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Groupe localLes Amis de la Terre Côte d'Or31 août 2021

2021, année charnière pour mettre fin au mensonge nucléaire

Alors que le Traité d'interdiction des armes nucléaires (TIAN) adopté par l'ONU en 2017 est finalement entré en vigueur le 20 janvier 2021, les neuf puissances nucléaires actuelles, qui possèdent l'arme atomique et menacent le reste du monde avec leur arsenal, persistent à conserver leur "atout" sous prétexte de dissuasion militaire...

Du 5 au 9 août dernier, à Dijon et Valduc (le complexe de recherche nucléaire du CEA* situé à 40 km au nord de la capitale bourguignonne), une cinquantaine d’activistes – dont près de 30 jeûneurs – se sont rassemblés dans le cadre du 8e Jeûne-Action international pour exiger l’abolition des armes nucléaires et pour commémorer les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, il y a 76 ans.

Glossaire des sigles

  • AIAE : Agence internationale de l’énergie atomique, placée sous l’égide de l’ONU
  • CEA : Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives
  • EDAN : États dotés de l’arme nucléaire
  • ENDAN : États non dotés de l’arme nucléaire
  • ICAN : International Campaign Against Nuclear weapons, ou Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires pour les non-anglophones
  • ONU : Organisation des Nations Unies, réunissant aujourd’hui 193 États membres et 2 États observateurs (le Vatican et la Palestine)
  • OTAN : Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord, comptant 30 États membres répartis sur les continents européen et nord-américain
  • TIAN : Traité pour l’interdiction des armes nucléaires, adopté en 2017 par une majorité d’Etats membres de l’ONU
  • TNP : Traité de non-prolifération (des armes nucléaires), adopté en 1970 par les Etats membres de l’ONU

Une mobilisation renforcée par l’entrée en vigueur du TIAN

Organisés chaque année dans plusieurs villes de France et dans d’autres pays du monde, sous l’impulsion notamment de l’ICAN*, collectif d’associations et d’ONG demandant l’interdiction des armes nucléaires ayant reçu le Prix Nobel de la Paix en 2017, les Jeûnes-Actions ont pour but de rendre visible, tant dans l’espace public que médiatique, le danger permanent que représentent les armes nucléaires pour l’humanité et la planète, mais aussi l’engagement sans faille de celles et ceux qui souhaitent y mettre fin.

Pour lutter contre cet arsenal militaire hautement destructeur, détenu à l’heure actuelle par seulement neuf nations sur près de deux cents, les Etats et organisations pacifistes ont déployé un arsenal d’accords et de traités internationaux, année après année, jusqu’à leur adoption par une grande majorité des membres de l’ONU*. Le dernier en date, le Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN*) a été voté en juillet 2017 par 122 Etats membres, mais n’est officiellement entré en vigueur que le 22 janvier 2021 à la suite de sa ratification par le Honduras, le cinquantième à l’inscrire dans sa législation nationale (le minimum requis par les Nations Unis pour qu’un traité international entre en vigueur est en effet de 50 ratifications). Cinq nations ont depuis été ajoutées à la liste. Par ailleurs, même s’ils ne l’ont pas encore ratifié, 31 autres Etats membres l’ont signé et ont engagé à leur tour la procédure de ratification, et leur nombre devrait augmenter dans les mois à venir.

Qu’est-ce que le TIAN ?

Le Traité pour l’interdiction des armes nucléaires comprend une série de dispositions plus ou moins contraignantes, au sein de 20 articles que vous pouvez consulter ci-dessous. Au regard du droit international, il rend totalement illégaux la détention, la production, l’usage, la menace d’usage, le partage, le financement et l’aide au développement d’armes nucléaires par tout Etat-partie (Etat ayant signé et/ou ratifié le traité). De plus, le TIAN réaffirme les décisions relatives à l’élimination de tout armement déjà rendu illégal par de précédents accords multilatéraux et internationaux, et notamment la nécessité du désarmement des grandes puissances nucléaires édicté par l’article VI du Traité de non-prolifération, en 1970.

