Vue aérienne méga projet d'exploitation fossile
Climat-ÉnergieFinance
18 mars 2020

Les banques financent toujours plus les énergies fossiles

Un nouveau rapport international révèle que les banques ont accordé $2 700 milliards, soit près du PIB de la France, aux énergies fossiles depuis l'adoption de l'Accord de Paris sur le climat. Ces financements n'ont cessé d'augmenter chaque année depuis 2016, et les grandes banques françaises, BNP Paribas en tête, ne sont pas en reste.

La dernière version du rapport le plus complet sur le financement aux énergies fossiles par les banques internationales Banking on Climate Change 2020 a été publiée aujourd’hui 1

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« Banking on climate change »

Issu de la collaboration entre Reclaim Finance, Rainforest Action Network, BankTrack, Indigenous Environmental Network, Oil Change International et Sierra Club, et soutenu par plus de 250 organisations de 45 pays du monde entier, dont les Amis de la Terre France, le rapport totalise les prêts et les émissions d’actions et d’obligations de 2 100 entreprises dans les secteurs du charbon, du pétrole et du gaz à l’échelle mondiale sur la période 2016-2019.

  • 35 banques internationales ont accordé 2 700 milliards de dollars de financements aux énergies fossiles après l’adoption de l’Accord de Paris en décembre 2015. 
  • Les banques nord-américaines dominent toujours avec 9 banques des Etats-Unis et du Canada parmi les 15 plus gros financeurs aux énergies fossiles. JPMorgan Chase est le 1er financeur des énergies fossiles au monde.
  • Trois banques européennes figurent dans le top 15 des plus gros financeurs sur la période 2016-2019 : Barclays en tête, puis HSBC et BNP Paribas. Avec plus de 30,6 milliards de dollars de financements l’année dernière, BNP Paribas a été le plus grand financeur européen des énergies fossiles en 2019, et le 9ème au niveau international.
  • Sur la période 2016-2019, les banques françaises se classent 13ème (BNP Paribas, 84,2 milliards), 22ème (Société Générale, 54 milliards), 24ème (Crédit Agricole, 45,9 milliards) et 28ème (Natixis, 30,5 milliards). BNP Paribas domine donc largement les financements venus de France, avec des soutiens 56% supérieurs à celui de Société Générale.

Des financements massifs et croissants à l’expansion des énergies fossiles

A rebours des conclusions des scientifiques du GIEC sur l’urgence à organiser la sortie des énergies fossiles afin de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre, les données du Report Card montrent que les banques alimentent de plus en plus la catastrophe climatique.

  • Les financements aux énergies fossiles ont augmenté chaque année depuis l’adoption de l’Accord de Paris en décembre 2015, pour une augmentation de 15% entre 2016 et 2019.
  • BNP Paribas est la deuxième banque2 à avoir connu la plus forte hausse dans ses financements entre 2018 et 2019, avec des soutiens en hausse de 72%. Sans révision de sa politique charbon, BNP Paribas pourrait continuer d’augmenter ses financements à la production d’électricité à partir de charbon. Par ailleurs, cette forte hausse démontre aussi l’inefficacité des politiques adoptées par BNP Paribas pour infléchir son financement aux majors pétrolières et gazières. 
  • Le rapport suit également les financements aux 100 entreprises qui prévoient le plus de nouvelles extractions de charbon, de pétrole et de gaz ainsi que d’infrastructures connexes. Sur les 2 700 milliards de dollars de financement aux combustibles fossiles, 975 milliards sont allés à ces entreprises. Malgré le besoin urgent d’arrêter immédiatement toute expansion des énergies fossiles, le financement à ces entreprises irresponsables a grimpé en flèche, de 40% entre 2018 et 2019. Les quatre grandes banques françaises analysées dans ce rapport ont toutes augmenté leurs financements à ces entreprises dans la dernière année.

