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FinancePollution de l'air et transports
4 avril 2016

Compenser les émissions de l’aviation n’est pas à la hauteur du défi climatique

Alors que l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) se réunie aux Pays-Bas pour discuter de leur action pour faire face au changement climatique, plus de 80 organisations internationales lui demandent de renoncer à la compensation carbone et d'adopter un plan qui réduit leurs émissions.

L’aviation est l’un des deux seuls secteurs au monde à ne pas avoir d’objectifs de réduction d’émissions. Suivant le scénario tendanciel, les émissions du secteur de l’aviation pourraient augmenter de 300% à 700% d’ici 2050 bien que ce moyen de transport ne soit utilisé que par 3 à 7% de la population mondiale. A sa prochaine session en septembre 2016, l’OACI a l’intention d’adopter des mesures qui permettront d’atteindre une “croissance neutre en carbone” d’ici 2020 1. Elle propose, pour cela, d’utiliser la compensation carbone via un mécanisme de marché mondial.

Sylvain Angerand, coordinateur des campagnes pour les Amis de la Terre France, signataire de la déclaration explique: “ Ce plan n’est pas une surprise : depuis plusieurs années, Air France s’est lancé dans un projet de compensation carbone à Madagascar qui exacerbe les tensions avec les communautés2. Au départ, il s’agissait d’un projet scientifique puis d’un projet de compensation carbone volontaire et, avec la proposition de l’OACI, ce projet pourrait devenir un moyen d’éviter d’indispensables efforts de réduction des émissions.”

La réunion d’Utrecht des 4 et 5 avril est une étape du processus de consultation des membres européens de l’OACI afin de réfléchir à un mécanisme de marché mondial.

La déclaration des ONG affirme que vouloir compenser la majorité des émissions du secteur empêche l’adoption de vraies mesures de réduction. L’attention particulière portée au carbone terrestre et forestier poussent les signataires à réaffirmer que les forêts et les terres ne peuvent en aucun cas compenser des émissions d’énergies fossiles permanentes.

Les propres normes de l’OACI excluent le double comptage des crédits carbone, ce qui est particulièrement difficile quand cela concerne les forêts : le carbone séquestré dans les forêts est déjà comptabilisé dans les bilans nationaux de gaz à effet de serre, à travers les contributions prévues déterminées au niveau national (CPDN). La compensation carbone forestière ne permet aucune réduction d’émission permanente puisque les stocks de carbone des forêts sont réversibles.
Les normes de l’OACI prévoient également que les compensations “ne causent aucun préjudice”. Au vu des innombrables conflits sociaux liés à la compensation carbone dont sont victimes des peuples qui n’ont plus accès aux terres et à qui on a restreint l’usage des forêts, les compagnies aériennes devraient réfléchir à deux fois avant de causer d’éventuels préjudices aux communautés concernées au risque de ternir leur réputation.

“La compensation carbone ne permet pas de réduire les émissions relâchées dans l’atmosphère, déclare Maxime Combes, porte-parole d’Attac France sur les enjeux climatiques. Au contraire, la compensation carbone est un moyen de se détourner de l’essentiel : au rythme actuel, il ne faudra que six années pour que le cap des 1,5°C soit hors de portée. Réduire massivement les émissions mondiales, sans mécanisme de compensation, est le seul choix possible, y compris dans le secteur de l’aviation.”

Contacts presse :

Pour Amis de la Terre france : Sylvain Angerand au 07 51 69 78 81

Pour Fern : Hannah Mowat, hannah@fern.org, 06 79 11 80 91

Pour Attac France : Maxime Combes, maxime.combes@gmail.com, 06 24 51 29 44

La déclaration et la liste des signataires sont disponibles sur : www.fern.org/ICAO

Notes
1

Pour parvenir à une croissance neutre en carbone, l’OACI propose d’améliorer le rendement du carburant de la flotte aérienne mondiale d’1,5 % par an en moyenne (un but quasiment déjà dépassé), de stabiliser les émissions nettes de CO2 de l’aviation aux niveaux de ceux de 2020, grâce à la soi-disante “croissance neutre en carbone”, et de réduire de moitié les émissions nettes de CO2 de l’industrie d’ici 2050, par rapport à 2005. Voir plus de détails.