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Forts de cette récente victoire, les militants du collectif Bourgogne-Franche-Comté pour l’abolition des armes nucléaires, réunis à Dijon pendant cinq jours, ont mené leurs actions pour alerter les citoyens et les pouvoirs publics du refus des neuf EDAN*, dont la France fait partie, de signer et même de reconnaître le TIAN.

Rassemblant des activistes et bénévoles d’ICAN France, du Mouvement de la Paix 21, du réseau Sortir du Nucléaire, d’Arrêt du Nucléaire (ADN) 34, de Sortir du Nucléaire 21, du MAN Côte d’Or, d’Abolition des Armes nucléaires-Maison de Vigilance, CANVA, de l’AMFPGN (Association des médecins français pour la prévention de la guerre nucléaire), des Amis de la Terre Côte d’Or et de Stop Nucléaire 26-07 (ADN Drôme-Ardeche désormais), le collectif Bourgogne-Franche-Comté pour l’abolition des armes nucléaires a également commémoré le triste anniversaire des bombardements d’Hiroshima et Nagasaki au Japon, survenus respectivement le 6 août et le 9 août 1945, et a rendu hommage à toutes les victimes de l’énergie nucléaire lors de guerres, d’essais nucléaires, d’accidents ou de catastrophes.

Outre des cérémonies solennelles, le Jeûne-Action est aussi l’occasion d’aller à la rencontre de différents publics pour informer, susciter l’adhésion, s’engager face aux décideurs politiques et économiques qui font la sourde oreille : déambulations en ville, exposition de panneaux, stand d’informations animé par les jeûneurs et jeûneuses, die-in’s, spectacles de cirque de rue et musique, distributions de tracts devant les banques complices de l’industrie nucléaire, prises de parole engagées et émouvantes devant le centre de recherche hautement sécurisé du CEA de Valduc, etc.

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Les armes nucléaires dans le monde : un rapport de forces très inégal

Depuis la découverte (presque fortuite) de l’énergie phénoménale potentiellement libérée par la matière, selon la célèbre équation E=mc² démontrée par le physicien autrichien Albert Einstein, les grandes puissances militaires n’ont eu de cesse de vouloir s’approprier, entre autres technologies, les engins d’armement les plus dévastateurs et les plus dissuasifs.

La supériorité des États-Unis d’Amérique en temps de guerre a, hélas, trouvé sa démonstration en 1945 lorsque les militaires et scientifiques qui travaillaient sur le Projet Manhattan ont décidé de tester la puissance de leurs deux nouvelles bombes atomiques sur les villes ennemies d’Hiroshima et Nagasaki, alors même que le Japon préparait déjà sa reddition.

La course aux armements s’est poursuivi ensuite durant toute la Guerre Froide, entre les blocs soviétique et occidental, en atteignant son point culminant au milieu des années 1980. Le stock mondial d’ogives nucléaires s’élevait alors à un peu moins de 70’000 unités !

Ceux qui possèdent l'arme nucléaire

Depuis, même s’il resterait à l’heure actuelle environ 13’500 engins nucléaires, beaucoup plus sophistiqués et destructeurs qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, seuls neuf Etats en sont dotés. Parmi ces neuf EDAN, la France, le Royaume-Uni, la Chine, les Etats-Unis d’Amérique et la Russie sont les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU. Quant aux autres, l’Inde, le Pakistan, Israël et la Corée du Nord, ils ont développé leur industrie nucléaire martiale en secret, après l’adoption du TNP en 1970, pour répondre à de fortes tensions régionales et s’imposer sur la scène internationale.

De plus, il existe cinq pays supplémentaires qui disposent d’armes atomiques sur leur sol : alliés à l’un ou plusieurs des EDAN, et dans le cadre d’accords entre membres de l’OTAN*, l’Allemagne, la Belgique, la Turquie, l’Italie et les Pays-Bas abritent également des engins nucléaires au sein de bases stratégiques.

