les trajectoires linéaires et préfère klaxonner avec sa sonnette « kitty » plutôt que de freiner, il me semblait que le danger n’était pas négligeable. Mais bon. Il faut bien démarrer et je me dis que notre petit convoi exceptionnel est un excellent moyen de faire ralentir le trafic et de l’attendrir en lui proposant l’intéressant spectacle de ma fille cherchant la pédale qui démarre.

Ainsi, le 2 septembre, on prend nos bécanes. On évite les poteaux, les voitures. On affronte la côte. Et on
ne meurt pas. J’en étais à ces réflexions. J’étais en train de changer le monde et imaginer les remerciements de mes enfants 20 ans plus tard évoquant fièrement ces souvenirs quotidiens lorsque je vois mon garçon s’arrêter et pleurer. Il se tourne vers moi, tourne le dos à l’école. « Je veux pas venir en vélo »… J’écoute. J’essaie de comprendre. Il m’explique. Il me montre ses camarades. Nous sommes les seuls à venir en vélo. Tous viennent en voiture mal garées qui se battent pour une place…

Je tente de renverser son impression. « Je pense que tu te trompes, ils nous regardent parce qu’ils aimeraient eux aussi venir en vélo. Ils aimeraient avoir ce courage et profiter de ça ». À ma surprise, il me croit immédiatement et le voilà, si ce n’est fier, au moins serein. Comme s’il assumait ses plaisirs, sa liberté. Je me retrouve à l’admirer. Vais-je aussi loin que lui ?

Quand je pars ensuite au travail avec mon vélo, je sens parfois l’incompréhension entre les conducteurs d’auto et moi-même. C’est pas méchant, mais un cycliste qui roule moins vite que lui (l’automobiliste) et bien ça le saoûle un peu. Il patiente mal, s’apprête à reprendre ce temps perdu par la faute de ce rigolo qui n’a même pas les moyens d’avoir un moyen de transport digne. Et puis cette pluie, ce froid. « Ce gars est même un peu inconscient ». « Rien que d’y penser j’ai envie d’accélérer pour aller me mettre au chaud ». Comme eux, moi aussi il m’arrive de prendre l’auto, mettre le chauffage, la radio et rien ne me concerne plus. Le monde tourne autour de moi.

Mais le comportement de mon fils m’aide à faire le pas de côté. Et si la manière dont je pédale, dont je croise le regard des automobilistes, mon sourire aux autres usagers, aux parents de l’école, mon plaisir à me déplacer pouvaient véhiculer un message, une graine chez les autres. Comme un début d’empathie. « Ce gars est courageux », « ça a l’air sympa, pas dangereux pour les autres », « ça me donnerait
presque envie ». Et depuis que j’imagine ça, je vois moins l’indifférence mais ces collègues, ces parents qui viennent me voir et me raconter la manière dont ils ont eu envie d’essayer… Merci qui ?

Antoine Vernier