Palma, Mozambique
Crédit : Justiça Ambiental (JA!)
Climat-ÉnergieMultinationales
Communiqué de presse10 octobre 2023

Plainte pénale contre Total pour homicide involontaire au Mozambique : une preuve de plus que le projet gazier ne doit pas être relancé

Une plainte pénale vient d'être déposée en France contre Total pour homicide involontaire et non assistance à personne en danger, par des survivants et des familles de victimes de l'attaque terroriste dévastatrice le 24 mars 2021 à Palma, au Mozambique.

Alors que Justiça Ambiental (JA!) / Amis de la Terre Mozambique et les Amis de la Terre France alertent depuis 2019 1 sur les responsabilités de Total dans le développement de son méga-projet gazier Mozambique LNG malgré la situation humanitaire et sécuritaire, cette plainte 2 vient confirmer que la multinationale française n’avait pas pris les mesures nécessaires au vu des graves risques existants. La situation à Cabo Delgado étant toujours dramatique, JA! et les Amis de la Terre France dénoncent la volonté de Total de relancer ses activités d’ici la fin de l’année, avec le soutien des banques françaises Crédit Agricole et Société Générale 3.

En juin 2020, les Amis de la Terre France, Mozambique et International ont publié un rapport d’enquête « De l’eldorado gazier au chaos » 4, détaillant les risques et impacts du projet pour les droits humains, l’environnement et le climat et la complicité de l’Etat français. Nos associations alertaient alors : « Dans une région en proie à un conflit qui s’envenime, l’exploitation du gaz tourne déjà au cauchemar pour les populations de Cabo Delgado ». 

Suite à l’attaque terroriste de Palma, qui a causé la mort de près de 1200 civils, Total avait déclaré la force majeure et suspendu ses activités en avril 2021 5. Total cherchait ainsi à se libérer de ses obligations contractuelles avec ses sous-traitants, dont beaucoup sont locaux. Cela a non seulement touché les travailleurs des sous-traitants de Total, mais a surtout aggravé la situation des populations locales déplacées par le projet gazier. Le processus de compensation a été suspendu et les communautés ont été abandonnées sans terres ni moyens de subsistance. 

La plainte pénale déposée contre Total confirme aujourd’hui le peu de fi de la multinationale pour les populations locales et ses sous-traitants : bien que consciente de la dégradation de la situation sécuritaire à Cabo Delgado et d’une probable attaque terroriste imminente, l’entreprise a été critiquée pour n’avoir même pas adopté de plan d’évacuation. Pire encore, selon cette plainte qui s’appuie notamment sur l’enquête du journaliste Alex Perry 6, Total aurait refusé de prêter assistance à la société de sécurité DAG qui lui avait demandé du carburant pour ses missions de sauvetage durant l’attaque de Palma. Avant l’attaque, Total avait pressé le gouvernement mozambicain de renforcer la sécurité de la zone gazière. Le jour de l’attaque terroriste, plus de 800 soldats protégeaient le site Afungi de Total, alors que rien ne protégeait la ville et les civils 7.

Publication
De l'eldorado gazier au chaos
Rapport

De l’eldorado gazier au chaos, quand la France pousse le Mozambique dans le piège du gaz

« La négligence de Total à l’égard de ses sous-traitants met en évidence le mépris criminel de l’entreprise à l’égard des personnes affectées par ses activités. N’oublions pas que la majorité des victimes de l’attentat de Palma étaient des habitants de la région ».

Anabela Lenmos
directrice de JA!

Elle poursuit : « Nous pensons que cette action en justice est importante pour remettre en cause l’impunité de ces multinationales, et nous espérons qu’elle étendra les possibilités pour les communautés mozambicaines d’obtenir également justice ».

A aussi été versée au dossier judiciaire l’étude d’Uprights, commanditée par les Amis de la Terre Mozambique, France et Europe 8, qui a identifié des manquements et lacunes graves dans les études d’impacts sur les droits humains réalisées par Total. En cause notamment : les défaillances de l’entreprise dans la prise en compte du conflit armé et dans l’identification des risques liés à ses activités, ce qui a par conséquent causé des violations des droits humains des communautés.

 

Juliette Renaud

« Depuis son entrée dans l’exploitation gazière au Mozambique en 2019, Total n’a cessé de sous-estimer la gravité de la situation sécuritaire et humanitaire, faillant jusqu’à son devoir de venir en aide aux communautés locales et travailleurs en danger de mort. L’impunité doit cesser, il est indispensable que Total rende aujourd’hui des comptes devant la justice ».

Juliette Renaud
Responsable de campagne Régulation des multinationales aux Amis de la Terre France
Lorette Philippot

« Total tente encore aujourd’hui de faire croire, et notamment à ses financeurs et investisseurs, que la situation est sous contrôle et que les actions menées par Mozambique LNG ont un impact positif sur les conditions de vie des populations. »

Lorette Philippot
Chargée de campagne Finance privée aux Amis de la Terre France

Le PDG de Total Patrick Pouyanné a en effet annoncé le 27 septembre dernier à ses investisseurs son objectif de redémarrer le projet Mozambique LNG d’ici la fin de l’année 2023 9. Cependant, sur le terrain, des questions fondamentales restent en suspens et de nombreuses failles identifiées dans le rapport Uprights n’ont toujours pas été comblées par Total. Même si la situation en matière de sécurité s’est améliorée à Palma et autour du site du projet, les communautés ne se sentent toujours pas en sécurité, les organisations de la société civile et les journalistes ne peuvent pas travailler librement, et l’insurrection reste active dans d’autres régions de la province. 

Ce projet ne doit pas être relancé : la réalité du terrain reste problématique, les contrats gaziers sont injustes et les risques pour la population, l’environnement, le climat et l’économie du Mozambique sont extrêmement élevés. Trois Mozambicain.es – dont deux représentant.es de JA! – viendront en témoigner à Paris la semaine prochaine.