Ceux qui s'opposent à l'arme nucléaire

Face à ces 14 nations (les EDAN et leurs alliés) peu enclines à démanteler leur armement nucléaire, les ENDAN* ont été contraints de renforcer les textes de droit international existants, et en premier lieu le TNP dont l’article VI engage les États-parties à “poursuivre de bonne foi les négociations [pour le] désarmement nucléaire” et “à une date rapprochée”. Depuis son entrée en vigueur en juillet 1970, voilà plus de 50 ans, bien que le nombre d’engins nucléaires opérationnels ait été divisé par trois, les stocks de ces armes de destruction massive continuent d’être améliorés, modifiés, renouvelés par leurs détenteurs alors qu’ils ont ratifié ce traité.

La France, à titre d’exemple, a adopté le TNP en 1992 mais persiste à dépendre de la bombe comme arme de dissuasion contre toute agression éventuelle. Une dépendance qui se chiffre à plus de 25 milliards d’euros sur quatre années glissantes selon le dernier budget prévisionnel du Ministère des Armées.

Chacune des Parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace.

Article VI du Traité de Non-Prolifération, juillet 1970

Concernant le TIAN, la très grande majorité des ENDAN qui l’ont signé et/ou ratifié se situent, d’une part, en dehors de l’OTAN et, d’autre part, sur les continents de l’hémisphère sud ou entre les tropiques : 27 en Amérique Latine et Antilles, 29 en Afrique, 23 en Asie du Sud-est et Océanie, et seulement 8 en Eurasie. Pour simplifier, il s’agissait généralement de nations ayant traversé l’Histoire sous le joug des anciennes grandes puissances coloniales et impérialistes, et ayant peu à peu gagné leur indépendance durant la Guerre Froide ou par la suite ; ainsi que des dizaines de micro-États insulaires ou enclavés.

Quant aux autres ENDAN, dans un monde globalisé, à la géopolitique complexe et aux nombreux accords bi- ou multi-latéraux entre jeunes nations, pays en plein essor et superpuissances économiques, l’adhésion au TIAN peine à se concrétiser par peur de représailles ou de sanctions.

L’exemple de l’Afrique du Sud

Bien que le TNP ait été adopté en 1970, plusieurs Etats ont tenté leur chance dans le nucléaire militaire en initiant des programmes de recherche plus ou moins secrets, en produisant du combustible fissible pour têtes nucléaires ou en recrutant des experts scientifiques étrangers.

L’un d’eux, l’Afrique du Sud, sous apartheid, a non seulement fait aboutir son programme nucléaire vers la fin des années 1980, alors en plein conflit avec l’Angola voisin, mais a aussi réussi à fabriquer au moins six bombes atomiques enrichies à l’uranium et opérationnelles pour être larguées par voie aérienne. Pourtant, en 1989, alors que le bloc soviétique commence à se morceler et que l’apartheid s’essouffle, le nouveau président sud-africain De Klerk annonce, en l’espace de quelques mois, avoir possédé ces armes nucléaires, démantelé tout l’arsenal et mis fin au programme militaire, et enfin, avoir entamé la ratification du TNP par l’Afrique du Sud.

Officiellement, l’Afrique du Sud est donc le seul pays au monde à avoir atteint ce degré de dissuasion nucléaire puis à y avoir renoncé avec succès, comme l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA*) l’a vérifié en procédant à une enquête préalable à la ratification du TNP en 1991. Un exemple que les EDAN devraient suivre afin de dénucléariser leur armement…

Pour plus de détails, lire cette publication (en anglais) du Sipri (Institut international de recherche pour la paix de Stockholm) ou cet article (en français).

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Un programme riche en événements symboliques

Durant toute la durée du Jeûne-Action 2021, les militants, jeûneurs ou non, et artistes n’ont pas démérité pour diffuser le plus largement possible leurs engagements et la volonté d’en finir avec l’épée de Damoclès atomique qui reste au-dessus de nos têtes depuis des décennies.