Des banques françaises toujours addictes aux énergies fossiles extrêmes

Le rapport analyse les financements aux secteurs les plus dangereux sur tous les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance : l’extraction gazière et pétrolière en Arctique, en offshore,  l’exploitation de sables bitumineux, la production de pétrole et gaz de schiste, le charbon, et le gaz naturel liquéfié (GNL). L’analyse des données permettent d’entrevoir les tendances qui se dessinent pour les banques françaises.

  • Avec 15 milliards de dollars de financements à l’offshore, BNP Paribas est la troisième banque internationale à financer le plus ce secteur en pleine croissance. Et malgré une politique d’exclusion sur l’Arctique, BNP Paribas demeure la 7ème banque à avoir le plus financé ce secteur depuis la COP21. Parmi les principaux clients de BNP Paribas figurent les grandes majors pétrolières et gazières ENI (8,2 milliards), Shell (3,6 milliards), BP (2,6 milliards), Saudi Aramco (1,9 milliard) et bien entendu Total (1,3 milliard). 
  • Malgré une politique d’exclusion des gaz et pétrole de schiste, BNP Paribas a multiplié par 9 ses financements au secteur au cours de la dernière année. Une fois de plus, cela est dû à ses soutiens en direction des majors Shell et Chevron qui sont les plus gros producteurs et développeurs de ce secteur mais pourrait être sous les seuils d’exclusion de BNP Paribas en raison de leur grande diversification3
  • Avec un total de 8,5 milliards de dollars de financements aux pétroles et gaz de schiste et au GNL depuis l’Accord de Paris, Société Générale est la 1ère banque française à soutenir ces industries en pleine expansion notamment aux Etats-Unis, et la 6ème au monde à soutenir le GNL. Société Générale a presque triplé ses financements à ces deux secteurs entre 2018 et 2019, et rien n’empêchera ces montants de continuer à croître tant qu’aucune limite encadrant ces soutiens n’auront été posées.

Des engagements volontaires insuffisants à répondre à l’urgence climatique

Le rapport évalue également les politiques des banques sur les énergies fossiles. Malgré la multiplication des annonces de nouvelles politiques ces derniers mois, aucune banque n’obtient ne serait-ce que la moitié des points.

BNP Paribas est un exemple frappant de l’échec lamentable des banques à répondre à l’urgence climatique. Au lieu d’adopter une approche rigoureuse permettant de prévenir l’expansion des énergies fossiles et d’en faciliter la sortie progressive, les banques suivent une approche à la carte, réduisant leurs financements à une partie des énergies fossiles pour mieux les augmenter ailleurs.

Lucie Pinson
Directrice générale de Reclaim Finance

La hausse en 2019 des financements de toutes les grandes banques françaises au développement de projets fossiles est un marqueur de leur incapacité à prendre d’elles-mêmes les mesures exigées par l’urgence climatique. La nécessaire sortie des charbon, pétrole et gaz ne pourra se faire à temps qu’à condition que le gouvernement contraigne dès ce jour les banques à se mettre au pas du climat.

Lorette Philippot
Chargée de campagne Finance privée aux Amis de la Terre France

Article publié avec l’association Reclaim Finance.

Notes
1

Télécharger le rapport complet.

2

La première banque à avoir le plus augmenté ses financements aux énergies fossiles entre 2018 et 2019 est Standard Chartered avec une hausse de 75%, la faisant passer à 9 milliards de financements en 2019, contre 30 milliards pour BNP Paribas.

3

En 2017, BNP Paribas a adopté une politique sur les pétrole et gaz non conventionnels qui implique l’arrêt des financements par la banque aux entreprises diversifiées du secteur pétrole et gaz (actives dans l’exploration/production, transport, marketing, distribution, raffinage, etc.) dont le chiffre d’affaire lié à l’exploration et la production de gaz et pétrole de schiste et pétrole issu des sables bitumineux est supérieur à 30% de leur chiffre d’affaire global.