pollution de l'air en ville
Pollution de l'air et transports
Communiqué de presse25 mars 2021

Pollution de l’air : pour une amende maximale face à la récalcitrance de l’Etat

Les Amis de la Terre France, Greenpeace France et 55 autres requérants démontrent à nouveau l’inaction de l’Etat contre la pollution de l’air. Ils demandent le doublement de l’astreinte prononcée par le Conseil d’Etat le 10 juillet 2020.

Malgré le délai supplémentaire de six mois qui lui avait été laissé, le Gouvernement n’a toujours pas pris les mesures nécessaires concernant la pollution atmosphérique dans 8 zones (Grenoble, Lyon, Strasbourg, Reims, Marseille-Aix, Toulouse, Paris et Fort de France) 1. Les justifications demandées par le Conseil d’Etat ont été fournies en retard par le Gouvernement, et ne sont toujours pas convaincantes.

Ce n’est que le 25 janvier 2021, deux semaines après la date butoir, que le Ministère de la Transition Écologique et le Premier Ministre ont fourni les pièces demandées par le Conseil d’Etat, censées préciser les mesures prises en faveur de la qualité de l’air depuis le mois de juillet 2020. L’analyse de ces documents 2 montre leur grave insuffisance : la persistance du dépassement des concentrations de polluants prouve, une fois de plus, que l’Etat ne se conforme toujours pas aux normes sur la qualité de l’air. Face à cette inaction, qui persiste malgré la menace de l’astreinte de 10 millions d’euros par semestre, nous demandons le paiement d’une amende maximale. 

Selon une nouvelle étude, publiée début février 3, un décès sur cinq dans le monde serait imputable à la pollution de l’air, soit environ 9 millions de morts par an. Selon cette même étude, en France, 100 000 décès prématurés seraient attribuables à cette pollution, soit 17,3% de l’ensemble des décès. Ce constat alarmant devrait pousser le Gouvernement à prendre des mesures structurantes pour améliorer rapidement la qualité de l’air dans les villes concernées. Or, force est de constater que les quelques mesures prises, dans le secteur des transports notamment, ne sont pas à la hauteur de l’enjeu de santé publique et reflètent un grave manque de volonté de la part des décideurs. De plus, les preuves s’accumulent pour démontrer que les épisodes de pollution de l’air aggravent la crise sanitaire liée au COVID-19 4.

Dans le cadre de l’examen du projet de loi Climat & Résilience, en cours à l’Assemblée nationale, le Gouvernement se montre d’ailleurs actuellement défavorable aux tentatives de rehausse de l’ambition du texte, notamment sur des enjeux structurants relatifs à la lutte contre la pollution liée au trafic automobile et routier. Le Gouvernement a choisi de proposer des mesures symboliques n’ayant qu’un impact dérisoire sur la réduction des émissions, telles qu’une interdiction de vente de voitures qui ne touchera que 1 à 3% du marché dans 10 ans 5. L’accompagnement social de la transition est délaissé : les  véhicules peu polluants restent trop coûteux pour les ménages les plus modestes sans alternatives à la voiture. 

Depuis juillet, l’absence d’efforts du Gouvernement en matière de pollution de l’air et d’émissions de gaz à effet de serre (dans l’Affaire Grande Synthe) est pourtant dans le collimateur du Conseil d’Etat, qui a publié de manière inhabituelle un calendrier pour la suite des deux procédures 6. On peut espérer que cette fois, l’immobilisme étatique ne restera pas impuni.

Au niveau européen 7, l’Etat Français est également épinglé à de multiples reprises. Une première condamnation le 24 octobre 2019, pour non-respect des valeurs limites applicables aux concentrations de dioxyde d’azote (NO2) dans douze zones de qualité de l’air, a été suivie le 3 décembre dernier d’une mise en demeure par la Commission Européenne. Le 30 octobre 2020, la Commission européenne a fait un nouveau recours contre la France constatant une nouvelle fois la violation systématique des règles de l’Union concernant les niveaux de particules fines sur des durées de plus de dix ans.

En réponse aux justifications fournies par l’Etat, notre mémoire suggère au Conseil d’Etat de mettre en place un “fléchage” du produit de l’astreinte, en fonction des circonstances locales et au profit de personnes morales, publiques ou privées, en charge du service public de la gestion de la qualité de l’air et qui ont, elles, la volonté d’agir. En effet, il n’y a plus de temps à perdre dans les zones concernées et le produit de l’astreinte devra être mobilisé à cet effet. 

