Climat-Énergie
Communiqué de presse7 juillet 2022

PJL pouvoir d’achat : le gouvernement tente d’imposer un terminal gazier en dérogeant aux normes environnementales

Le gouvernement vient de présenter en Conseil des ministres le projet de loi “pouvoir d’achat”. Son article 12 prévoit une série d’inquiétantes dérogations, introduites dans l’objectif de permettre l’installation accélérée d’un nouveau terminal méthanier flottant au Havre par Total.

Et ce en balayant les procédures légales d’évaluation des impacts environnementaux. Les Amis de la Terre France alertent sur les dangers de cette discrète manœuvre, qui instrumentalise la crise énergétique et l’enjeu du pouvoir d’achat au profit de l’industrie fossile. Ils demandent la suppression totale de l’article 12 et la mise en place d’un véritable plan pour l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables.

⚠️ Mise à jour au 08/07/22: le texte du projet de loi « pouvoir d’achat » a légèrement été modifié dans sa version présentée en Conseil des ministres. Le numéro des articles changent, mais les risques demeurent les mêmes : nous demandons la suppression des articles 13 et 14.

Elisabeth Borne et Agnès Pannier-Runacher l’avaient annoncé le 23 juin dernier : le gouvernement souhaite l’installation d’ici septembre 2023 d’un nouveau terminal flottant d’importation de gaz liquide (GNL) au Havre 1. Pour tenir ces délais, la première ministre compte sur un plan de “simplification des procédures” inscrit au projet de loi “pouvoir d’achat”. Mais cet article 12 permet en réalité à Total – propriétaire et opérateur du terminal – et à Engie – notamment en charge de la construction du gazoduc raccordant le terminal au réseau gazier existant – de ne pas s’encombrer de consultations publiques ou d’études d’impacts.  

Lorette Philippot

“Ce régime d’exception accordé à Total et institutionnalisant le non-respect de normes évidemment indispensables pour protéger l’environnement et les personnes est scandaleux. « 

Lorette Philippot
Chargée de campagne finance privée aux Amis de la Terre France

Elle poursuit : « On parle ici de développer une nouvelle méga-infrastructure de gaz fossile dans le port du Havre, qui aura non seulement de lourdes implications climatiques 2, mais qui pose également des risques directs pour la sécurité et la santé des travailleurs et des habitants. Rappelons que les terminaux méthaniers et les gazoducs sont régulièrement le théâtre d’accidents graves 3, et exigent à ce titre d’être scrutés de près.” 

La construction, et dans de telles conditions, d’un nouveau terminal de GNL n’est pas une réponse au problème brûlant du pouvoir d’achat. Ce n’est pas un cadeau fait aux Français, mais bien aux entreprises des énergies fossiles et à Total en premier lieu, qui réalise déjà des superprofits sur le dos de l’explosion des prix de l’énergie.” 

Face à la guerre en Ukraine, le gouvernement tout juste formé se contente dans ce projet de loi de mesures de relance des énergies fossiles, en retardant la fermeture des centrales à charbon et développant de nouvelles infrastructures gazières. L’absence d’actions concrètes et ambitieuses en faveur de la sobriété, de l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables est à déplorer, quand le contexte géopolitique montre plus que jamais l’urgence de miser sur ces solutions pour construire notre indépendance énergétique et lutter contre les dérèglements climatiques 4.

« Le gouvernement avance dans l’opacité et l’impunité la plus totale sur ce dossier. Il tente de faire passer en force et en vitesse un nouveau terminal au Havre, alors que nous ignorons tout du coût de cet investissement, de sa durée d’opération prévue, de la provenance du gaz, ou de ses conséquences environnementales et climatiques ».

Lorette Philippot
chargée de campagne finance privée aux Amis de la Terre France

« Conséquences qui s’annoncent pourtant critiques dès lors qu’on parle de GNL et très probablement de gaz de schiste 2. Cette manœuvre est alarmante au regard des implications futures d’une telle infrastructure : elle menace de nous enfermer dans des années voire des décennies de nouvelles émissions de gaz à effet d serre, de dépendance énergétique, et de risques industriels. Nous ne pouvons pas nous le permettre, l’article 12 doit être supprimé.” 

Notes
2

Les Amis de la Terre France publierons demain une note de décryptage sur les 10 raisons pour lesquelles le GNL n’est pas une solution viable, détaillant l’ensemble des impacts notamment climatiques de cette industrie.

3

Pour des exemples récents d’accidents liés au GNL, voir le rapport des Amis de la Terre Europe et de Food & Water Action Europe : “LNG : the liquid path to climate chaos”. Des accidents sont survenus dans les dernières années, comme en 2014 dans une usine de stockage de GNL de l’État de Washington aux Etats-Unis, qui a fait plusieurs blessés parmi les travailleurs, causé l’évacuation de centaines de personnes et provoqué une explosion violente. Un accident a également eu lieu dans un terminal de GNL en Algérie en 2004, faisant 27 morts et 74 blessés.

4

En Europe, les énergies propres peuvent à elles seules remplacer deux tiers des importations de gaz russe d’ici 2025, sans nécessité le développement de nouvelles infrastructures gazières, selon une étude récente de E3G : “EU can stop Russian gas import by 2025”.