Hambach - RWE - charbon - Allemagne
Climat-ÉnergieFinance
16 juillet 2019

Les banques françaises qui financent le charbon allemand

RWE ? Ça ne vous dit peut-être rien, et pourtant, il s'agit du géant du charbon allemand. Derrière ce mastodonte, se cachent des banques françaises : BNP Paribas et Société Générale. On vous explique tout.

RWE, l’ennemi numéro un du climat en Europe

L’entreprise allemande RWE est le premier pollueur en Europe. Ses centrales à charbon émettent plus de 100 millions de tonnes de CO2 par an, soit l’équivalent des émissions cumulées de la Suède, de la Suisse et du Portugal1. On évalue que la pollution de l’air qu’elles génèrent sont déjà responsables de 1 880 morts prématurées et 1 320 hospitalisations chaque année. 2

À 400 km de Paris, en Rhénanie, le géant du charbon exploite le plus grand gisement de lignite – la forme la plus sale de charbon – du monde. Ces mines à ciel ouvert de Hambach et Garzweiler y couvrent une surface de 75 km2, soit plus que la taille de la ville de Lyon, et alimentent deux des cinq centrales les plus polluantes du continent, Neurath et Niederaussem. 3

Un pari contre l’Accord de Paris

Alors que respecter l’Accord de Paris exige que l’Europe sorte définitivement du charbon d’ici 2030, 4 RWE est bien décidé à faire tourner ses mines et centrales à charbon le plus longtemps possible et bien au-delà de cette date, quoi qu’il en coûte au climat, à l’environnement et aux populations.

En décembre 2018, Matthias Hartung, ancien PDG de la division électricité de RWE déclarait que “le temps du lignite n’est pas fini”. 5 Et cette position n’a cessé depuis d’être réaffirmée par la direction du groupe. Au lendemain de la publication en janvier 2019 de l’avis de la commission allemande sur le charbon, RWE dénonçait qu’une sortie du charbon en 2038 arriverait “bien trop tôt” pour son entreprise,6 quand cette date est bien loin de ce que préconise la science climatique. Suite à de longues manifestations locales et protestations de la société civile, RWE a finalement indiqué être disposé à respecter une sortie du charbon en 2038, contre d’importantes compensations publiques pour toute fermeture anticipée d’actifs. Il a en même temps clairement indiqué qu’il ne renoncerait pas à ses activités minières et détruirait des villages à court terme, refusant d’attendre les décision finale et mise en œuvre du plan de sortie du charbon allemand. Lors de son assemblée générale de mai dernier, il a également indiqué être opposé à une date de sortie en 2030. RWE poursuit en outre une stratégie de répression agressive des activistes du mouvement climat, tendant toujours plus la la situation. Ces prises de position publiques ne laissent planer aucun doute sur le rôle assumé de RWE contre la sortie du charbon en Allemagne et en Europe, et contre l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris.

Plus de charbon au prix des villages entiers

Si RWE a finalement dû renoncer à son projet de construction d’une nouvelle centrale BoA+ en région rhénane il y a seulement deux mois, 7 et que la justice allemande a imposé en octobre 2018 la suspension provisoire des plans d’extension de la mines de Hambach,8 les plans d’extension de la mine de Garzweiler n’ont jamais été autant d’actualité.

Pour continuer à extraire du charbon, RWE vide et rase les uns après les autres des villages situés en bordure de la mine, expulsant hors de chez elles et sans leur consentement des milliers de personnes installées ici depuis des générations. Alors qu’au cours des dernières décennies, une quarantaine de villages ont déjà été engloutis par Garzweiler, cinq sont encore menacés de disparition au bénéfice de la production et de la consommation de lignite.

Le dernier en date, le village de Immerath, est en passe d’être totalement rayé de la carte. Le prochain sur la liste est Keyenberg, village de 1 000 ans, dont les limites se situent à tout juste 500 mètres de l’énorme mine à ciel ouvert et dont la disparition est programmée d’ici trois ans. À l’heure où la fermeture de toutes les infrastructures charbon est une priorité vitale, détruire des vies pour du lignite est injustifiable.

