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Groupe localLes Amis de la Terre Côte d'Or25 novembre 2021

Amazon débarque en Côte-d’Or : mobilisation collective contre ce géant néfaste

Nous l'avons appris par la presse en date du 2 novembre 2021. Le champion du e-commerce américain Amazon va s'installer à Longvic (21600), après des mois de démarches administratives et négociations conduites en catimini avec les édiles de la métropole dijonnaise, pour empêcher toute protestation... C'était mal nous connaître !

Passées les premières étapes émotionnelles (la surprise, la colère, la déprime, etc.) encaissées face à l’annonce subite de l’arrivée du géant Amazon dans nos contrées par voie de presse, avec un premier article paru le 2 novembre dans le quotidien régional Le Bien Public, nous, aux Amis de la Terre Côte d’Or et d’autres associations locales qui partagent nos valeurs et (souvent) nos engagements, avons décidé de réagir. Constitués en collectif – reprenant le modèle national de Plus Jamais Ça ! -, nous avons publié une lettre ouverte à destination des politiciens qui ont permis cette installation très malvenue…

Ce projet, initié depuis avril 2020, s’est fait DANS LE PLUS GRAND SECRET, avec [la] totale complicité [des élus locaux]…

Amazon
Mais tout d’abord, pour remettre cette actualité dans son contexte, voici un petit récapitulatif du projet d’implantation décidé par Amazon dans la banlieue sud-est de l’agglomération dijonnaise, dans une zone d’activités économiques déjà dense et dans l’optique de développer leur politique de gestion des livraisons dite « du dernier kilomètre ».

Quel site d’implantation ?
  • Adresse : 8, rue du 19 Mars 1962, à Longvic (21600), au cœur de la zone d’activités de Dijon-Longvic, proche d’un centre de tri postal et d’entreprises de transports de marchandises
  • Situé à moins de 100 mètres d’un grand parc dijonnais classé (le parc de la Colombière) et à moins de 50 mètres d’une zone naturelle fragile, faisant partie de la Trame Verte et Bleue de l’agglomération, le long du Canal de Bourgogne et de l’Ouche… sans oublier des dizaines de jardins partagés à proximité.
  • Anciennement site du fabricant de mâts d’éoliennes FrancÉole, unique producteur français de ce type d’équipements, placé en liquidation judiciaire en 2019.
  • Superficie du terrain : 5 hectares, dont 35 % seulement réservés aux espaces verts
  • Superficie des bâtiments : 11000 mètres carrés (déjà existants principalement)
  • Ouverture officielle : février 2022
  • Type de structure : agence de livraison de proximité (mais qui desservira en réalité un vaste territoire allant de Dijon à Besançon, en passant par Beaune, Dôle, Châlon-sur-Saône, etc.)
Une fausse promesse d’emplois et d’écologie
  • Emplois promis : 50 CDI et environ 200 “collaborateurs indépendants” (pour ne pas dire des livreurs sous-payés en autoentrepreneuriat), pour combien d’emplois détruits dans le commerce de proximité du département ?
  • Certification BREEAM “Very Good” obtenue (alors que le site est encore en travaux à l’heure actuelle et que la flotte de véhicules de livraisons n’est pas précisée), comme l’indique M. Borghesi, Responsable régional des opérations pour les agences de livraisons du Nord, dans cet entretien accordé à France Bleu Bourgogne, le 8 novembre.

23 novembre 2021 : Lettre ouverte aux élu.e.s

Lettre ouverte à l’attention de M. François Rebsamen, président de Dijon Métropole et M. José Almeida, maire de Longvic.

“L’impérialiste américain AMAZON étend son emprise jusque dans nos territoires d’excellence économique. PAS QUESTION ! Nous nous y opposons !

