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Agriculture
28 novembre 2014

La FNSEA lance la « 3ème Révolution Agricole et Alimentaire » : après l’Agriculture Raisonnée, voici l’Agriculture responsable !

En 1993 était créé, à l’initiative de la FNSEA, le Forum de l’Agriculture Raisonnée et Respectueuse de l’Environnement ou FARR.

En 1993 était créé, à l’initiative de la FNSEA, le Forum de l’Agriculture Raisonnée et Respectueuse de l’Environnement ou FARRE 1. Sur son site, on pouvait lire que “L’agriculture raisonnée est une approche globale de l’entreprise agricole, qui prend en compte de manière équilibrée les objectifs économiques des producteurs, les attentes des consommateurs et le respect de l’environnement”. Rien que ça.

Mais 20 ans plus tard – après que des milliers de tonnes de pesticides aient été déversées dans l’air, l’eau, les sols et nos assiettes, après que des milliers d’agriculteurs aient été soit obligés de quitter leur ferme, soit asservis à l’agro-industrie – la tentative de verdissement de l’agriculture française par FARRE avait besoin d’un sacré coup de peinture verte ! Alors rebelote : la FNSEA lançait les 20 et 21 novembre à Orléans, la 3ème Révolution Agricole et Alimentaire (sic !) avec son Open agrifood (en français dans le texte), dont un des objectifs est de “Devenir la vitrine internationale de l’agriculture responsable, en particulier, en termes d’innovation agronomique, technique et sociétale” .

Le discours « environnemental » de l’agriculture raisonnée avait séduit des agriculteurs lassés par les excès de l’agriculture intensive et son cortège de pesticides, nitrates, vaches folles, poulets à la dioxine et autres OGM. Mécontents, de nombreux agriculteurs se détournaient de la FNSEA pour aller notamment vers la Confédération Paysanne. Il fallait réagir ! En créant le FARRE, la FNSEA ouvrait une soupape pour les agriculteurs qui cherchaient une alternative, tout en les maintenant fermement sous sa tutelle. Le discours s’adaptait, pas vraiment les méthodes.

Aujourd’hui, la FNSEA a bien compris que le citoyen/consommateur/contribuable en a assez que la France soit transformée en « Ferme des 65 millions de vaches »… à lait ! Peu de secteurs économiques reçoivent autant d’aides que l’agriculture pour perdre chaque année… autant d’emplois ! Malgré ces aides, des milliers de petits agriculteurs triment pour gagner à peine le SMIC, pendant que quelques barons s’engraissent !

Cette répartition particulièrement injuste des aides agricoles n’a pas empêché la FNSEA de rédiger une « Charte éthique de l’Open agrifood ». Et on ne lésine pas sur les mots : il y est question « d’honnêteté intellectuelle », « d’objectivité et d’ouverture d’esprit », « d’accueil des opinions les plus diverses », « de respect de la parole d’autrui et de son intégrité physique ».

Mais attention, pour ceux, naïfs, qui prendraient au sérieux ces belles déclarations, on est à la FNSEA : il est donc précisé qu’une des « Valeurs » de base de la Charte éthique est le « refus de l’obscurantisme » ! Derrière le vernis du blabla éthique, le discours dur « anti-djihadistes verts » réapparait vite … De toute façon, avec la présence de Cargill, McDonald, Leclerc et le GNIS comme partenaires, nos craintes d’assister à un écologisme débridé restaient limitées.

L’agriculture Bio est, quant à elle, vraiment à l’opposé du modèle promu par la FNSEA. L’essor et l’engouement du public pour une agriculture respectueuse des Humains et de la Nature (Bio et/ou Paysanne), représentent une menace pour le modèle agricole dominant.

