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Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances et Yves Perrier, président d'Amundi.
Finance
Communiqué de presse10 mars 2022

Alignement des acteurs financiers avec l’Accord de Paris : le lobby du secteur remet une feuille de route vide au gouvernement

Le président d’Amundi a rendu en toute discrétion le rapport que lui avait commandé Bruno le Maire sur l’alignement des acteurs financiers avec les objectifs de l’Accord de Paris. Les ONG dénoncent un rapport cache-misère, qui n'offre aucune solution pour réduire les soutiens des banques, assureurs et investisseurs aux énergies fossiles.

Le 10 mars 2022, à Paris – À l’occasion d’une conférence organisée par la Présidence française de l’Union européenne sur la transition énergétique, Yves Perrier, président d’Amundi et vice-président de Paris Europlace, a rendu en toute discrétion le rapport que lui avait commandé Bruno le Maire sur l’alignement des acteurs financiers avec les objectifs de l’Accord de Paris. Les associations dénoncent un rapport cache-misère, qui n’offre aucune solution concrète et immédiate pour réduire les soutiens des banques, assureurs et investisseurs aux énergies fossiles. Elles appellent le gouvernement et les candidat·es aux élections à prendre la mesure de l’urgence et à sanctionner les acteurs financiers français qui continuent à alimenter l’expansion des charbon, pétrole et gaz.

Alors que la guerre en Ukraine place la question énergétique au centre des priorités de l’Europe et de la France, le gouvernement rate une nouvelle occasion de s’assurer que la place financière de Paris participe à l’arrêt de notre dépendance aux énergies fossiles.

Les associations notent les quelques points positifs présents dans le rapport d’Yves Perrier, qui recommande par exemple aux acteurs financiers d’adopter des “stratégies transparentes et comparables de sortie de l’ensemble des énergies fossiles” et cite des bases de données fiables pour servir de points de repères sur les secteurs du charbon, du pétrole et du gaz 1.

Néanmoins, l’absence d’objectifs et d’indicateurs permettant de mesurer le progrès fait par les acteurs financiers sur le court terme est flagrante. Alors que le rapport était a minima censé traiter des trajectoires de sortie des secteurs les plus polluants et risqués – charbon, pétrole et gaz non-conventionnels –, il se contente de préconiser la création d’un groupe de travail. Le sujet du nécessaire arrêt de l’expansion fossile n’y est mentionné que pour être remis en question. Le rapport s’abstient par ailleurs de mentionner que le dernier scénario de l’AIE conclut non seulement à un arrêt de tout nouveau projet de production pétro-gazier mais également au lancement immédiat d’une réduction rapide de la production d’énergies fossiles 2. Par ailleurs, le rapport ne propose même pas une baisse de l’empreinte carbone des acteurs financiers, c’est-à-dire de leurs émissions de gaz à effet de serre en valeur absolue.

Pour Lorette Philippot, chargée de campagne aux Amis de la Terre France : “Ce rapport réussit le tour de force de ne poser aucune mesure concrète pour garantir une sortie du charbon et des hydrocarbures non-conventionnels, quand il aurait suffit de copier-coller les travaux déjà réalisés par le Comité scientifique de l’Observatoire de la finance durable 3. Au contraire, ces recommandations sont soigneusement passées sous silence. Cela car cette nouvelle mission avait indubitablement comme véritable objectif de reculer l’action : mission accomplie, les acteurs privés peuvent être rassurés, encore des mois sacrifiés et toujours pas de feuille de route en perspective 4.”

Le choix du gouvernement de confier ce rapport à Yves Perrier, président d’Amundi, est également contestable. Dans un récent rapport 5, Reclaim Finance dénonçait les investissements d’Amundi dans l’expansion pétro-gazière, en contradiction avec ses propres engagements climat, et s’inquiétait de la croissance de sa gestion passive qui échappe en majorité à toute restriction liée au climat et permet ainsi au plus gros investisseur européen de toujours investir dans des entreprises du secteur du charbon. Le conflit d’intérêts est patent et n’en restera sans doute pas là. Le président du géant de la gestion d’actifs préconise que la suite des travaux soit supervisée par une nouvelle instance et s’y réserve une place, puisqu’il y invite les institutions financières et les entreprises industrielles.