Cette menace insidieuse, invisibilisée par les gouvernements des EDAN sous prétexte fallacieux d’un statu quo militaire rendu possible uniquement par la dissuasion nucléaire, indiffère la majeure partie de l’humanité, soit par confort, soit parce qu’elle subit déjà les effets d’autres menaces beaucoup plus visibles et médiatiques, telles que l’urgence climatique, l’effondrement de la biodiversité en cours, les guerres civiles et attentats, les catastrophes naturelles occasionnelles, etc.

C’est pourquoi il est essentiel de rappeler chaque année l’importance de l’abolition des armes nucléaires, le danger permanent de l’énergie nucléaire, tant militaire que civile, et de cesser d’établir une hiérarchie entre tous ces combats pour un monde plus vivable…

Jeudi 5 août : à la recherche des élus locaux

Premier jour d’actions dans la métropole dijonnaise, après avoir accueilli au camp de base (le camping municipal local), la veille, de nombreux membres des associations réunies en Bourgogne-Franche-Comté pour l’abolition des armes nucléaires : les premiers volontaires pour le jeûne ont à peine commencé leur diète que, déjà, tout le monde s’est mis à pied d’œuvre pour préparer l’événement-surprise de l’après-midi. La manœuvre allait consister à rentrer sans invitation dans les locaux du Conseil départemental et du Conseil général afin de demander un entretien avec des responsables politiques et obtenir la garantie qu’ils étudieront avec attention le problème de la présence des armes nucléaires sur le territoire.

La Région Bourgogne Franche-Comté et la Côte d’Or ont en effet un rôle à jouer car la position et l’activité stratégiques du CEA Valduc représentent une menace environnementale, sanitaire et militaire envers les populations. De ce fait, la capitale des Ducs de Bourgogne serait une cible prioritaire potentielle en cas de guerre nucléaire.

Ces collectivités territoriales ne sont d’ailleurs pas les seules institutions capables d’influer sur la politique militaire de notre pays. Les municipalités et communauté de communes peuvent aussi s’engager pour la paix et en signant symboliquement le TIAN, comme l’ont déjà fait plus de 50 communes en France via l’Appel des Villes (voir ci-après) : parmi elles, des villages, des bourgades de province, mais aussi de grandes métropoles comme Paris, Lyon-Villeurbanne, Grenoble, Besançon, etc. Mais toujours pas Dijon, ni les communes voisines de Saint-Apollinaire et Chenôve, qui sont pourtant membres de Maires pour la Paix (cette association a publié une tribune le 8 août sur leur site web)

L’Appel des Villes (ou Appeal of the Cities)

Le collectif international ICAN, dont la branche française ICAN France, a lancé un appel aux villes du monde entier (et notamment celles des EDAN) pour qu’elles apportent leur soutien au Traité et fassent pression sur les gouvernements réfractaires grâce à leur puissance démocratique et démographique. Plus les communes, villes, métropoles, voire même départements et régions seront nombreux à adhérer au TIAN, plus les populations qui les composent représenteront une force politique que les États ne pourront ignorer davantage… Dès aujourd’hui, n’hésitez pas à aller interpeller votre maire, votre conseil départemental ou régional, vos élus locaux avec les documents et les arguments disponibles sur le site de notre partenaire ICAN France, ci-dessous.

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Lors de l’invasion pacifique des jardins du Département, situés au cœur de la ville de Dijon, entre le Conseil départemental, la Préfecture de Côte-d’Or et le Conseil régional, en présence de deux journalistes du Bien Public, les activistes ont déployé « ballon atomique », drapeaux et banderoles sous les fenêtres des quelques fonctionnaires présents pour les alerter. Puis, des représentants de ces institutions sont venus à leur rencontre, en ayant appelé des renforts policiers au préalable pour bien montrer l’inégalité du rapport de forces (des fois que de simples revendications agressent le pouvoir en place), et ont finalement accepté une entrevue avec une délégation de membres du collectif Bourgogne-Franche-Comté pour l’abolition des armes nucléaires. Côté Département, l’échange s’est révélé tendu et peu réceptif, tandis que côté Région, l’échange a été bien plus courtois et compréhensif mais dans les deux cas, l’assurance de faire remonter les doléances aux élus fraîchement investis et d’obtenir des rendez-vous dans les semaines qui viennent a été formalisée.

