banque postale abandonne les énergies fossiles
champ de pétrole
Climat-ÉnergieFinance
Communiqué de presse18 octobre 2021

Sortie du pétrole et du gaz : les banques servent du réchauffé

À l’approche du Climate Finance Day et de la COP26, les 6 banques françaises annoncent un engagement commun concernant deux secteurs des pétrole et gaz non conventionnels. Les ONG dénoncent des annonces cosmétiques et irresponsables alors que l’urgence climatique impose de mettre un terme à toute l’expansion pétrolière et gazière.

À une semaine du Climate Finance Day, les grandes banques françaises essayent de sauver la face en laissant entendre qu’elles n’arriveront pas les mains totalement vides au rendez-vous. Mais la tentative est vaine. Ces annonces recyclées et datées ne sont absolument pas une réponse crédible à l’appel de 2020 de Bruno Le Maire à sortir des pétrole et gaz non-conventionnels.

Lorette Philippot
Chargée de campagne finance privée aux Amis de la Terre France

Lorette Philippot poursuit : « Ces annonces maquillent bien grossièrement une réalité toute autre : les grandes banques n’ont fait que gagner du temps, mais c’est bel et bien une nouvelle année sacrifiée pour le climat.”

Les banques françaises servent du réchauffé enrobé d’un plus grand flou. Elles revoient à la marge les mesures qu’elles avaient déjà prises pour la plupart et semblent s’aligner sur le plus petit dénominateur commun, faisant le jeu des plus gros financeurs du secteur pétro-gazier de la Place financière de Paris.

Lucie Pinson
Directrice de Reclaim Finance

Lucie Pinson conclut : « Contrairement à la Banque Postale et dans une certaine mesure à Crédit Mutuel, les autres banques françaises s’opposent à l’impératif scientifique relayé par l’Agence internationale de l’énergie d’arrêt de l’expansion pétro-gazière. BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et Natixis font aussi un pied de nez à la demande gouvernementale concernant l’adoption de stratégies de sortie des pétrole et gaz non conventionnels. Nous appelons Bruno Le Maire à ne pas se contenter de telles miettes et à sanctionner l’irresponsabilité des banques françaises.”

  • L’annonce ne couvre que deux des huit sous-secteurs non-conventionnels. Alors que le ministre leur demandait d’adopter une stratégie de sortie des pétrole et gaz non conventionnels, seuls les pétrole et gaz de schiste et les sables bitumineux sont couverts. Les banques françaises ne couvrent donc que deux secteurs alors que le Comité scientifique et d’expertise de l’Observatoire de la finance durable 1, sur le fondement de la littérature scientifique disponible, a identifié et recommandé l’adoption de politiques couvrant : le gaz de couche ; les hydrates de méthane ; le gaz et de l’huile de schiste ; le pétrole et gaz de réservoir compact ; les sables bitumineux ; le pétrole extra-lourd ; les pétrole et gaz offshore ultra-profonds et l’Arctique, suivant la définition de l’AMAP.
  • Les banques ne s’engagent toujours pas à sortir des sables bitumineux et du pétrole et du gaz de schiste, à contre-courant de la commande ministérielle. En octobre 2020, Bruno Le Maire appelait la place financière à adopter des stratégies de sortie des hydrocarbures non-conventionnels 2. L’annonce de ce matin ne permet pas d’y répondre.
  • Avec le seuil d’exclusion fixé, les banques ne s’engagent pas à mettre fin à leurs soutiens à l’expansion dans ces sous-secteurs, pourtant incompatibles avec un scénario 1,5 °C. BNP Paribas a adopté un tel seuil d’exclusion dès 2017, ce qui ne l’a pas empêché d’augmenter ses financements au pétrole et au gaz de schiste 3 entre 2019 et 2020, y compris à des entreprises qui développent de nouveaux projets. BNP Paribas a augmenté ses soutiens à tout le secteur pétro-gazier de manière à devenir la 4ème banque au monde à financer le plus ce secteur en 2020.
    Pour rappel, le scénario 1,5 °C de l’AIE a confirmé le nécessaire arrêt des soutiens au développement de nouveaux champs pétroliers et gaziers. C’est d’autant plus urgent que l’essentiel de la croissance pétro-gazière va se concentrer dans les hydrocarbures non-conventionnels 4. Pourtant, à l’exception de La Banque Postale et dans une certaine mesure le Crédit Mutuel, les banques ne s’y engagent toujours pas, même dans les sous-secteurs couverts par l’annonce.
  • Le seuil d’exclusion annoncé est trop élevé. Il est certain que la plupart des majors pétrolières et gazières n’est pas couverte par ces annonces et que l’adoption d’un tel seuil ne permet pas de prévenir l’expansion pétro-gazière, même dans une région très fragilisée comme l’Arctique (+ 20 % de production attendue dans les 5 années qui  viennent). Les banques s’engagent uniquement sur un seuil d’exclusion (30 % mais la métrique n’est pas précisée ni la manière dont ce seuil est calculé, en fonction des réserves, de la production ou des revenus). Natixis avait déjà fixé un seuil d’exclusion à 25 % pour le pétrole et le gaz de schiste.
  • Les banques font totalement l’impasse sur les nouveaux projets d’infrastructures liés aux hydrocarbures de schiste et aux sables bitumineux. Elles se contentent en effet de ne couvrir que les activités d’exploration et de production. Le développement de ces secteurs, largement concentré en Amérique du Nord, est pourtant conditionné par la construction d’une myriade de nouveaux oléoducs, gazoducs et terminaux de gaz liquéfié, qui peuvent toujours être soutenus par les banques françaises. On peut notamment nommer Société Générale, actuellement impliquée en tant que conseiller financier dans deux projets de terminaux d’exportation de gaz de schiste au Texas et en Louisiane, Rio Grande LNG et Driftwood LNG. Pourtant, l’AIE reconnaît que de nombreux projets prévus ne sont pas nécessaires, et le Comité scientifique recommande de couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur des hydrocarbures non-conventionnels. Ici l’annonce s’aligne sur le plus petit dénominateur commun : BNP Paribas par exemple avait déjà mis fin à ses soutiens aux infrastructures midstream sur gaz de schiste et sables bitumineux.

Contacts presse

  • Alix Mazounie, Reclaim Finance : 06 83 21 36 04, alix@reclaimfinance.org
  • Lorette Philippot, Les Amis de la Terre : 06 40 18 82 84, lorette.philippot@amisdelaterre.org

Reclaim Finance et les Amis de la Terre France publieront cette semaine un dossier de presse dédié à ce sujet.

Notes
1

Comité scientifique et d’expertise de l’Observatoire de la finance durable Avis et recommandations, 2021.

2

Communiqué et dossier de presse de Bercy, 30 octobre 2020.

4

Stockholm Environmental Institute Trends in fossil fuel extraction, avril 2021.