Climat-Énergie
21 septembre 2008

Réfugiés écologiques – 25 millions de personnes dans un vide juridique

Entretien pour la Baleine avec Jean-Marc Lavieille, Maître de conférence au sein du Centre de recherche interdisciplinaire en droit de l’environnement, de l’aménagement et de l’urbanisme – Université de Limoges.

De plus en plus de personnes sont amenées à
quitter leur région ou leur pays pour
des raisons écologiques, quelles sont
ces raisons ?

Les causes environnementales de ces
déplacements forcés sont nombreuses :
séismes, sécheresses, inondations,
déboisement, catastrophes industrielles,
contaminations radioactives, montée des
océans, etc. Elles peuvent être d’origine
naturelle, humaine ou, très souvent, les
deux à fois.

Les déplacés environnementaux sont
donc les populations confrontées à un
bouleversement brutal ou insidieux
(dégradation lente) de leur environnement,
portant atteinte à leurs conditions de vie
et les forçant à quitter, de façon temporaire
ou définitive, leurs lieux habituels de vie,
pour rejoindre une autre région ou un Etat
d’accueil.

Combien de personnes sont
touchées ? Quelles projections peut-on
faire ?

Il est certain que le nombre de
déplacés environnementaux augmentera
si la population mondiale s’accroît
en même temps que la détérioration de
l’environnement.

Au niveau mondial, à l’exception des
déplacés environnementaux, les migrants
représentent 3 % de la population mondiale,
200 millions de personnes qui
vivent et travaillent dans un pays autre
que celui où ils sont nés. Sur ce total, qui
a doublé en 20 ans, 10 % sont des réfugiés
stricto sensu, qui fuient pour rester en
vie, 25 % à 30 % fuient la misère, et
50 % sont à la recherche d’un emploi
mieux rémunéré.

Alors qu’en 2001 le fonds des Nations
Unies pour les populations estimait le
nombre des écoréfugiés à 25 millions,
certaines projections avancent le chiffre
d’un milliard de réfugiés pour 2100, le
réchauffement climatique participant activement
à cette augmentation (150 millions
de déplacés en 2050 selon des études
récentes).
L’ensemble de la planète vit un accroissement
de cette vulnérabilité écologique,
mais les pays pauvres et les plus peuplés
sont les plus touchés, les fragilités sociales
et humaines transformant le phénomène
naturel en catastrophe.

De quel statut disposent les
réfugiés écologiques ?

Les déplacés environnementaux
n’ont pas de statut international. La
Convention de 1951 et son protocole de
1967 relatifs au statut des réfugiés laissent
un vide juridique en ne prenant pas en
compte les situations environnementales.
Il faut donc s’engager dans la voie d’une
reconnaissance de leurs droits : penser
et adopter une convention sur le statut
des déplacés environnementaux, qui leur
permette de trouver une protection
auprès des Etats. C’est la tâche à
laquelle s’est attelé notre groupe d’universitaires,
qui préconise aussi la création
d’une Agence mondiale pour les déplacés
environnementaux et une seconde
agence d’assistance écologique.

La nécessaire solidarité internationale
appellera aussi diverses remises en
cause des souverainetés étatiques. Mais
ce système à construire sera-t-il à la hauteur
de ces terribles défis ?

> PROPOS RECUEILLIS PAR JULIEN B.

Pour plus d’informations

• www.unilim.fr/crideau

• www.catastrophesecologiquesetdroit.fr