Vendredi 6 août : cérémonie devant le CEA Valduc

Le 6 août 2021 marquait les 76 ans du jour tristement célèbre où la toute première bombe atomique de l’Histoire fut larguée et détona au-dessus d’une population, celle d’Hiroshima au Japon. Afin de commémorer ce dramatique événement, la cinquantaine de participants au Jeûne-Action dijonnais prit la direction du centre de recherche militaire spécialisé dans les simulations nucléaires et la maintenance des ogives nucléaires françaises, le site du CEA Valduc, occupant 670 hectares de terrains boisés ultra surveillés dans la commune de Salives, à 40 kilomètres environ au nord de Dijon.

Déclaration officielle de manifestation auprès de la préfecture oblige, un gros comité d’accueil en uniformes attendait les militants en amont et sur place, avec une lourdeur procédurale significative (obligation de contrôler toutes les identités, obligation de rester devant le cordon de sécurité à l’entrée du site, interdiction formelle de photographier, filmer, ou diffuser quelque image des installations militaires, etc.), ce qui n’a pas empêché le déroulement des actions de protestation pacifique durant plus de deux heures.

En point d’orgue de cette visite, la commémoration solennelle du bombardement d’Hiroshima 76 ans plus tôt, avec une minute de silence, l’allumage de la flamme mémorielle, des récits de survivants et de leurs descendants, des poèmes déclamés et un die-in sous la “menace” du dirigeable en forme de bombe nucléaire, s’est déroulée avec force de volonté et d’émotions.

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Petit rappel historique Au matin du 6 août 1945, la toute première bombe nucléaire était larguée sur des êtres humains, à Hiroshima, très précisément à 8h16’43 » heure locale. Cette arme létale d’un genre nouveau avait alors explosé à environ 580 mètres d’altitude. La déflagration a provoqué à la fois une boule de feu de plusieurs milliers de degrés, d’un diamètre de 400 mètres, provoquant des brasiers sur 12 kilomètres carrés, une onde de choc détruisant quasiment tout dans un rayon de 1’600 mètres et endommageant sérieusement 69 % des édifices de la ville, ainsi qu’un nuage radioactif à la forme caractéristique dont les radiations se sont propagées sur des centaines de kilomètres. Encore aujourd’hui, il est difficile de savoir le nombre exact des victimes de la tristement célèbre bombe nommée Little Boy par l’armée américaine, mais on estime qu’environ 70’000 personnes seraient mortes instantanément, surtout des civils, et entre 60’000 et 70’000 autres auraient succombé à leurs blessures ou aux radiations aiguës dans les mois suivants ! Quant aux personnes ayant survécu jusqu’alors ou décédées bien plus tard de pathologies lourdes causés par une irradiation, les Hibakushas (littéralement « personnes touchées/affectées par la bombe), on estime leur nombre à près de 650’000 individus – dont 510’000 seraient aujourd’hui décédées – et les conséquences de l’arme nucléaire sur leur vie ont été tout aussi désastreuses… Ce jour fatidique, notre monde est alors entré véritablement dans l’ère nucléaire et la menace que ces armes font peser sur l’humanité et toute autre forme de vie n’a cessé de croître depuis 76 ans maintenant.

La suite du déplacement devant le CEA Valduc s’est déroulé de manière plus festive et artistique, grâce à la présence notable des Bure’Haleurs, les chansonniers-activistes qui luttent depuis des années contre le site d’enfouissement des déchets nucléaires de l’ANDRA, sur la commune de Bure en Haute-Marne, ainsi que les musiciens indépendants romain (), Eric (), Pascal () et artistes de cirque engagés Tristi, Tatiana et Tony (jonglant avec des quilles “atomiques”).

Enfin, dans le courant de l’après-midi, une fois tout ce beau monde revenu à Dijon, les jeûneur·euse·s ont pris possession de la place de la République à Dijon pour monter le stand d’informations aux citoyens, alors que la délégation associative de la veille avait cette fois rendez-vous à la Préfecture pour exiger du représentant de l’État qu’il s’engage à son tour en faveur de l’abolition des armes nucléaires.