BNP Paribas et Société Générale, les banques françaises derrière le désastre RWE

Ces activités destructrices, RWE ne pourrait les mener sans les précieux soutiens d’acteurs financiers. Une chance pour lui, il peut encore compter sur les financements de banques peu regardante : en France, BNP Paribas et Société Générale. Elles ont chacune accordé 133 millions d’euros de financements à RWE entre 2016 et 2018. 9 Début 2019 encore, alors que les mobilisations sur le climat atteingnaient des niveaux records, BNP Paribas et Société Générale renouvelaient leurs participations dans une ligne de crédit de 5 milliards d’euros au bénéfice de RWE. 10

RWE n’est malheureusement pas cas isolé… BNP Paribas et Société Générale ont accordées 4 et 2,4 milliards d’euros aux 120 entreprises les plus agressives dans le développement de nouvelles centrales à charbon entre 2016 et 2018, soit au cours des trois ans qui ont succédé l’adoption de l’Accord de Paris. 11 Elles se classent en outre parmi les 10 premiers financeurs des énergéticiens européens les plus addictes au charbon.

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BNP Paribas et Société Générale à la traîne

Début juin, Crédit Agricole a publié une nouvelle politique ambitieuse sur le secteur du charbon. Elle s’est notamment engagée à exclure les entreprises qui se développent dans le charbon ou qui ne se doteraient pas d’un plan de fermeture de leurs actifs pour une sortie du charbon d’ici 2030 en Europe et dans les pays de l’OCDE, d’ici 2040 en Chine, et d’ici 2050 dans le reste du monde. 12 Cet engagement couvre RWE, avec lesquels la banque française s’est donc engagée à ne plus faire affaire. Cet annonce est arrivée alors que d’autres acteurs financiers privés avaient déjà publiquement pris leur distance avec le géant du charbon allemand. 13

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Au contraire, le groupe BNP Paribas a une politique charbon limitée, même si certaines de ses filiales, dont BNP Paribas Asset Management et BNP Paribas Cardif, sont allées plus loin dans l’exclusion du charbon de leurs portefeuilles d’investissements. 14 Son PDG M. Bonnafé persiste à défendre que RWE est engagée dans un profond processus de transformation pour justifier ses soutiens renouvelés, quand les méthodes agressives employés par ce client pour bloquer une sortie du charbon juste et alignée avec l’Accord de Paris disent bien autre chose. 15

Société Générale a pour sa part fait de nouvelles annonces sur le charbon lors de son assemblée générale de mai 2019, mais celles-ci restent bien en-deçà des meilleures pratiques et à ce stade très floues sur le sort réservé à RWE. 16

BNP Paribas et Société Générale accusent donc un sérieux retard et doivent faire un choix : celui de continuer à être les banquiers de l’industrie du charbon et de ses conséquences climatiques, environnementales, humaines, et sur leurs propres réputations ; ou celui d’engager une véritable sortie du secteur, impliquant de se désolidariser dès à présent de RWE et de toutes les entreprises qui parient encore sur cette énergie du passé.

Notes
5

Lire la déclaration de Matthias Hartung, ancien PDG de la division électricité de RWE

8

Suite à un recours déposé par l’association Bund, les Amis de la Terre Allemagne, la Cour régionale administrative de Münster a estimé que RWE n’avait pas le droit de déboiser la forêt de Hambach tant que la justice n’aura pas examiné ce recours.

10

Deux lignes facilités de crédit de 3 milliards d’euros et 2 milliards d’euros ont été renouvelés en début d’année 2019 à RWE, dans lesquelles ont participé 27 banques dont BNP Paribas et Société Générale.

 

13

L’investisseur norvégien Storebrand a par exemple publiquement dénoncé les agissements de RWE, après avoir cessé toute relation avec l’entreprise allemande.

14

Lire l’article des Amis de la Terre  »Climat : BNP Paribas montre la voie«