La régulation foncière en question
Contraints de refaire la ville sur la ville, les pouvoirs publics sont souvent confrontés à un foncier trop cher pour investir... alors même que ce sont les investissements publics qui ont contribué à son renchérissement !
Peu connus, les mécanismes fonciers sont à la base des
phénomènes urbains. Matière première du développement
spatial et de la construction, le terrain conditionne toute
politique urbaine. Son prix, sa disponibilité, l’encadrement
juridique dont il fait ou non l’objet, conditionnent les capacités
d’action des pouvoirs publics dans la construction ou la
reconstruction de la ville.
Foncier, base de tout projet
Immobile par nature et non duplicable, le foncier est l’un
des principaux éléments constitutifs de la valeur d’un bien
immobilier. Même si les coûts de construction sont relativement
encadrés, la valeur des terrains varie dans des proportions
parfois vertigineuses selon sa localisation.
Dans une période où seuls les plus irréductibles néolibéraux
pensent que le marché peut réguler les prix de l’immobilier et
des terrains, force est de constater que la puissance publique
ne dispose pas des outils de régulation et d’encadrement des
prix du foncier. Pourtant, ces outils seuls permettraient à des
projets d’équipement publics ou de logements sociaux de
s’affranchir, dans l’intérêt général, de la course folle aux
terrains de plus en plus chers, dans laquelle ils ne peuvent
lutter face aux projets privés les plus lucratifs. Construire un
logement social ou une bibliothèque ne sera jamais aussi
rentable financièrement que créer une résidence de luxe ou
un centre commercial.
Adapter le droit des propriétaires ?
Des mécanismes d’utilité publique existent qui, en anticipant
l’augmentation dans les zones à urbaniser, permettent à la
puissance publique d’acquérir des terrains dans de bonnes
conditions. Mais ces mécanismes s’avèrent souvent insuffisants
en zone déjà urbanisée. Dans ces secteurs, le respect des
intérêts des propriétaires en place est le plus souvent prépondérant
face à l’intérêt des projets publics. Si les droits des
propriétaires ne sauraient être balayés d’un revers de la main,
le droit sacré de la propriété pourrait-il être adapté dans un
contexte actuel de crise urbaine et de pénurie de logement ?
Le cas du financement des infrastructures de transport est
éclairant. La réalisation de ces équipements, très coûteuse en
milieu urbain dense, est créatrice de plus-values immobilières
et foncières très importantes qui bénéficient à des propriétaires
n’ayant en aucune façon contribué à ces investissements.
Ne pourrait-on envisager des mécanismes fiscaux de redistribution
de cette valeur créée par la puissance publique ?
Puisqu’il semble impossible à la puissance publique de
préempter les terrains qui vont prendre de la valeur en raison
de ses investissements, qu’il lui soit au moins possible de
bénéficier en partie de ces plus-values pour financer la création
de transports en commun indispensables.
Pour mettre fin à l’étalement urbain, savoir refaire la ville
sur la ville dans des conditions financières acceptables est
indispensable. La question de la régulation foncière en milieu
urbain est donc essentielle.
> JEROME B.
photo : Jean-Louis Zimmermann sous licence Creative commons