Samedi 7 août : à l’assaut de la finance irresponsable

Une météo maussade et d’autres manifestations déclarées en ville (pour dénoncer l’obligation vaccinale imposée à toute la population dans le courant de l’été) ne présageaient pas d’une activité aussi soutenue pour le troisième jour de ce rassemblement, mais c’était sans compter la détermination des militants qui, bien que présentant des signes d’affaiblissement physique chez les jeûneur.euse.s, avaient fort à faire entre déambulations avec banderoles et tracts en centre-ville, installation et animation d’un stand d’informations incluant des panneaux d’exposition sur l’une des places les plus passantes et préparation des réunions de debriefing ou prochaines actions…

Le mot d’ordre du jour : partir à l’assaut de la finance irresponsable, en dénonçant les banques françaises qui dépensent des centaines de millions d’euros chaque année pour soutenir l’industrie nucléaire et le développement des armes atomiques. Bien sûr, en Côte d’Or, point de sièges sociaux à envahir pour des actions-choc, mais qu’à cela ne tienne, le but était avant tout de communiquer aux concitoyens la liste des mauvais élèves bancaires et de les informer sur la marche à suivre pour changer de banque, tout en diffusant les motifs de départ aux dirigeants des-dits établissements. Ce fut une séance de déambulations et de partage avec le public très enrichissante, surtout lorsque le cortège d’une autre manifestation (anti-passe sanitaire) montra son soutien généralisé à cette action qui ne les concernait pas du tout à prime abord : la convergence des luttes politiques et sociales est une réalité dans notre belle nation…

Dimanche 8 août : comment survivre à l’Apocalypse ?

En ce quatrième et avant-dernier jour de mobilisation pour l’abolition des armes nucléaires, la créativité et la poésie des jeunes artistes talentueux qui ont accompagné le collectif de jeûneuses et jeûneurs depuis le 5 août purent se révéler dans un décor végétal presque irréel en pleine agglomération. Faisant office de scène, une berge herbeuse de la “trame verte et bleue” reliant le lac Kir au port du Canal accueillit les Survivants de l’Apocalypse pour deux représentations de cirque de rue, ou plutôt l’espace aérien entre cette berge et les branches des grands arbres. La petite troupe cosmopolite, composée de Tristi à la voltige sur tissus aériens, Tatiana aux jongleries et acrobaties, et Tony aux échasses et jongleries, avait préparé un spectacle fort à propos, intitulé Post-Apocalyptic Survival Guide (soit Guide de survie post-apocalyptique), en musique et sans parole pour emporter tous types de spectateurs dans leur univers onirique dystopique, des plus jeunes aux retraités, en passant par les familles, couples, groupes d’amis, de tous horizons socio-économiques ou culturels.

En première partie de ce spectacle, la jeune acrobate locale Pauline a également démontré l’étendue de ses talents de voltigeuse sur tissus et de clown expressif avec un petit grain de folie séduisant, parfois accompagnée du son délicat d’un hang sous la dextérité de Pascal.

De toutes évidences, le pari d’attirer des spectateur·rice·s extérieur·e·s au militantisme pour la paix en se produisant sur une artère bucolique très prisée des adeptes dijonnais de la promenade dominicale a été remporté puisque une petite centaine de personnes s’est installée pour chaque représentation ou arrêtée quelques instants par curiosité.

Lundi 9 août : cérémonie à Dijon avant la rupture du jeûne

Le dernier jour du Jeûne-Action à Dijon, les activistes, artistes et invités se sont rassemblés sur la place de la République, dans la matinée, pour la seconde cérémonie de commémoration solennelle : celle du bombardement de Nagasaki avec un nouvel engin nucléaire (voir plus loin). Aux pieds des orateurs ayant lu des poèmes pour la paix et des témoignages de survivants, les drapeaux des 14 nations possédant aujourd’hui des armes nucléaires (les 9 EDAN et 5 États partenaires hébergeant des ogives sur leur territoire) gisaient au sol, là-même où un die-in symbolique serait effectué un peu plus tard.

