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Climat-Énergie
Communiqué de presse3 avril 2024

Gaz fossile : les Amis de la Terre décryptent la fabrique de la dépendance par l’industrie et l’État

Le rapport « Gaz fossile : la fabrique de la dépendance ; Comment l’industrie fossile et l’État nous enferment dans un modèle énergétique insoutenable », publié aujourd’hui par les Amis de la Terre France avec le soutien de cinq organisations, décrypte les ressorts et acteurs de la fabrique de de la dépendance au gaz fossile.

A contre-courant de l’urgence climatique, les choix politiques passés, influencés par l’industrie gazière, nous ont maintenus dans la dépendance à cette énergie dangereuse pour le climat et dont l’instabilité des prix est connue depuis des années. Pire, la France est même devenue un maillon essentiel du marché du gaz russe. En pratiquant le « transbordement » 1, elle permet à la Russie d’exporter plus de gaz, ce qui finance la guerre et n’a rien à voir avec l’approvisionnement de la France. Alors que la troisième Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), attendue en 2024, doit définir notre trajectoire énergétique pour la prochaine décennie, il est encore temps de refuser de s’enfermer dans cette dépendance délétère pour le climat, les droits humains et l’économie en choisissant une autre voie. Les Amis de la Terre France formulent dix-sept recommandations à mettre en œuvre au plus vite pour changer de cap.  

Publication
couverture du rapport Gaz fossile, la fabrique de la dépendance
Rapport

Gaz fossile, la fabrique de la dépendance : Comment l’industrie fossile et l’Etat nous enferment dans un modèle énergétique insoutenable

Troisième plus grande consommatrice de gaz fossile et première importatrice de GNL (gaz naturel liquéfié) de l’Union européenne, la France n’a pas engagé les politiques nécessaires pour diminuer fortement et durablement sa consommation. Au contraire, les politiques énergétiques passées et le discours actuel le présentent comme une « énergie de transition ».

En 2022, suite à l’invasion russe de l’Ukraine, ce narratif fallacieux s’est doublé d’un nouveau mythe : le GNL permettrait de se passer de gaz russe et serait donc facteur d’indépendance énergétique justifiant ainsi l’explosion des importations (+ 80%). Pourtant, la réalité est toute autre : d’une part, l’État français, les entreprises et les banques étaient impliqués depuis des années dans le développement du GNL, dont les importations ont explosé une première fois en 2018-2019. D’autre part, les importations de GNL depuis la Russie ont augmenté en 2022 et sont restées élevées en 2023. Par ailleurs, le terminal de Montoir de Bretagne fournit un service clé pour le commerce de gaz russe qui n’a rien à voir avec la sécurité d’approvisionnement : le transbordement du gaz depuis les bateaux brise-glaces empruntant la route maritime du Nord vers des méthaniers classiques qui l’exportent ailleurs dans le monde, permettant ainsi une plus grande rotation des brise-glaces.

Autre instrumentalisation de la guerre en Ukraine : la nécessité de se passer de gaz russe sert de justification à des dizaines de projets d’augmentation des capacités d’importation de GNL à travers l’Europe, verrouillant les systèmes énergétiques pour de nombreuses années. En France, en plus du terminal flottant au Havre mis en service en octobre 2023, six projets ont fait discrètement surface. Ils pourraient augmenter la capacité d’importation française de GNL de 75 % par rapport à 2021. Pourtant, là encore la réalité démontre l’absurdité de ces projets portés par GRT Gaz : les capacités actuelles sont suffisantes pour couvrir nos consommations en gaz fossile et la demande baisse.

Anna-Lena Rebaud

« Ces phénomènes à l’œuvre depuis 2022 font écho à d’autres ces dernières années. Ils mettent en évidence que la dépendance au gaz fossile n’est pas inéluctable, mais fabriquée : elle est issue de choix politiques, influencés par les intérêts de l’industrie fossile. »

Anna-Lena Rebaud
chargée de campagne gaz fossile et transition juste aux Amis de la Terre France

Ainsi, l’État français entretient depuis des années notre dépendance au gaz, et ce de multiples manières : une politique énergétique défaillante qui retarde la sortie du gaz fossile ; un jeu trouble au niveau européen afin de soutenir le gaz et le nucléaire quitte à amoindrir le Pacte vert (Green Deal) ; un soutien protéiforme aux entreprises et banques qui développent des projets gaziers à l’international (Russie, Mozambique, États-Unis) ; un État actionnaire d’Engie qui ferme les yeux sur la politique expansionniste du groupe ; ou encore poursuite des financements publics au gaz.

La France et l’Europe sont à un tournant.  Il est encore temps de stopper le déploiement de nouvelles infrastructures d’importations de GNL afin de freiner la fabrique de la dépendance. Pour cela, il est nécessaire de réduire fortement les usages du gaz et de mettre fin aux usages non nécessaires, en transformant les systèmes agricoles pour se passer d’engrais chimiques, et en réduisant l’usage du plastique et les flux de transport de marchandises. La rénovation énergétique doit permettre de réduire l’usage du gaz dans le résidentiel et le tertiaire, mais aussi le coût du chauffage pour les ménages alors que 5,2 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique en France. Développer un système électrique 100 % renouvelable est aussi nécessaire, en veillant à ne pas reproduire les travers de l’industrie fossile (centralisation, priorité aux profits, au détriment des écosystèmes et au mépris des droits des communautés) et en assurant un réel contrôle démocratique.

L’État doit jouer un rôle proactif pour planifier et mettre en œuvre une politique cohérente, démocratique et juste de sortie du gaz fossile.

Ce rapport est soutenu par :

  • Beyond Fossil Fuels
  • Food and water action Europe
  • Razom We Stand
  • Reclaim Finance
  • Réseau Action Climat
Notes
1

Transbordement : transfert de GNL d’un navire à un autre sans le regazéifier. Le transbordement se distingue donc de la réexportation où le GNL est regazéifié, stocké dans les terminaux puis reliquéfié et exporté. Le gaz transbordé n’est pas comptabilisé dans les flux transitant par la France, contrairement au gaz importé puis réexporté.