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Climat-ÉnergiePollution de l'air et transports
Communiqué de presse30 octobre 2012

Notre Dame des Landes : une aberration manifeste

Les récents événements ont remis le projet d'aéroport de Notre Dame des Landes (NDDL) sur le devant de la scène. Mardi 16 octobre les forces de l'ordre, casquées, bottées et lourdement armées, ont envahi les terrains squattés destinés à la construction de cet aéroport.

_ Depuis, les expulsions, non exemptes de violences, se poursuivent, les bâtiments sont murés, les habitats dits précaires détruits, les personnes empêchées de s’approcher des lieux. Cette démonstration de force se déroule dans une quasi indifférence des medias qui se traduit par un désastreux et violent déni de démocratie.

Car depuis 2008 plusieurs familles se sont installées, à la demande des « résistants » locaux, sur les terres concernées et y ont peu à peu établi des modes de vie alternatifs, solidaires et autonomes.

_ Faut-il rappeler que ce projet d’aéroport est largement porté par l’ancien maire de Nantes, aujourd’hui Premier ministre? Est-ce un hasard si on en arrive aujourd’hui à de telles extrémités ? N’y a-t’il pas de quoi s’interroger sur un possible mélange des genres (pour ne pas dire conflit d’intérêts) de la part d’un chef de gouvernement qui est sensé défendre aujourd’hui l’intérêt général et non des intérêts particuliers, fussent-ils territoriaux ? Et comment interpréter le message que porte cette attitude au moment où le gouvernement, à travers la Conférence environnementale et le débat énergie qui débute, nous dit avoir pleinement conscience des enjeux écologiques auxquels la France doit répondre ?

Pourquoi les Amis de la Terre soutiennent les opposants à l’aéroport ?

Les raisons sont multiples !

Nous ne reviendrons pas sur le déni de démocratie, il est évident et a été largement souligné par d’autres. Concentrons-nous sur les aspects écologiques.

1/ Ce projet est une aberration dans le cadre de la lutte contre le changement climatique : les transports aériens sont de très loin les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre par passager et par tonne de marchandise transportée et à ce titre participent largement au réchauffement de la planète. Alors que les émissions de GES produites en Europe par l’aviation internationale ont augmenté de 100 % depuis 1990, le trafic aérien devrait plus que doubler entre 2005 et 2020. Il faut donc dès aujourd’hui les restreindre, alors qu’on sait qu’un nouvel aéroport constitue un appel d’air pour des transports aériens supplémentaires.

Or on sait déjà que le prochain rapport du GIEC (Groupement International des Experts du Climat) sera catastrophique !

Le gouvernement précédent le reconnaissait implicitement dans le cadre du SNIT (Schéma national des infrastructures de transport) en actant comme principe fondamental le report modal, c’est à dire reporter la mobilité des personnes et des marchandises des modes de transports des plus émetteurs de GES vers les moins émetteurs. La réalité des projets inscrits au SNIT est moins évidente, mais c’est une autre histoire…

2/ Ce projet est une aberration dans le cadre de l’aménagement du territoire : l’aéroport de Notre Dame des Landes est censé désengorger les aéroports parisiens, ce qui implique de multiplier les infrastructures et voies d’accès (aéroport secondaire, autoroute) les plus rapides possibles entre la capitale et Nantes.

Or le gouvernement a réaffirmé lors de la Conférence environnementale la nécessité de stopper ou au moins ralentir l’artificialisation des sols ! Un leurre dans un tel contexte !

3/ Ce projet est une aberration au regard de nos besoins en terres agricoles : il sacrifie 2 000 ha de terres pour la plupart à destination agricole, alors que la France est très loin d’assurer son indépendance alimentaire.

Or la souveraineté alimentaire est parait-il une forte préoccupation de nos gouvernants !

4/ Ce projet est une aberration écologique : sur les 2 000 ha il y a des zones humides protégées, la construction de l’aéroport et des infrastructures qui l’accompagneraient détruiraient des centaines d’hectares de zones naturelles, d’habitat animaliers, et mettrait en péril les continuités écologiques.

Or le PNUE (Programme des Nations unies pour l’environnement) vient d’annoncer que les zones humides ont diminué de moitié en un siècle alors qu’elles sont essentielles à la biodiversité et à la régulation des écosystèmes !

5/ Ce projet est une aberration en termes économiques et de consommation d’énergie : à l’heure où les dernières énergies fossiles auront un coût de production exorbitant et un impact écologique dramatique (comme les seraient les huiles et gaz de schiste), il est impératif de limiter leur usage à de réels besoins pour la société (matériel médical par exemple) et uniquement s’il n’y a pas d’énergie de remplacement possible. L’idée qui a pu germer dans certains esprits d’alimenter les avions avec des agrocarburants est pure folie !

6/ Ce projet est une aberration budgétaire : alors qu’on nous parle quotidiennement de restrictions des dépenses publiques impactant très lourdement les services publics, comment justifier de mettre plus de 540 millions d’euros dans un projet en partenariat avec la multinationale Vinci ? On sait depuis longtemps combien les partenariats public/privé (PPP) sont un gouffre qui hypothèque l’avenir des finances publiques avec bien peu d’avantages en retour pour les usagers… Au même moment, nos gouvernants nous disent qu’on ne peut pas aller plus vite dans la protection de l’environnement et dans la transition écologique parce que ça a un coût trop important pour les finances publiques !

Ces quelques points suffisent à démonter les enjeux d’un tel projet. C’est pourquoi nous en avons fait un symbole et exigeons l’abandon de ce projet. Et nous n’avons pas le droit de lâcher sur un symbole aussi important.

Nous devons nous mobiliser, tous ensemble, car le silence des chaussons peut être au moins aussi destructeur que le bruit des bottes…

Le Conseil fédéral des Amis de la Terre, le 30 octobre 2012