WAR & CONFLICT BOOK
ERA:  WORLD WAR II/WAR IN THE EAST/JAPAN
Petit rappel historique
Le 9 août 1945, l’armée américaine engagée sur le front de la guerre du Pacifique a largué, pour la seconde fois de l’Histoire, un engin nucléaire sur des populations, très précisément à Nagasaki, au Japon, après avoir changé de cible pour cause de mauvais temps au-dessus de Kokura, leur objectif premier. À 11h01’47 » exactement, la bombe nucléaire Fat Man, au plutonium cette fois-ci (celle d’Hiroshima était à l’uranium-235), explosa avec une puissance supérieure à Little Boy bien que le souffle fut davantage contenu par les collines environnant l’hypocentre de la détonation, à 510 mètres d’altitude à la verticale de courts de tennis.
Les dégâts occasionnés ont été malheureusement aussi colossaux qu’à Hiroshima, la plupart des bâtiments ayant été totalement rasés dans un rayon d’environ 1’600 mètres et des incendies dévastateurs se propageant sur plus de 3 km au nord et au sud de la vallée Urakami. Les pertes humaines sont encore plus difficiles à évaluer puisque des milliers de travailleurs réquisitionnés pour l’effort de guerre (y compris étrangers, de Corée notamment) étaient employés dans les manufactures de Mitsubishi mais peu répertoriés dans les documents officiels de l’époque. On estime aujourd’hui que 30’000 à 75’000 victimes seraient mortes au moment de l’explosion et environ 60’000 auraient été blessées !
Du fait des syndromes d’irradiation aiguë provoqués par l’arme nucléaire, plusieurs dizaines de milliers de personnes sont également décédées dans les mois qui ont suivies, portant le nombre de morts à près de 80’000 rien que pour l’année 1945.

C’est en mémoire de toutes ces victimes de l’arme nucléaire, mais aussi des tests militaires et des catastrophes de centrales nucléaires (comme à Tchernobyl, à Three-Mile Island ou à Fukushima, récemment) que le collectif de jeûneuses et jeûneurs leur ont rendu hommage, en présence notamment de membres de l’association franco-japonaise Yosomono-net et de Marie-Odile Chollet, conseillère municipale en charge de la vie associative, représentant la ville de Dijon. Tant d’individus aux vies bouleversées, autant de preuves que l’énergie nucléaire représente davantage un fléau pour l’humanité qu’une chance ou une ressource d’avenir !

Après avoir allumé la flamme de l’abolition et observé une minute de silence, d’autres prises de parole ont dénoncé l’immobilisme des grandes puissances nucléaires face à leur obligation de dénucléarisation. Enfin, la rupture du jeûne dans une salle de l’Hôtel de Ville de Dijon est venue clore cette 8e édition du Jeûne-Action, une fois de plus en chansons…

Le Jeûne-Actions 2021 a abouti sur une résolution officielle

Au terme de ces cinq jours de mobilisation à Dijon-Valduc, mais aussi à Tours, à Épinal, au Mont-Saint-Michel, à Brest Île-Longue, au Togo, en Allemagne, au Royaume-Uni, aux États-Unis ou encore en Nouvelle-Zélande, chaque collectif associatif a réaffirmé son engagement à poursuivre sans relâche ses actions en faveur de l’abolition des armes nucléaires et en hommage à toutes les victimes de l’énergie atomique à travers le monde.

A Dijon, les militants ont concrétisé cela en adoptant une résolution officielle que vous pouvez consulter et télécharger en bas de page.

Dans l’avenir, chaque mobilisation collective ou individuelle sera essentielle pour exiger de nos gouvernements l’adoption du TIAN et le démantèlement de nos installations militaires nucléaires. Vous aussi, allez interpeler les élus locaux pour qu’ils rejoignent l’Appel des Villes d’ICAN et fassent pression sur le Président de la République et ses ministres. Toutes et tous, nous avons un rôle à jouer pour dénucléariser notre planète !