Lara Cuvelier, chargée de campagne à Reclaim Finance, dit : “Le gouvernement a donc confié le volant à l’un des mauvais élèves en matière climatique, trop lourdement engagé dans le pétrole et le gaz et encore présent dans le charbon. Amundi est le premier investisseur de TotalEnergies, qui a refusé de cesser ses opérations en Russie et l’un des premiers investisseurs de Gazprom, le mastodonte du gaz russe. Confier la responsabilité de coordonner le petit monde financier français dans sa sortie des énergies fossiles à un actionnaire majeur de l’industrie fossile, qui refuse de hausser le ton face à elle, discrédite complètement ces travaux depuis le départ 6.”

Pour Alexandre Poidatz, chargé de plaidoyer chez Oxfam France : “Alors que l’Etat et les citoyens sont appelés à réduire leur consommation d’énergie et leurs émissions de gaz à effet de serre, le gouvernement laisse carte blanche aux grandes banques françaises pour continuer à émettre autant de CO2e qu’elles le souhaitent. La réduction de leurs émissions absolues sur une scénario de réchauffement à 1,5°C passe nécessairement par la fin de leurs soutiens financiers à l’expansion fossile 7. Malheureusement, le gouvernement refuse catégoriquement de fixer des règles aux financeurs du chaos climatique, et propose une stratégie de diversion. Il met en place une énième initiative pour repousser la contrainte réglementaire.”

4 ans après avoir reçu le titre de “Champion de la Terre” par l’ONU et s’être engagé à mobiliser la finance internationale contre les changements climatiques durant son mandat, force est de constater l’échec d’Emmanuel Macron à contraindre le secteur financier français à se décarboner. Les banques françaises sont toujours les plus gros financeurs d’Europe des énergies fossiles, y compris des entreprises présentes en Russie qu’elles continuent de soutenir malgré la guerre.

Contacts presse

Les Amis de la Terre France, Lorette Philippot, 06 40 18 82 83, lorette.philippot@amisdelaterre.org

Reclaim Finance, Lara Cuvelier, 06 68 45 18 93, lara@reclaimfinance.org

Oxfam France, Alexandre Poidatz, 06 85 26 37 18, apoidatz@oxfamfrance.org

Notes aux rédactions

Lien vers le communiqué de presse du Ministère de l’économie, des finances et de la relance, le 09 mars 2022 : “Yves Perrier remet à Bruno Le Maire un cadre d’actions visant à guider les acteurs financiers dans leur alignement avec l’Accord de Paris”.

Le rapport met notamment en avant le bilan positif de la place financière de Paris par rapport aux engagements des autres grandes places (New York, Londres, Singapour). Les acteurs français seraient “précurseurs”. Les indicateurs choisis sont discutables, notamment le choix de regarder le nombre de “politiques de restrictions ou d’exclusions”, qui ne révèle pas la qualité ou la bonne application de ces politiques. Les banques françaises sont à la 4ème place mondiale en termes de soutien aux énergies fossiles et ont presque doublé leurs financements entre 2016 et 2020.

Notes
1

Le rapport indique notamment que “les listes GCEL et la GOGEL pourront notamment être utilisées pour déterminer et suivre les expositions aux énergies fossiles”. Ces bases de données, disponibles gratuitement, sont les plus complètes pour avoir accès à des données sur les entreprises actives sur toute la chaîne de valeur du charbon thermique, du pétrole et du gaz.

3

https://observatoiredelafinancedurable.com/fr/presentation/actualites/publication-des-recommandations-du-comité-scientifique-et-dexpertise/

4

Les principaux acteurs financiers ont échoué à donner suite aux demandes du gouvernement d’adopter des stratégies de sortie des hydrocarbures non-conventionnels. À la veille du Climate Finance Day 2021, la Fédération bancaire française et ses membres avaient préféré des annonces lacunaires et réchauffées sur ces secteurs. www.amisdelaterre.org/communique-presse/sortie-du-petrole-et-du-gaz-les-banques-servent-du-rechauffe/