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Multinationales
Communiqué de presse25 octobre 2018

Lobbying : les Amis de la Terre France déposent un recours contre le Conseil constitutionnel

Les Amis de la Terre France déposent aujourd’hui un recours inédit contre le Conseil constitutionnel. Ce recours fait suite à l'absence de réponse du Conseil constitutionnel à la demande formelle des Amis de la Terre France que ce dernier adopte un règlement pour encadrer la pratique des contributions extérieures, comme le veut la loi.

Dans une enquête publiée en juin, les Amis de la Terre France et l’Observatoire des multinationales avaient révélé les influences exercées par les lobbies sur le Conseil constitutionnel, notamment au travers de la transmission de contributions extérieures concernant les textes de loi soumis au Conseil constitutionnel pour une éventuelle censure (3).

Ces dernières années, le Conseil constitutionnel est devenu un lieu de plus en plus important de lobbying pour les milieux économiques, qui s’en sont saisi avec succès pour faire annuler ou amoindrir des réformes qui leur déplaisaient. Cette influence s’exerce notamment au travers de contributions extérieures, dites « portes étroites », transmises au Conseil constitutionnel afin de l’inciter à censurer une ou plusieurs dispositions de lois adoptées par le Parlement.

Ces « portes étroites » ne sont même pas transmises au gouvernement, qui doit donc défendre les lois devant le Conseil constitutionnel sans même connaître tous les arguments en faveur de la censure.

Face aux censures répétées de mesures législatives d’intérêt général, telles que la lutte contre l’évasion fiscale ou l’accaparement des terres, la société civile tente également de se saisir de cet espace pour contrer les arguments des lobbies, comme Les Amis de la Terre et leurs partenaires l’ont fait avec succès dans le cadre de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales (4).

Mais pour véritablement rééquilibrer le rapport de force, il faut rendre les processus de délibérations du Conseil constitutionnel plus transparents et contradictoires. C’est en ce sens que les Amis de la Terre France avaient saisi en juin cette instance d’une demande formelle d’adoption d’un règlement indispensable pour mieux encadrer la procédure de contrôle de constitutionnalité et le rôle des contributions extérieures dans les décisions.

Le Conseil constitutionnel n’a jamais répondu, ce qui équivaut une décision implicite de rejet, qu’attaquent aujourd’hui les Amis de la Terre France auprès du Conseil d’État.

Pour Juliette Renaud, chargée de campagne sur la Régulation des multinationales aux Amis de la Terre France, « A notre connaissance, c’est la première fois qu’un tel recours est présenté contre le Conseil constitutionnel. Aujourd’hui il y a une influence démesurée des lobbies du secteur privé, reflétée dans un nombre croissant de décisions de censure au nom des « droits et libertés » des entreprises, et aux dépens de la justice sociale et environnementale. Si le Conseil constitutionnel reçoit de fait des contributions extérieures, il faut que leur contenu soit rendu public dès leur réception, et que la procédure soit connue et accessible à tous ».

Louis Cofflard, avocat des Amis de la Terre France, conclut : « L’article 56 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel oblige en principe ce dernier à « compléter par son règlement intérieur les règles de procédure applicables devant lui », autrement dit à n’admettre la pratique des contributions extérieures que sous réserve de l’inscrire dans un règlement de procédure. Malgré ces dispositions claires, l’association n’a désormais d’autre choix que de s’en remettre à la justice administrative en l’invitant à faire évoluer sa jurisprudence pour considérer le refus d’adopter un tel règlement comme un acte administratif susceptible d’annulation ».

Contact presse : 

  • Juliette Renaud : 09 72 43 92 61/ 06 37 65 56 40 – juliette.renaud@amisdelaterre.org

Notes :
(1) La lettre de demande formelle au Conseil constitutionnel est disponible ici.

(2) En vertu de l’article 56 de l’Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, « Le Conseil constitutionnel complétera par son règlement intérieur les règles de procédure applicables devant lui édictées par le titre II de la présente ordonnance. Il précisera notamment les conditions dans lesquelles auront lieu les enquêtes et mesures d’instruction prévues aux articles 42, 43 et 45-5 sous la direction d’un rapporteur. ».

(3) Le rapport « Les Sages sous influence ? Le lobbying auprès du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État » est disponible ici.

(4) Cette contribution adressée au Conseil constitutionnel avait été rendue publique : voir notre communiqué de presse et le texte du mémoire transmis au Conseil constitutionnel.
En mai 2018, les Amis de la Terre ont demandé au Conseil constitutionnel d’avoir accès aux autres contributions reçues sur cette loi, mais n’ont jamais obtenu de réponse.