Nous serons attentifs à la troisième décision du Conseil d’Etat à venir d’ici cet été, qui déterminera si l’Etat doit payer une astreinte, le montant de cette dernière, les bénéficiaires ainsi que la répartition. Face à l’immobilisme du Gouvernement, le Conseil d’Etat doit non seulement s’assurer de la bonne exécution de sa décision, mais aussi de l’application de l’astreinte maximale.

 

Liste des co-signataires

  • Actions Citoyennes pour une Transition Énergétique Solidaire 
  • Alertes Nuisances Aériennes  
  • Alofa Tuvalu 
  • Alsace Nature
  • Amis de la Terre Côte d’Or 
  • Amis de la Terre France 
  • Amis de la Terre Paris  
  • Amis de la Terre Val de Bièvre 
  • Association de défense contre les nuisances aériennes (ADVOCNAR)
  • Association de protection des collines peypinoises 
  • Association pour la sauvegarde du patrimoine et de l’environnement à Antony (ASPEA)
  • Association Vexinoise de Lutte Contre les Carrières Cimentières
  • CAN Environnement 
  • Cap au Nord 
  • Champagne-Ardenne Nature Environnement 
  • Chaville Environnement
  • Collectif Inter-associatif du Refus des Nuisances Aériennes (CIRENA)
  • Collectif contre les nuisances aériennes de l’agglomération toulousaine 
  • Crâne Solidaire 
  • Défense des Intérêts des Riverains de l’Aérodrome de Pontoise-Corneilles en Vexin 
  • Défense des riverains de l’aéroport de Paris-Orly 
  • Environnement 92 
  • Fédération des associations de défense de l’environnement de l’agglomération lyonnaise (FRACTURE) 
  • France Nature Environnement Bouches-du-Rhône 
  • France Nature Environnement Bourgogne Franche-Comté 
  • France Nature Environnement Ile-de-France
  • France Nature Environnement Paris
  • Greenpeace France 
  • Nord Ecologie Conseil
  • Notre Affaire à Tous 
  • Réseau Action Climat
  • Respire
  • SOS Paris
  • Union des Calanques Littoral 
  • Union Française Contre les Nuisances des Aéronefs 
  • Val de Seine Vert 
Notes
1

Saisi par les Amis de la Terre France, le Conseil d’État avait ordonné le 12 juillet 2017 au Gouvernement de mettre en œuvre des plans pour réduire les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) et de particules fines (PM10) dans 13 zones en France, conformément aux exigences de la directive européenne sur la qualité de l’air. Le Gouvernement a ignoré cette décision, ce qui a motivé une second recours en exécution forcée en 2018, regroupant 77 requérants – associations de défense de l’environnement et lanceurs d’alerte. Constatant le 10 juillet 2020 (2), que le Gouvernement n’avait toujours pas pris toutes les mesures demandées dans 8 zones (Grenoble, Lyon, Strasbourg, Reims, Marseille-Aix, Toulouse, Paris et Fort de France), le Conseil d’Etat lui a ordonné d’agir dans un délai de six mois, sous peine d’une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard.

5

Sur le projet de loi Climat et Résilience, voir les articles suivants :

  • Article 25 sur la fin de vente des véhicules diesel et essence
  • Article 27 sur l’amélioration du dispositif des zones à faibles émissions (ZFE)

Voir aussi l’analyse du titre ‘Se déplacer’.

7

Sur la mise en demeure par la Commission Européenne : 

Le Monde, Pollution de l’air : la Commission européenne menace la France d’une lourde amende, 3 décembre 2020; Commission Européenne, Qualité de l’air: la Commission prie la FRANCE d’exécuter l’arrêt de la Cour de justice sur la qualité de l’air dans les grandes villes. Voir aussi l’arrêt du 24 octobre 2019, dans laquelle la Cour Européenne de Justice a constaté que la France n’avait pas respecté les valeurs limites applicables aux concentrations de dioxyde d’azote (NO2) dans douze zones de qualité de l’air. Le 30 octobre 2020, la Commission Européenne a également lancé un autre recours contre la France devant la Cour de Justice de l’Union Européenne, notant que « Les données fournies par la France confirment le non-respect systématique des règles de l’Union relatives aux valeurs limites pour les particules fines dans les zones de Paris et de la Martinique sur une durée de, respectivement, douze et quatorze ans. En conséquence, la Commission saisit la Cour de justice de l’Union européenne d’un recours contre la France”, Commission Européenne, Qualité de l’air : la Commission décide de saisir la Cour de justice d’un recours contre la France, 30 octobre 2020.