Messieurs,

Nous avons appris par les médias locaux que la société Amazon (multinationale spécialisée dans le e-commerce) est en train de construire une « agence de livraison de proximité » à Longvic. Ce projet initié depuis avril 2020 s’est fait dans le plus grand secret, avec votre totale complicité, par l’intermédiaire d’une société immobilière écran. À l’heure où l’inaction de nos dirigeants lors de la COP26 nous laisse entrevoir un réchauffement de 2,7 degrés à l’horizon 2100, nous sommes extrêmement étonnés et atterrés par cette nouvelle. Comment se fait-il que vous ayez accepté cela en délivrant le permis de construire sur ce site qui abritait une entreprise dédiée à une énergie renouvelable – FranceÉole ? Firme qui, elle, n’a pas reçu le soutien nécessaire au maintien de son activité.

Nous nous permettons de vous rappeler que :

A. Aspects environnementaux

  • Le bilan carbone annoncé par Amazon équivaut à 10% des émissions globales de la France, et l’équivalent de celles de la Bolivie. Néanmoins, il est largement sous-évalué. Il ne prend pas en compte les émissions liées à la fabrication des 15 milliards de produits vendus, par exemple. De plus le modèle Amazon pousse à la surconsommation et à la surproduction.
  • Le transport des produits qu’elle vend à travers le monde requiert des centaines de millions de trajets en camions, des millions de trajets en bateau et environ 48 000 trajets en avion. Amazon a massivement recours au transport aérien de marchandises, en louant déjà plus de 70 appareils. Pour assurer le service Prime et la livraison en 24 heures sur l’ensemble des territoires où il s’implante, Amazon assume sans complexe développer sa propre flotte d’avions pour les « Membres Prime qui aiment les livraison ultra-rapides, les prix attractifs et l’important choix disponible chez Amazon ». Il dispose ainsi de 20 espaces réservés dans les aéroports aux États-Unis et vient d’en ajouter un nouveau en Californie. Le fret aérien de marchandises d’Amazon représente donc à lui seul des émissions de gaz à effet de serre considérables.
  • Amazon ou l’art du greenwashing : Amazon met en avant, par exemple, la commande de 100 000 camions électriques pour réduire ses émissions. Mais ce chiffre est bien grotesque comparé aux quelques 1,4 million de camionnettes à moteur thermique qu’elle utilise à travers le monde. Sans parler de l’augmentation du trafic aérien, pour proposer des délais de livraison toujours plus courts !
  • Son activité de stockage de données informatiques émettrait 55,8 millions de tonnes de gaz à effet de serre en 2018, soit l’équivalent des émissions annuelles du Portugal.
  • Ne nous laissons point berner par les apparences d’engagements écologiques de ces géants de l’économie ultralibérale, comme avec l’initiative The Climate Pledge, lancée en 2019 conjointement par Global Optimism. Ce programme d’enfumage pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2040 repose sur toujours plus de consommation en compensant de façon différée les émissions de gaz à e et de serre. Il avait été lancé en réponse à un mouvement de grève – inédit à l’époque – au siège de la multinationale… L’astuce de ce greenwashing ? Mettre des produits certifiés écoresponsables en avant sur la plateforme, planter quelques milliers d’arbres mais continuer, dans le même temps, à allonger la durée de navigation numérique ou à détruire des produits neufs renvoyés par les clients !

En bref, les activités de cette multinationale sont totalement incompatibles avec une transition écologique pragmatique de la métropole, ainsi que de Longvic avec sa charte 2030.