Les agriculteurs Bio par exemple n’acceptent aucune contamination génétique dans leurs produits. Le FARRE ne s’y opposait pas. L’Open agrifood probablement pas non plus, puisque Marcel Grifon, membre du Think Tank Agrifood (beau nom technocratique qui fleure bon les produits du terroir !), est aussi Président de l’Association Internationale de l’Agriculture Ecologiquement Intensive qui « n’exclut ni les OGM, ni les engrais de synthèse, ni les pesticides ».

L’UIPP (Union des Industriels de la Protections des Plantes – façon polie de parler des produits chimiques agricoles) ainsi que Bayer, DuPont, Syngenta étaient déjà membres de FARRE et – ô surprise ! – on retrouve aujourd’hui une ancienne responsable de la FNSEA, aujourd’hui directrice de l’UIPP, dans le Think Tank de l’Agrifood. Un peu d’agriculture intensément chimique, ça ne peut pas faire mal… aux actionnaires.

La protection de l’Environnement étant inscrite comme priorité, en particulier au niveau européen, d’importants moyens financiers sont mis à disposition. Il y a donc de nombreuses subventions à capter, sport national où la FNSEA excelle. Comme en plus cette fédération agricole contrôle nombre de Chambres d’Agriculture et de Commissions Départementales d’Orientation Agricole (CDOA), elle peut s’assurer qu’un maximum d’aides iront vers des projets qui reprendront le verbiage issu de cette fabrique de beaux messages qu’est l’ « Open Agri-machin ».

Ainsi cet Open agri-machin représente un réel danger pour une vraie agriculture respectueuse de l’environnement. En effet, il pourrait aider à verdir des projets peu exigeants pour percevoir une grande partie des aides, au détriment d’une véritable agriculture biologique et/ou Paysanne, seule en mesure de développer et d’offrir des produits à des prix accessibles pour un large public, et seule forme d’agriculture qui lutte efficacement contre la pression insoutenable qu’exerce l’agriculture intensive et industrielle avec son cortège de ravages pour l’environnement et notre santé.

Mais il n’y a pas que des subventions à prendre, il y a aussi le marché des “produits sains”. Nombre de consommateurs achèteront un produit de l’agriculture “responsable”, comme on dit à l’Open Agri-machin, pensant avoir un produit comparable au bio – plutôt qu’un produit bio, coûtant plus cher. La grande distribution a bien compris l’intérêt de ces produits “responsables”. Elle peut ainsi offrir à ses clients des produits prétendument respectueux de l’environnement, à des prix compétitifs et ainsi gagner de l’argent, tout en se donnant une image “verte”. Dans le cas de FARRE, le professeur Girardin de l’INRA de Colmar avait analysé les 46 préconisations de FARRE et trouvé que seules… 6 agissaient un peu dans le sens de la protection de l’environnement !

Tout comme l’Indication Géographique Protégée (IGP), l’Agriculture Raisonnée créait une nouvelle certification qui n’apportait que très peu de garanties aux consommateurs. Elle ne faisait qu’entretenir la confusion avec les vrais labels de qualité, et leurs cahiers des charges contraignants et rigoureux. Plus la confusion est grande, moins les citoyens-consommateurs s’y retrouvent !

Pour toutes ces raisons, les Amis de la Terre demandent que l’argent censé protéger l’environnement, aille vers les agricultures qui le protègent REELLEMENT : l’agriculture biologique et l’agriculture paysanne. Les faux-nez de l’agriculture durable, hier FARRE, aujourd’hui l’Open agrifood, n’auraient jamais pu se développer sans la plus grande sollicitude de tous les Ministres de l’Agriculture, de Mr Glavany à Mr Le Foll. A commencer par les 250 000 € d’argent public que cette opération d’enfumage a coûté !

Les Amis de la Terre demandent au Ministère de l’Agriculture de prendre enfin au sérieux les demandes de nos concitoyens : défendre l’intérêt général, plutôt que de ne favoriser que les intérêts privés de quelques lobbies de la chimie, des biotechnologies, de la malbouffe et des agrocarburants et de leurs alliés, toujours prêts à détourner le discours des écologistes et les subventions à… leur(s) profit(s).