Climat-Énergie
14 août 2012

Japon – Le gouvernement s’acharne à relancer le nucléaire

Le Premier ministre japonais a ordonné le 16 juin 2012 le redémarrage de deux réacteurs nucléaires. Une décision antidémocratique et scandaleuse, face à une opinion japonaise mobilisée pour l’arrêt du recours à l’énergie atomique.

L’annonce de la relance de deux réacteurs à Ohi a suscité de fortes réactions : une pétition appelant à l’abandon de l’énergie nucléaire a déjà réuni 7 millions de signatures, des milliers de manifestants se sont regroupés devant la résidence du Premier ministre les 15 et 16 juin, et, le 29 juin, à Tokyo, ils étaient des dizaines de milliers dans la rue. Du jamais vu !

Sur le plan international, une demande de soutien émanant des Amis de la Terre Japon et d’associations asiatiques vigoureusement opposées à tout redémarrage de centrales atomiques au Japon [1] a été formulée. Y faisant suite, les Amis de la Terre France, sans nier “la lourde et multiforme responsabilité de notre pays dans la prolifération planétaire de matières et technologies nucléaires”, ont écrit à l’ambassadeur japonais en France pour qu’il relaie les demandes d’arrêt auprès de monsieur Noda, le Premier ministre japonais [2].

Pour Martine Laplante, présidente des Amis de la Terre France, “toute banalisation politicienne du péril planétaire que représente aujourd’hui encore la situation à Fukushima et des effets de la radioactivité déjà dispersée au Japon serait d’une incommensurable gravité pour l’ensemble de l’humanité et ses chances de survie à court terme sur cette planète.”

Une protestation nécessaire

La décision de relancer les réacteurs a longuement été préparée. Le premier Ministre a justifié la remise en marche des unités 3 et 4 d’Ohi par de prétendues pénuries d’électricité à venir, l’arrêt des réacteurs privant le pays de 30 % de sa production électrique antérieure : l’énergie nucléaire reste selon lui “une source cruciale d’électricité” [3]. Les deux réacteurs d’Ohi, exploités par Kansai Electric Power, ont étéjugés sûrs par l’Agence de sécurité nucléaire, placée, entre autres, sous la tutelle du ministère de l’Industrie, ouvertement pronucléaire. Les motifs d’opposition sont pourtant nombreux.

De fait, la décision du gouvernement intervient alors qu’on ignore encore la vérité sur la fusion de trois réacteurs à Fukushima. En outre, les Amis de la Terre Japon soulignent que le Premier ministre japonais s’appuie sur des stress tests. Or, à ce jour, des mesures de sécurité essentielles exigées par ces tests n’ont pas été mises en oeuvre à Ohi. De plus, tout nouveau référentiel de normes de sécurité doit être formulé et supervisé par une agence de sûreté nucléaire véritablement indépendante… qui n’existe pas encore!: les procédures parlementaires à ce sujet viennent juste de commencer. Enfin, la forte augmentation de l’activité sismique au Japon depuis le tremblement de terre et le tsunami géant du 11 mars 2011 est alarmante, avec la présence de failles sismiques actives non loin des réacteurs d’Ohi, et peut-être même sous le site nucléaire.

Malgré l’opposition d’une très large majorité des Japonais et de certains membres et députés de son propre parti, monsieur Noda a affirmé que le gouvernement assumerait pleinement ses responsabilités devant la population en cas de relance.

> CAROLINE PRAK

[1] Parmi ces associations : Citizens’ Nuclear Information Center, Green Action, No Nukes Asia Forum, Peace Boat et Shut Tomari.

[2] Texte complet « Non au redémarrage de deux réacteurs à Ohi, au Japon ! »

[3] Annonce faite le 15 juin 2012 lors de la conférence de presse qui s’est tenue à Tokyo.