Climat-Énergie
Communiqué de presse3 mars 2011

Grande agitation autour de l’Atelier technologique de plutonium à Cadarache

Grande agitation autour de l'Atelier technologique de plutonium à Cadarache : les visites d'inspection de l'Autorité de Sûreté Nucléaire s'enchaînent, révélant des dysfonctionnements de plus en plus inquiétants

Marseille et Montreuil, le 3 mars 2011- Atelier Technologique de Plutonium (ATPu) : rappel des « incidents » de 2009 et 2010

L’ATPu avait pour fonction de fabriquer manuellement dans des boîtes à gants du combustible MOX (Mélange d’Oxydes) à partir de poudres d’oxydes d’uranium et de plutonium. La production cesse en 2003, la fermeture étant réclamée depuis 1995 pour non-conformité aux normes parasismiques. Le décret de démantèlement de l’installation paraît en mars 2009. Ce décret reçoit préalablement l’avis favorable de l’Autorité de Sûreté Nucléaire et de la CLI (Commission Locale d’Information) de Cadarache.

Le premier incident grave est signalé en octobre 2009. Le CEA de Cadarache déclare, après les tous premiers mois de démantèlement, un écart de masse de plutonium de 39 kilos par rapport à son stock prévisionnel. Les visites de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) s’étaient pourtant succédées en 2009 et les deux inspections des 15 mai et 5 août 2009 n’avaient fait état d’aucun écart notable.

Le démantèlement se poursuit néanmoins mais, fin 2010, de nouveaux incidents se produisent : des quantités de plutonium supérieures à la dose admissible sont relevées dans des fûts stockés à l’ATPu.

Début 2011, le Collectif Anti-nucléaire 13, les Amis de la Terre France et des particuliers, considérant que l’enquête publique soumise aux citoyens en 2008 contenait des données trompeuses sur les quantités de plutonium présentes dans l’installation et que, par conséquent, toute la procédure de démantèlement et de détermination des filières de stockage ultérieures était également faussée, déposent un recours en référé auprès du Conseil d’Etat pour faire suspendre en urgence le démantèlement de l’ATPu.

L’ASN semble s’inquiéter de la situation et procède coup sur coup à deux visites d’inspection en début d’année.

Au fil des visites d’inspection de l’ASN, les dysfonctionnements dévoilés sont de plus en plus stupéfiants

La première visite d’inspection, en janvier, concernait le thème de la criticité (1) et en particulier la vérification de l’étalonnage d’un poste de comptage du plutonium. L’ASN note dans sa lettre de suite (4) que sur une cellule « le rapport d’étalonnage fait état d’une incertitude de mesure de plus de 48 % » et que « cette incertitude n’est pas prise en compte pour l’application des règles d’entreposage », règles qui imposent un écartement minimum entre les fûts entreposés pour éviter le risque de criticité.

Ces mesures sont par ailleurs effectuées par un sous-traitant dont l’exploitant « n’a pas pu apporter la démonstration de la maîtrise de la compétence » !!!

Enfin, nous apprenons que l’ingénieur spécialisé en criticité ne contrôle pas systématiquement « les dossiers de demandes d’avis pour modification … relatifs à la prévention du risque de criticité ».

La deuxième visite d’inspection, début février, concernait le thème des déchets dans l’ensemble du centre de Cadarache, avec application en particulier à l’ATPu. Les révélations sont, là encore, stupéfiantes…

On y apprend que « la circulaire centre de Cadarache sur la gestion des déchets n’est pas correctement appliquée…. en particulier sur les installations ATPu et LPC », que l’installation ATPu utilise une application Excel pour la gestion et la comptabilisation des déchets au lieu du logiciel « Caraïbes » dont l’utilisation est légalement requise pour la tenue à jour des déchets du centre de Cadarache. Quand « les données (y) sont renseignées », c’est par un prestataire et le « correspondant déchets » du CEA auprès de l’ATPu ne les valide pas systématiquement. Et pour cause, il n’a suivi aucune formation sur ledit logiciel ! (2)

AREVA, opérateur du démantèlement, est censé surveiller l’activité de gestion des déchets. Or, cette surveillance « n’est pas tracée et ne fait pas l’objet d’un programme pré-établi » !

Enfin, nous apprenons que des déchets dits « sans filière immédiate » (DSFI) sont présents dans l’ATPu mais qu’ils ne figurent pas à l’inventaire des déchets présenté par AREVA. On ne connaît ainsi ni leurs quantités, ni leurs teneurs en radioactivité, ni les conditions de sécurité de leur stockage. Dans de telles conditions, l’on est en droit de se demander si des stocks de plutonium ne pourraient pas éventuellement disparaître du centre de Cadarache sans contrôle.

Or, nonobstant toutes ces aberrations, qui semblent relever d’un bricolage surréaliste, le démantèlement se poursuit imperturbablement. Les réponses que l’exploitant doit à l’ASN n’arriveront pas avant la fin avril et ne seront pas rendues publiques.

Le recours déposé par le Collectif Anti-nucléaire 13, les Amis de la Terre France et des particuliers pour la suspension/annulation du décret de démantèlement de l’ATPu de Cadarache a été jugé recevable par le Conseil d’Etat. L’audience aura lieu courant mars.

Les citoyens, les riverains, les travailleurs de Cadarache ont le droit d’accéder à des informations non biaisées sur les quantités de plutonium détenues à l’ATPu et sur les risques auxquels les expose cette calamiteuse gestion de matières hautement sensibles, radioactives et radiotoxiques.

Contacts Presse :

Isabelle Taitt, Collectif Anti-nucléaire 13, 06 82 45 13 89

Caroline Prak, Les Amis de la Terre, 06 86 41 53 43

Gilles Merlier, particulier, 06 61 86 21 26

Notes :

(1) Pour mémoire, le risque de criticité, c’est-à-dire de déclenchement d’une réaction en chaîne incontrôlée, se situe pour le plutonium autour de 200 g de matière fissile dans des conditions comme celles présentes à l’ATPu. Pour les risques sanitaires d’inhalation ou d’ingestion de plutonium, les quantités s’évaluent au microgramme près, soit un millième de milligramme.

(2) Pour une industrie qui se targue toujours d’être à la pointe de la technologie, on semble à Cadarache curieusement « fâché » avec l’informatique. Le logiciel CONCERTO utilisé à l’ATPu pour la comptabilisation du plutonium a été abandonné pour son manque de fiabilité à l’usine MELOX de Marcoule dès 2004, c’est-à-dire bien avant les autorisations du décret de démantèlement.