B. Aspects financiers

  • Amazon dissimule son chiffre d’affaires réalisé en France (57 % en 2017), ce qui lui permet de pratiquer une évasion fiscale massive en déplaçant une grande partie de ses bénéfices vers l’étranger. Cela a bien sûr des impacts négatifs sur les recettes fiscales des États où est présent Amazon, mais ce recours massif aux paradis fiscaux renforce également la position prédominante d’Amazon vis-à-vis de ses concurrents, plus petits, qui paient en proportion de leur activité davantage d’impôts.
  • Amazon paye 0 € d’impôt sur les ventes pour son activité en Europe.
  • Amazon et les autres acteurs du e-commerce ont développé un système de fraude à la TVA généralisé, qui a coûté près de 5 milliards d’euros à l’État français en 2019 !
  • La venue d’Amazon sur une commune entraîne souvent des investissements publics considérables en infrastructures au bénéfice principal d’Amazon comme à côté de Metz (35 millions d’euros environ). Qu’en est-il de Longvic ?

C. Aspects socio-économiques

  • Amazon prévoit d’ouvrir 35 nouveaux projets d’entrepôts en France d’ici à fin 2023, ce qui pourrait entraîner la destruction de plusieurs milliers d’emplois dans l’Hexagone. La dernière étude réalisée en France démontre que 1 emploi créé par la multinationale est responsable de la destruction de 6 emplois dans le commerce de proximité et, en moyenne, de 2 emplois dans le commerce global (commerce de proximité et grandes surfaces).
  • Amazon met en place des conditions de travail parmi les plus dures du secteur : cadences imposées et harassantes, rémunérations inférieures à celles pratiquées dans le secteur, abus d’utilisation des intérimaires, pratiques de licenciement en fin de période d’essai, mesures de contrôle et de surveillance des salarié·e·s.
  • Les livreur·se·s (généralement précaires et/ou en situation irrégulière) sont ubérisé·e·s et mis·es sous pression sans possibilité de pouvoir s’organiser ou se syndiquer.
  • Amazon, en développant l’automatisation dans les entrepôts logistiques et la livraison par drone, cherche à se débarrasser du facteur humain.

Pour toutes ces raisons nous ne comprenons pas votre choix. La création de 50 emplois qui vont en détruire davantage alors que, via l’affichage publicitaire et autres communications dans Dijon Mag, vous dites soutenir les commerçants locaux. Est-ce cela votre vision du « dynamisme économique et de l’attractivité de l’agglomération » ? Et quid des émissions de CO2 amplifiées, alors que vous cherchez à obtenir le label Capitale Verte européenne ?

Le monde selon Amazon n’est pas viable ! Pourtant, il arrive dans la métropole…”

Lettre ouverte cosignée par les collectifs et associations suivantes :

Les Amis de la Terre Côte-d’Or ; Greenpeace Dijon ; ATTAC21 ; Oxfam Dijon ; Nature & Progrès Bourgogne ; Les Ami-es des jardins de l’Engrenage

Sources

  1. https://www.infos-dijon.com/news/vie-locale/vie-locale/longvic-amazon-ouvrira-une-agence-de-livraison-de-proximite-en-2022.html
  2. http://www.kavalacapital.com/content/20201201-Rapport_ecommerce.pdf
  3. https://www.amisdelaterre.org/campagne/amazon-surproduction/
  4. https://www.liberation.fr/france/2018/10/05/dans-la-peau-d-un-forcat-d-amazon_1683525/
  5. https://france.attac.org/nos-publications/notes-et-rapports/article/note-amazon-cdiscount-ebay-wish-fraude-massive-a-la-tva-sur-les-places-de
  6. https://www.amisdelaterre.org/wp-content/uploads/2020/12/les-impacts-du-e-commerce-en-france.pdf
  7. https://france.attac.org/nos-publications/notes-et-rapports/article/nouveau-rapport-impunite-fiscale-sociale-et-environnementale-immersion-dans-le
  8. https://www.lexpress.fr/actualite/societe/environnement/des-ong-denoncent-l-impact-environnemental-d-amazon_2108779.html
  9. https://www.rtbf.be/tendance/green/detail_faut-il-croire-les-gafam-quand-ils-nous-parlent-d-ecologie?id=10624234
  10. https://ville-longvic.fr/wp-content/uploads/2020/10/agenda%202030%20Longvic%20(21).pdf