Finance
17 août 2012

La Banque européenne d’investissement, c’est quoi ?

La Banque européenne d’investissement (BEI) est la plus grosse institution financière internationale publique au monde en termes de volume de prêt. Dotée d’un mandat de développement durable et d’éducation, elle finance de plus en plus de projets dans les pays du Sud. Mais sans normes sociales et environnementales satisfaisantes, la BEI se retrouve impliquée dans des projets très controversés.

La Banque européenne d’investissement a été créée en 1957 avec le Traité de Rome. Elle prête chaque année plus de 45 milliards d’euros de prêts à des promoteurs publics ou privés, soit deux fois plus que la Banque mondiale. La BEI a pour mission d’allouer des financements à des projets qui soutiennent la réalisation des objectifs de l’Union européenne (UE). A l’origine, il s’agissait de financer les grandes infrastructures nécessaires pour intégrer les économies des Etats membres de l’Union européenne, et de faciliter les investissements dans ses zones les moins développées. Aujourd’hui, plus de 10 % des activités de la Banque sont situées hors de l’UE.

La BEI accorde donc des financements bancaires (prêts et garanties) pour des projets que lui soumettent des organismes ou des entreprises des secteurs public et privé. La Banque consent aussi des « prêts globaux » à des intermédiaires financiers, qui prêtent à leur tour cet argent à des PME ou collectivités territoriales. L’utilisation finale de ces prêts globaux fait l’objet d’une opacité totale.

Pour recevoir son appui, la BEI explique que les projets et programmes doivent être viables dans quatre domaines essentiels : économique, technique, environnemental et financier. En réalité, la Banque manque cruellement d’expertise environnementale, et laisse cette évaluation au promoteur du projet. En outre, les aspects sociaux sont laissés de côté. Au final, La BEI semble chercher avant tout à financer des projets dont les retombées économiques sont certaines et élevées.

L’implication de la BEI dans les pays du Sud

Dès les années 1960, la Banque commence à accorder des prêts pour des projets en Afrique, puis en Amérique latine et en Asie en 1993. Aujourd’hui, plus de 10 % de ses financements concernent des pays hors de l’UE – de la Chine au Brésil, ce qui représente un volume d’investissement d’environ 6 milliards d’euros en 2006.
Bien que ses activités dans les pays du Sud ne représentent encore qu’une fraction relativement faible de son budget global (par rapport aux interventions dans les pays membres de l’UE), elles en font néanmoins un acteur essentiel parmi les institutions financières internationales (IFI) qui financent des projets dans le Sud.

L ’expansion des activités de la BEI au sud est le résultat de décisions du Conseil de l’Union européenne, qui accorde ses mandats externes à la BEI. Ces mandats sont basés sur les cadres de coopération établis entre l’UE et les Etats non-membres (accords de Cotonou, politiques de coopération, accords bilatéraux…).

L’activité de la BEI dans le sud n’a cessé de s’intensifier, et la tendance semble se confirmer pour les années à venir : en 2006, la BEI s’est vu attribué un nouveau mandat externe pour la période 2007-2013, qui s’élève à 27,8 milliards d’euros, soit une augmentation d’un tiers par rapport à ses mandat précédents.
La BEI est devenue un acteur essentiel de la coopération entre l’Union européenne et la zone Afrique Caraïbes Pacifique (ACP) où elle agit dans le cadre de la stratégie européenne de l’Accord de Cotonou24, dont l’objectif principal est l’éradication de la pauvreté et la promotion du développement durable. L’engagement croissant de la BEI dans la région ACP se vérifie sur le terrain : en 2005, la Banque ouvre des bureaux de représentation régionale à Dakar, Nairobi et Prétoria, de manière à « assurer une présence permanente dans les principales régions d’Afrique », afin d’« amplifier ses opérations dans la région des Caraïbes ». En mai 2007, dans la même optique, la BEI ouvre un bureau de représentation pour la région Caraïbe en Martinique.

Une banque de développement ?

La BEI se présente en zone ACP comme une banque de développement : « En sa qualité de banque de développement de l’Union européenne, la Banque est un partenaire pour le développement de la majorité des pays ACP depuis une trentaine d’années et, pour un grand nombre d’entre eux, depuis 40 ans. »
Malgré ces beaux discours, en pratique, la BEI n’a pas de stratégie liée au développement au Sud et ses financements sont davantage dirigés vers le soutien de grandes compagnies dans des secteurs du type industries extractives ou privatisation des services de l’eau plutôt qu’au service de la réduction de la pauvreté ou des normes environnementales. Les impacts désastreux de l’industrie minière sont pourtant bien connus, et ses effets sur le développement sont remis en cause. Et la BEI n’a aujourd’hui aucune norme sociale ou environnementale lui permettant d’évaluer sérieusement les projets qu’elle finance dans les industries extractives notamment : c’est pourquoi les Amis de la Terre ont lancé la campagne « L’Europe mine l’Afrique » demandant un moratoire sur le financement des projets miniers en Afrique.